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L'Empire de Poussière

Un nouveau matin silencieux en salle des cuves.
Debout devant l'une d'elles, le délégué regardait avec la confiance née de l'expérience les lumières clignoter en bon ordre sur la carcasse de l'énorme bête mangeuse de farins. Celle contre laquelle il avait renoué connaissance, en partie chastement, avec son ancien amour, il y avait quelques jours à peine.
Il jeta un regard à ses deux sœurs de métal, qui clignotaient simultanément, indifférentes à l'humeur de leur gardien. Machinalement, Xarthius tripotait dans sa main un chargeur 9mm vide, souvenir de sa première sortie en secteur Orion sous les ordres d'Ethayel. Il l'avait ramassé sur le sol de la prison rebelle, après qu'elle s'en soit débarrassé pour un neuf, et conservé depuis tout ce temps.
Depuis quelques heptades, le moral ne cessait de baisser. Dépression temporaire ou chronique, perdait peu à peu goût aux activités du secteur, les laissant tomber au fur et à mesure sans les renouveler. De sa situation de noble, qui ne lui apportait plus rien sinon la promesse d'ennuis futurs, il était retombé à "simple" autorité impériale de son organisation fétiche. Ça lui permettait de se consacrer plus avant à ses à-côtés, projets chimériques ou plus concrets, comme son cercle de réparation, qui marchait ma foi pas si mal depuis qu'il avait su diversifier.
Souvent les gens avaient du mal à ne plus l'appeler Lord, cherchant des substituts affectifs légaux pour le nommer, qui l'émouvaient toujours un peu. "La Noblesse est dans le cœur, pas dans un titre", lui avait dit une personne. Xarthius ne pouvait leur en vouloir, à eux qui parfois ne l'avaient toujours connu qu'ainsi. Il les reprenait pourtant, de la même phrase éculée qu'il finissait pas réciter comme un Mantra: "Ne m'appelez plus Lord, je ne suis plus Noble."
C'était le plus souvent peine perdue, l'homme continuant de recevoir demandes d'avis politiques, de conseils, de décisions à prendre sur des sujets qui ne le concernaient pas, auxquelles il répondait le plus brièvement possible avant de changer de sujet. On le flattait sur ses compétences techniques, on venait encore le voir, disant qu'il avait été chaudement recommandé par untel ou untel. Tout ça aurait dû lui faire plaisir, et pourtant.
Le délégué continuait de travailler, de plus en plus comme un fantôme, par automatisme, faisant annonces d'interventions, publicités, projets pour un futur dans lequel il ne serait même pas. Il y avait trois nuits, Xarthius s'était livré à celle qui était là, venant chercher la vérité, surtout pour elle-même. Les paroles étaient encore bien présentes à sa mémoire.
Elle était venue pour avoir des réponses, entité surgie de son passé pour lui extirper les tréfonds obscurs de son présent.
Elle -Pour une fois j'aimerais savoir ce que toi tu as a dire. Je sais jamais avec toi... Frémissant. J'ai juste besoin de la vérité...
Xarthius -C'est parce qu'y a rien à savoir.
-Voilà.. pourquoi je vais si mal.
-J'ai envie de rien, j'ai plus la Foi. J'ai tenté de réunir des gens, en haut comme en bas, en proposant des idées.
Pose une main à son front en fermant les yeux.

