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Résilience

♪♪♪♪
La pluie tombait en fines gouttelettes sur la ville, recouvrant les pavés d’un voile argenté. L’homme avançait dans la rue, son manteau sombre battant légèrement sous le souffle du vent, les gouttes glissant sur ses épaules comme autant de pensées qui s’effaçaient à peine étaient elles formulées. Les lampadaires diffusaient une lumière tamisée, créant un halo flou qui se mêlait aux ombres de la nuit, et la lueur des néons se reflétait sur les flaques qui s’étiraient sous ses pas.

Il s'arrêta un instant, juste devant une vitrine où le verre embué se faisait miroir. Là, il croisa son propre regard, ce reflet brouillé par la pluie et la vapeur, mais suffisamment net pour dévoiler ce visage devenu étranger. Cela faisait maintenant quelques heptades qu’il peinait à se reconnaître. Il restait immobile, observant les traits de cet homme en face de lui, un inconnu familier. Les rides légères au coin des yeux, les cheveux tirés en arrière et le regard profond, tout lui paraissait à la fois identique et pourtant si différent. Tant de choses avaient changé.

-Est-ce que ce n'est pas ce que tout le monde fait ?
-Mettre sa vie en mode repeat, en misant tout sur les séries policières et les anti-dépresseurs.
-Est-ce que c'est pas là-dedans que les gens se sentent le mieux ?
-Dans le non changement.

Des aspects de lui-même qu’il s’était interdit autrefois commençaient à se révéler, à se frayer un chemin à travers cette façade de contrôle. Lui qui ne concevait pas l’idée de vivre une vie privée découvrait la chaleur d’un cercle d'amis proches, la sensation de ne plus être entièrement seul. Lui qui refusait de ressentir la moindre faiblesse, qui s’imposait un masque de froideur pour se protéger, commençait à se laisser toucher par des émotions qu'il croyait inexistantes. Il avait appris à accepter ses échecs, à admettre qu'il était faillible, vivant.

Pourtant, au milieu de ces découvertes, il restait une résistance sourde, une force de rappel vers ses anciennes certitudes. Cette capacité à continuer malgré les doutes, à faire face aux peurs qui l'assaillaient, à maintenir un contrôle sur ce qui l’entourait, même lorsque tout semblait lui échapper. Les passants défilaient derrière lui, pressés sous la pluie, mais lui restait là, le regard fixé sur son double d’eau et de verre.

Certains diraient qu’il devait lâcher prise, que cela faisait du bien de temps en temps. Mais lui, il ignorait ce que cela signifiait vraiment. Comment relâcher une emprise qu’il n’avait jamais su desserrer ? Lui qui était connu pour son inaccessibilité, pour ce mur de distance qu’il avait érigé autour de lui, se découvrait plus ouvert. Lui qui était réputé pour sa froideur, se surprenait à ressentir la douce chaleur d'une proximité nouvelle. Et lui, l’Elfe sans vie privée, en tissait désormais les premiers fils.


Mais lâcher prise, qu’est-ce que cela pouvait bien vouloir dire ? Était-ce l’euphorie d'un instant de relâchement, un souffle libérateur sous la pluie ? Ou bien le vertige d’un gouffre sans fin où le contrôle lui échapperait pour de bon ? Pour lui, c’était plutôt la seconde option, l’impression de glisser sans fin sur le fil fragile de ses certitudes. Pourtant, il commençait à comprendre que ce lâcher-prise ne changeait rien à sa détermination, à sa vision, ni même à son humanité. Cela révélait au contraire une autre forme de force, celle de se laisser porter, même par les courants les plus imprévus.
Un jour, quelqu'un lui avait dit : "Vous avez une sacrée résilience." Sur le moment, il n’avait pas compris la profondeur de ces mots. Mais aujourd'hui, face à son reflet, il commençait à percevoir la vérité qui s'y cachait. Car malgré toutes les remises en question qu’il traversait, malgré les incertitudes, il continuait à avancer, à se redéfinir sans jamais se briser. Ce n’était pas une force brutale, mais plutôt celle d’un arbre qui plie sous le vent sans jamais se rompre.

Puis, au milieu de ces pensées, une conviction refit surface, plus forte que jamais. Accepter ? Pourquoi devrait-il accepter de ne pas tout contrôler, de se laisser porter par le courant ? Dans un monde où tout semblait éphémère, même si l’immortalité lui était acquise, son travail, sa mission, restaient les seuls repères tangibles. Ce qu'il accomplissait donnait du sens à son existence, traçait une direction, un but clair. L'idée de relâcher son emprise sur cela lui apparaissait comme une trahison envers tout ce pour quoi il avait lutté.

Elle, elle l’acceptait tel qu’il était. Elle acceptait ses silences, ses absences prolongées, les moments où il disparaissait dans la nuit pour répondre à ses obligations. Elle acceptait ses sourires rares, ses regards distants, cette froideur qui n’était qu’une barrière pour dissimuler ce qu’il ne parvenait pas à exprimer. Elle acceptait sa dévotion à son travail, à l'Empire.
-Selon vous, quelle a été le plus gros mensonge que vous ayez entendu ?
-C'est pas si simple.
-Pourquoi ça ?
-Non, c'est ça le plus gros mensonge que j'ai jamais entendu. C'est pas si simple. Ça c'est le truc qu'ils vous disent à tout bout de champ.
-Et de quoi est-ce qu'il parle ?
-N'importe quoi. De tout en faite. Ça te décourage à force. Ils te disent c'est pas si simple.
-Alors c'est quoi la vérité ?
-Que ça l'est.. Le truc donc on t'a dit que c'était infaisable, tu le fais et tu te rends compte que c'est si simple.. Et que ça l'a toujours été.

Mais lui, pouvait-il en faire autant ? Pouvait-il se permettre de lâcher prise, d’accepter cette nouvelle vie ? La réponse, malgré les tentations, était non. Pas pour lui. Pas encore. Peut-être jamais. Car il savait, au plus profond de lui, que sa place restait aux côtés de son devoir, là où les émotions ne pouvaient pas le distraire, où chaque jour était une bataille qu’il contrôlait. Sa force ne résidait pas seulement dans sa capacité à s'adapter, mais dans sa détermination à tenir le cap coûte que coûte, à rester ferme, même lorsque le monde autour de lui changeait.

Alors, il détourna les yeux de son reflet, glissa ses mains dans les poches de son manteau trempé, et reprit sa marche sous la pluie. Un pas après l’autre, il avançait, laissant derrière lui les questions qui, finalement, n’avaient pas de prise sur lui. Et peut-être que, dans ce refus, dans cette fidélité à lui-même, résidait sa forme la plus pure de résilience : celle de préférer le chemin qu’il connaissait, même s’il le menait loin de ce que les autres appelaient le bonheur.

Spoiler (Afficher)
Première citation: Extrait de la série, iRobot.
Deuxième citation: Extrait du film, Bleed for this.
Totalement HRP.

Informations sur l'article

Textes.
19 Octobre 2024
163√  14 4

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◊ Commentaires

  • Dove (62☆) Le 20 Octobre 2024
    ( Ouin )
  • Henonn (1484☆) Le 20 Octobre 2024
    [-C'est pas si simple
    -Pourtant je l'ai fait
    -Le faire c'est simple, accepter les conséquences, ça l'est moins]
  • Opale (0☆) Le 20 Octobre 2024
    Prose - attitude.
  • Ava (66☆) Le 27 Octobre 2024
    ⭐⭐⭐