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Innerworld - Le Pinatubo

Elle ne le voyait jamais vraiment que quand elle dormait. Et déjà à cette époque, elle s’était fait la réflexion que son monde était bien petit.
Il y avait toujours une ambiance assez froide et sombre dans ce vieux bâtiment. Un immeuble de béton qui existait hors du temps. Comme un ancien entrepôt militaire, où le sol et les murs se voyaient parfois peints de grands chiffres et lettres jaunes anguleuses. Ici et là, la verdure semblait avoir attaqué les murs, et des racines qui cassaient le béton au fil du temps. Des infiltrations d’eau créaient des flaques là où le sol n’était pas droit, et donner une sensation d’humidité froide.

On voyait qu’elle y stockait beaucoup de choses. Le savoir s’empilait sur de larges étagères de métal, dans des boites hermétiquement fermées, de plastique dur, épais, et sombre.
Parfois d’autres n’étaient que des caisses de bois frappées de sceaux de peinture, comme une bombe pulvérisée sur un pochoir.
Dans le fond il y avait un ascenseur. Une grande cage de métal dont la peinture rouge s’écaillait en mille et un endroit. Et lorsqu’on l’ouvrait, le bruit caractéristique du métal qui grince contre le métal se faisait entendre. Il fallait ouvrir la cage d’ascenseur et la refermer, avant d’appuyer sur l’un des trois gros boutons recouverts de plastique coloré, transpercé par la faible lumière des dioptres qui vivotaient dessous.
Un rouge. Deux verts marqués de flèches blanches presque effacées. Elle appuyé sur la flèche du haut.
Elle ne descendait jamais.

Elle savait ce qu’il y avait au fond. Elle n’y allait donc pas, parce qu’elle savait que remonter était trop difficile. Elle montait à chaque fois.

Chaque étage avait une fonction. Chacun évoquait quelque chose. Il n’y avait pas de numéro sur les portes, et aucune d'elles ne se ressemblaient.
Celle-ci, aujourd’hui, était une jolie porte de synthé-bois rouge, avec un carreau de verre sablé qui lui faisait face. Et au-dessus de cette porte, des lettres lumineuses aux couleurs chaudes indiquaient :
« Le Pinatubo ».
Elle poussa la porte, et entra.
Elle se souvenait de cette scène. C’était un bon souvenir. Un de ceux qui lui donnait les larmes aux yeux parce qu’elle était heureuse à ce moment. Et elle l’ignorait complètement.
Elle se voyait, peau chaude, chevelure rouge, yeux or rieurs et amusés. A son côté, un grand brun aux cheveux courts, aux lèvres charnues et aux yeux sombres, qui souriait avec autant de mesure qu’elle. Il était aussi beau que celui qui leur faisait face, plus grand encore, tout aussi brun, mais de longs cheveux ondulés et une barbe de la même teinte. Ils étaient quatre, avec une petite blanche aux courbes plantureuses, au regard vert ingénu qui semblait dévorer les deux hommes des yeux. Elle rayonnait, tant par la trame des couleurs qu’elle arborait, que par son sourire et son rire.
Et elle était là avec eux. Ses plaisanteries les faisaient rire. Ses remarques graveleuses les amusaient. Et elle ne se souvient pas avoir jamais encore fait rire qui que ce soit après ça, ni ne s’être jamais sentie plus à sa place que dans les canapés rouge du Pinatubo, avec cette brune elfique derrière le comptoir qui les observait avec une certaine bienveillance.
Celui qui riait le plus fort était le grand brun aux cheveux longs. Et pour autant, elle se souvenait que celui qui captait le plus son attention était le brun aux cheveux courts.
Mais il y avait quelque chose de froid entre eux.
Et cette ombre au tableau vint anéantir ce souvenir qui s’évanouit en une fumée colorée, poudreuse. Des particules qu’elle tenta d’attraper pour retenir ce souvenir glissèrent entre ses doigts. Et ainsi, le souvenir s’était évanoui.
Ne restant plus alors qu’une pièce bétonnée et sans fenêtre devant elle, au sol gris aussi craquelé que ses murs.

Alors, elle reprit l’ascenseur. Elle referma la grille derrière elle, une barrière à présent physique entre elle et cette pièce qui avait abrité quelque chose de précieux pour elle.
L’Innerworld commençait à collapser.
Elle appuya sur l’imposant bouton vert pour monter encore. Un tremblement agita le bâtiment, tandis qu’elle pleurait son souvenir perdu.
Elle allait tomber tout au fond. Elle le sentait.
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Le concept d'Innerworld est quelque chose de très utilisé par les personnes atteintes de TDI. Pour autant, le concept est tellement intéressant qu'il est souvent utilisé dans les oeuvres de fiction. J'avais envie d'en construire un à mon personnage, qui a une vie intérieure assez riche, et qui n'a malheureusement pas tant l'occasion d'en parler.
En ces temps compliqués, je crois qu'il est très important de remercier les joueurs qui ont donné vie à ce personnage par leurs interactions avec elle. Certaines choses sont ancrées très profondément en elle, et c'est ce que je vais vous proposer de découvrir dans cette série d'edc, si j'arrive à avoir le courage d'aller jusqu'au bout de cette écriture.
Les étoiles sont bien entendu très appréciées, autant que les commentaires.
Merci à tous et bonne lecture !

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