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Forum Role Play » VIE DE VOS PERSONNAGES
Introspections
Créé par Cal~54895 le 16 Décembre 2016 à 00:03
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Cal~54895
Posté le 16 Décembre 2016 à 00:03
#1
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Cal~54895
Posté le 16 Décembre 2016 à 00:17
#2
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C'est l'angoisse qui l'a pris, d'abord, qui a enserré son coeur menu dans sa poitrine aux côtes trop saillantes, quand il a repris son souffle pour aspirer à grandes goulées l'air purifié du centre de cryogénisation et puis après, dehors, quand le smog un peu vicié a empli ses poumons. C'est l'angoisse qui l'a fait tituber, et sortir, passer les portes aux barres d'ouvertures un peu grasses pour gagner la rue, la rue large et pâle de l'après-midi, celle avec les lampadaires qui font comme des halos flous dans le smog. Il avait l'air perdu, un peu, mais surtout l'air sale, dégueulasse, comme les rats qui gisent sur le bord de la chaussée, le ventre vers le ciel sans qu'on sache jamais ce qui les a tués, et le visage gris comme le pavé, comme si après l'avoir vu quelques fois de trop près il en avait gardé la couleur.
Précipitamment, il respirait, dans l'urgence d'arrêter de mourir, quand il a vu les badauds qui déambulaient ou restaient plantés là, à la manière des habitants du secteur, qui fouillent ou somnolent debouts ; ceux-là étaient un peu alertes, alors il est tombé sur le sol crade pour se calmer, puisqu'ils étaient là comme des médecins au chevet d'un calamiteux. Ils étaient pleins de sollicitude, il n'était pas encore lui même, pas encore mutin et finaud, ni acteur et saltimbanque, il était juste ce qu'il est au fond de lui, ce qu'il est vraiment en cet instant rare, il était juste un gamin qui a peur et qui a froid, le froid glacial de la solitude, le froid de l'âme, comme à poil sans ses costumes.
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Il a levé les yeux, doucement, ses yeux anthracite sur une blonde à l'air coiffé-décoiffé, un peu vulgaire, mais sans doute fragile, au fond, et avec la voix qui chevrotait un peu, il l'a prié d'exécuter quelques commandes de deck, parce qu'il était très nul avec les ordinateurs et puis pas trop en état, vu qu'il avait la tête dans le cul et les tempes en compote, activité, c'est légal, qu'il a demandé, avec comme un rat dans la gorge. Oui, mais activité, c'est pour les entreprises, elle a dit, un peu condescendante, une cigarette aux lèvres, quand il a dicté le nom à juxtaposer (juste trois lettres, c'était facile) ; c'est action, qu'il faut faire, elle a ajouté, alors elle a entré « action » sur le deck qu'elle portait au bras, gentille malgré son air un peu pute. Elle va bien, ta bien-aimée, elle est pas en cryo, elle a dit.
Il a inspiré, presque décidé à répondre que les choses étaient pas claires entre eux parce que ça faisait quand même un putain de bout de temps qu'il était parti sans rien dire, et que justement ça lui foutait une trouille de tous les diables, même qu'il se sentait très coupable, mais il s'est dit qu'elle s'en foutait, sans doute, que c'était son problème à lui et qu'il allait devoir se démerder tout seul. Alors il a demandé une seconde fois qu'elle entre le nom d'un vieux con, et lui aussi était en vie, ce qui était, dans l'ensemble, plutôt une bonne nouvelle, du coup, il a souri un peu. Il a envoyé un message ou deux, avec une boule au ventre et dans la gorge, la peur qui prend doucement au tripes, sans oser contacter la fille qu'il avait abandonné avant, et puis il a lu les messages qu'elle avait laissé ; il s'est dit que c'était quand même vraiment con qu'il y aie tout ce monde à côté parce qu'il aurait bien pleuré un coup. Pour la première fois de sa vie, il s'est dit aussi qu'il avait envie d'un alcool fort.