-J'ai fait tous les boulots, connu plein de monde. Ça avait l'air bien. Mais tout le monde s'en fout, et surtout toi. Alors je me demande en me levant si je commence ma journée, ou si je fais sauter le réacteur à plasma.
Un court temps de silence.
-Je veux rien, j'ai besoin de rien, tu vois?
-Je peux pas t'aider, je sais que je peux pas, souffla la femme en quelques mots.
-Et le pire, de personne, je crois. J'aime rester dans ma déprime comme avant. Au moins je connais bien.
-Tu sais... Un jour... Un homme s'est assis dans un canapé à mes côtés et m'a prise les mains. Il m'a dit qu'il comprenait ce que je ressentais, qu'il avait du mal lui aussi. Mais il m'a aussi dit que ça allait s'arranger.
-Il savait pas de quoi il parlait. C'est rassurant, le désespoir, c'est une valeur sûre. Tu peux avoir confiance, il revient toujours.
-Je sais... Laissant retomber ses épaules.
-Il te parle à voix basse à ton oreille, et tu sais qu'il a raison. Alors à quoi bon? Hausse lentement les épaules, regardant la table
-Il y a toujours quelque chose... Il faut aller chercher l'espoir. Dans les endroits ou on ne pensera jamais pouvoir le trouver. Il y en a toujours, j'en ai trouvé.
Hausse de nouveau.
-C'est une promesse. Et j'ai arrêté d'en faire il y a longtemps.
-Tu ressemble à quelqu'un de normal, quand tu parles comme ça. T'as pas bonne mine...
Réprime un frisson et affiche un regard triste.
-Le spectre noir de la Mort qui vient me parler d'espoir... Marrant! Souffle un rire bref
Déglutit.
-Non, pas marrant. Vachement ironique.
Le regarde, dépitée.
-Viens t'asseoir. Ta caresse glacée sur ma joue me donnera un avant-gout de la cryo.
-Dis pas ça..
S'approche, sa robe flottant derrière elle. Reste debout, face à lui.
-Ma princesse macabre...
Lève les yeux dans les siens, le regard rêveur.
-Tant que ça..?
Tend la main vers elle, tournée pour qu'elle la prenne.
Glisse sa petite main dans celle de l'homme.
-On pourrait descendre en bas, dans le coeur de la ville. Tourner quelques boutons, et laisser le monde exploser au dessus de nous. Quand on remonterait, il ne resterait que des os et des cendres, notre Empire de Poussière.
Esquisse un mince sourire.
-Je serai ton Roi et tu serai ma Reine, sur notre nouveau monde.
-Ce serait bien...
Approche sa main libre de sa joue et lui offre la caresse glacée.
Frissonne malgré lui, et pose son autre main sur celle qui le caresse.
-J'aimerais t'emporter avec moi, pour toujours.
Reste silencieux, reportant son regard bleu glace sur elle, un petit sursaut d'espoir y allumant une flamme.
-Un jour. On bouclera la boucle.
Y plonge sa noirceur intense mais douce, toujours, et sourit.
-Un jour.
Xarthius s'arracha d'un clignement d'yeux à ses souvenirs, revenant à la réalité. Il tenait toujours le chargeur en main, et le regarda comme s'il le voyait pour la première fois. Puis il soupira, d'un souffle long et interminable, qui lui amena presque les larmes aux yeux, sous le poids de la mélancolie.
Lentement une main alla chercher son gros dé à cent faces orange dans sa poche, et l'agita quelques secondes avant de le laisser tomber par terre.

-Sur un 100, murmura-t-il pour lui-même.
Le morceau de plastique chuta, rebondit, tournicota joyeusement dans la pièce, roula longuement sous les yeux de l'homme, puis finit par s'immobiliser comme à regret, montrant le chiffre 42 à son observateur.
Xarthius regarda le résultat, presque déçu, et ramassa le dé.

-Peut-être demain, pensa-t-il.
Puis il avança la main au-dessus du brûleur à déchets, attendit son ouverture, et sans un regret, y laissa tomber le chargeur. Ceci fait, le délégué sortit sans un regard en arrière.

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Moments malheureux
28 Avril 2015
1164√  4☆ 9◊

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◊ Commentaires

  • Norah~50792 (365☆) Le 28 Avril 2015
    'va me faire chialer, ce con... *

  • Ethayel~30165 (767☆) Le 29 Avril 2015
    Un FI ne tire pas des balles de 9mm !
    Donc ce n'était pas un chargeur de 9mm !
    Erreur sur la marchandise !
    Mais il était bien ce chargeur souvenir, pourquoi il l'a jeté ? :(

  • Xarthius (145☆) Le 29 Avril 2015
    Surement parce qu'il n'idéalise plus Ethayel autant qu'avant.

  • Ethayel~30165 (767☆) Le 29 Avril 2015
    Zut, et mon fan club alors ?
    C'est un opportuniste Xarthius, il n'apprécie que les personnes aux très hauts statuts sociaux !

  • Xarthius (145☆) Le 29 Avril 2015
    C'est vrai, mais incomplet. Disons que la Noblesse a déçu le personnage sur beaucoup d'aspect. Par contre, il ne pourra pas dire lesquels à des Nobles en exercice... Mystère, donc!

  • Xarthius (145☆) Le 03 Mai 2015
    La reconnaissance de sa noblesse par Miah? A quoi veux-tu que ça lui serve? smiley Mais qui sait, s'il a besoin d'elle un de ces jours... ^^