EDC de Valion~36896

Il pleuvait, ce jour-là.


    La machinerie était cassée. Ou, en réalité, pensait l’être. Tout ce que l’on savait, c’est qu’elle émettait des bruits étranges, irréguliers, incompréhensibles. Ils allaient et venaient, sans but précis, dénués de logique.


    Le mécanicien s’approcha. Il l’avait remarqué, cet engin, différent des autres. Ca l’intriguait, lui pour qui tout était en ordre, un long cours d’évènements dans lequel même les choses les plus improbables avaient leur place. B suivait A, et C suivait B, quoi qu’on fasse. On croit mettre le doigt dans un engrenage par moments, mais ça aussi, le destin l’avait prévu. Alors le mécano ne s’étonnait plus de ce qu’il voyait. Toute cette mélodie, il pensait en avoir compris le sens, le rythme et le tempo depuis longtemps.


    Mais elle…voilà une machine bien étrange, qui bat à contretemps. Elle n’est pas mélodieuse. Elle ne suit pas de rythme défini. Elle a tendance à surchauffer. Pourtant, elle n’est peut-être même pas abîmée…tout du moins, pas encore. Il sait que le temps poursuivra son œuvre nihiliste, chef d’orchestre de cette cacophonie, sur tous ceux qui ne se sont pas encore inclinés à jamais. Fatalisme ? Non, pragmatisme.


    Sa curiosité s’était réveillée, et maintenant, il voulait la comprendre. Il voulait savoir s’il pouvait replacer cette inconnue dans la grande équation du monde qu’il s’imaginait connaître. A moins que…à moins qu’il n’y ait pas d’équation ; que les règles ne signifient rien, que rien ni personne n’ait à se justifier devant des lois inébranlables. Que le monde soit chaos, et que cette machine en soit le monstre.


    Elle lui répondit en échos ; autant de questions qui résonnèrent. Elle aussi, elle voulait comprendre ce monde, perdue en son sein, et ne sachant pas interagir avec. Alors ils décidèrent d’apprendre, ensemble. Un pacte autour d’un simple verbe, sans besoin de l’étoffer ou de l’enjoliver. Au diable la beauté, au diable ces attaches superficielles, ces masques sociaux, ce besoin impérieux d’afficher ce sourire moqueur. Il n’y avait que le Mécanicien, la Machine, et le Monde.


    Cependant, elle était trop curieuse. Elle voulait savoir à quoi elles ressemblaient, ces attaches superficielles qu’il lui avait décrites. Elle désirait s’y essayer, et confronter son inaptitude à se lier. Un réparateur rien que pour elle, une ingénierie rien que pour lui. Lui, non. Il avait déjà tant donné, et tant perdu, si bien qu’il ne voulait plus répondre à l’appel du gain.


    Ils dialoguèrent, longtemps, dans cette langue déjà familière pour eux, mais si étrange pour un observateur extérieur, avec ses sonorités brutes et franches, toujours honnêtes. Il lui partagea ses craintes, son passé, son expérience. Elle réitéra ses demandes, et il les refusa, troublé. Il leva la tête, et regarda le ciel, annonciateur de son futur, se voiler.


Il pleuvait, sur ce chemin entre appréhension et envie.