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Il a posé quelques questions sur le passé, et ce qui avait changé, regagnant peu à peu ce qui faisait de lui quelqu'un dans le smog et dans l'air. Il a repris le courage qui remplit les poumons et l'amour qui prend à l'estomac, le visage de petit con qu'il montre à tout le monde comme un trophée et la verve de petit malin ; ses joues ont rosi sous la crasse à nouveau, pour emplir son corps de sève, et il a chipé l'énergie qui l'anime, celle qui lui interdit l'inaction, celle qui lui offre l'amour du risque, un peu, la maladresse, beaucoup, l'effronterie qu'ont les jeunes, les idéaux et la paresse, éternels rivaux, et la sincérité de ceux qui sont au fond un peu cassés. Calamité était prêt à vivre à nouveau, se disait-il, à tout reconstruire, là, les yeux ouverts dans l'obscurité de la pièce, là ou le silence était troublé par juste deux souffles de deux corps si minces. Alors il sourit, un peu perdu, mais avec l'envie d'être confiant, et avec l'envie d'avoir envie, il se dit que c'est ça, l'important, la volonté, que dans cette ville, ce qui compte, c'est l'espoir. Il s'endort plein de ses réflexions grandiloquentes, comme ceux qui refont le monde à chaque fois qu'ils s'arrêtent pour penser.
Cal~54895
Posté le 16 Décembre 2016 à 01:00
#3
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Il gisait là, dans le salon, à contempler ses certitudes qui n'existaient pas, à se demander si seulement elles avaient jamais existé, il gisait comment gisent ceux qui s'auto-auscultent, qui sont leurs propres médecins de l'âme et qui, comme des grands, font face à leurs troubles de l'esprit ; il était comme un écureuil de compagnie qui, sa laisse en bouche, se promènerait seul parmi les rues sales, sordides, sa propre figure paternelle, bien piètre mais bien réelle. Sur le canapé jaune, de la bave coulait doucement sur son épaule, en un goutte à goutte doux et régulier, comme un tic-tac terriblement familier, un de ces détails qui animent comme une flamme les souvenirs et les sensations, les chaleurs au fond de la poitrine, les éruptions d'amour et de bonheur ; ces fulgurances que faisaient naître la musique, ou le fumet lointain, éthéré d'un ragoût aux rats et aux chandelles, l'odeur de sueur d'une femme ou l'ambiance nauséabonde d'un boui-boui septentrional, c'était cet écoulement qui l'avait embrasé, comme le gaz qui reste allumé quand on frotte l’allumette sur le grattoir rouge, rugueux sous le doigt, et que tout explose. C'était cette salive, cette salive gobeline, presque corrosive par nature qui donnait vie à toutes ces sensations, et qui insufflait dans son corps et son âme presque vierges de sa renaissance un souffle nouveau, aux fragrances de soir d'été, si un jour l'air était pur et l'horizon rouge et orange à nouveau.
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Il s'était échappé de l'antre aux murs riches et aux tapis fastes, aux sentiments trop grouillants pour se vider l'esprit, mais il le savait, au fond de lui, qu'il se cachait et ne faisait que reculer l'inévitable. Face à une telle facilité, face à cette acceptation des faits, son sens de la justice, celui qui grouillait encore au fond de son corps comme peuvent proliférer des rats dans les reliquats organiques, un sens bien à lui mais pourtant viscéral, criait « injustice », criait « péché », clamait à sa propre conscience sa lâcheté, et sous le nez lui revenaient des idées saugrenues, des idées de mérite ou de valeur personnelle. Il en était à se demander comment jadis, il avait pu vivre comme cela, de magouilles et d'eau fraîche, de pain, de vin et d'amour, comment il avait pu se repaître dans une insouciance pareille et oser être heureux et effronté et pourquoi aujourd'hui tout cela paraissait presque derrière lui ; c'était à peine s'il se reconnaissait encore, si loin de son travail qui l'avait passionné, de sa marotte d'acteur et de sa manie de ne laisser l'exclusivité de son visage véritable aux very important people. Il allait devoir parler, déjà avec l'envie profonde d'être simplement heureux, mais sachant que rien n'allait être aussi simple, et au fond, il oscillait entre l'envie de devenir animal, mené à la baguette par des sentiments dominateurs, ou se faire violence, peut-être en vain.
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Comme chacun, la Calamité n'était pas toujours sujet à ces pensées abjectes dans leur morosité, ni n'était à chaque instant au fond du puis dans lequel elles pouvaient l'entraîner ; mais il était humain, ou plutôt organique et tel était leur lot. Il pensait, et pensait beaucoup trop ; quelquefois, il aurait aimé être aussi insouciant que son amie, ou aussi complexe, peut-être les deux à la fois. Petit à petit, il enfermait toutes ses idées au fond d'une boîte, construisant si tôt un mal-être qui n'avait pas de raison d'exister, et emplissait un abcès qu'il allait devoir percer, avec douleur mais soulagement, comme lorsqu'un vieil animal de compagnie meurt et que l'on a plus à redouter sa fin. Au fond, il n voulait que respirer, inspirer au plus profond de lui-même sans résistance, sans ce poids sur la poitrine.
Cal~54895
Posté le 19 Décembre 2016 à 03:17
#4
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Il gît, enroulé comme un burrito ou un dürüm, sous la lumière un peu jaune de la chambre, collé-serré dans une couverture un peu trop chaude ; ses vêtements d'extérieurs reposent sur la table basse, bleue comme l'eau d'un bassin de fontaine. Il a su, avec force gesticulations, libérer ses deux bras de sa prison d'étoffe ; il jouit de cette liberté retrouvée sans trop d’extravagance, discret malgré son amplitude. Son menton, imberbe, lisse et vierge, gris comme le pavé, peut-être un peu rêche, repose sur un piédestal, immobile, statue de marbre sur son socle, comme œuvre d'art où le présentoir vaudrait d'avantage que l'objet. Il clos doucement les paupières. Son communicateur, dans l'obscurité, projette une lumière blafarde dans la pénombre plate de la pièce ; à son oreille, l'appareil murmure un message vocal aux sonorités profondes, de gorge, et pour un peu il pourrait sentir la danse des lèvres de l'homme qui lui chuchotent au tympan, elles sont fortes et arrogantes, elles ont la pureté de celles qui n'ont jamais goûté la poussière, son goût âcre aux senteurs d'échec , elles sourient, il peut l'entendre.
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Il parle de lui à la troisième personne, comme un enfant, bravache, pugnace, il a éructé son assurance à la Calamité et au monde entier cet après-midi même ; tous les vieillards ont souri, indulgents, à la vue du pied-tendre qui montrait les crocs, se demandant doucement le moment où, pour la première fois, un revers des phalanges ferait éclater sa pommette, naître la douleur cuisante d'être vaincu, et le ferait se redresser, rageur, déjà imaginant tout ce qu'il allait rendre, au centuple, à son antagoniste. Ils songeaient déjà à son premier réveil sous les barreaux indifférents ou à genoux, encore étourdi par la mort, et souriaient d'avance, pour la leçon à venir. Calamité sourit aussi ; il se dit qu'il serait parfait pour ses affaires.
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La Gobeline dort sous son chef ; il a trop chaud mais ne bouge pas. On ne dérange pas une gobeline qui dort. Il bâille, plutôt ; sa mâchoire s'envole, on pourrait y faire passer toute une fanfare tant elle s'ouvre grand, mais il reste silencieux, à peine un petit raclement quand il relâche l'air qu'il avait inhalé. Sur l'écran blême de son communicateur, il ouvre un second message ; au coin de l'écran, les chiffres lui rappellent les petites heures du matin, finement pointillés comme entre deux feuilles de papier toilette. Ses doigts sont un peu gras, laissent des traces irisées sur l'écran tactile ; il ouvre un second message, aux allures de grande tartine sans formatage précis. Elle est vierge, comme une toile qui n'attend que la ville pour vomir sa marque impudente sur son ersatz de papier ; elle est égarée ; elle doute.
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Elle aussi, ils assistent à ses premiers pas, attendris par ses balbutiements. Calamité n'est pas attendri ; il y voit l'opportunité, la faille et la fissure dans le roc ; il glisse son burin et frappe. Elle ne fait qu'oublier tout ce qu'on lui dit, et il est comme le buvard sale qui boit le jus de ses expériences, de ses peurs, et de ses incompréhensions, elle ne comprend rien et ils n'expliquent jamais, puis rien ne reste gravé dans sa mémoire, ça l’agace. Il l'aidera à se souvenir, les fils de conversation sont comme les premiers amours, ils ne meurent jamais vraiment, dit-il, qu'elle note tout ici, et il pourvoira à ses besoins, c'est promis ; il se sent comme brouette en main, parcourant les rues sales de l'information, casquette un peu crade de récupérateur vissé sur la tête, pour trier le bon du mauvais, les clous rouillés des gemmes précieuses, celles perdues par un esprit ignorant de leur valeur. Il n'attend que l'orfèvre, qui verra le potentiel et enchâssera les diamants et leurs carats dans les montures les plus prestigieuses, et il sait qu'elle fera très bien l'affaire, elle aussi. Ses lèvres sont grises, sales, arrogantes, et elles sourient, fières, fières du travail accompli.
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