EDC de Syllanh

Le réveil est brutal, il a un goût de noyade. La brume danse devant mes yeux et dans ma tête. La douleur est sourde, elle pulse lentement, longuement. Tout tourne, tout tangue autour de moi. Je ne distingue ni les murs ni le sol. Tremblante, ma main cherche une prise quelque part, n'importe où, pourvu que je puisse rester debout. Le pas incertain, j'avance. Je crois.

Et le noir à nouveau...

4:30 CH

Quand j'ouvre finalement les yeux, je les referme à nouveau dans un cri. La lumière vive des néons me brûle la rétine et l'écho de ma voix, qui perdure longtemps, me claque au visage comme une gifle. Mon corps s'agite de soubresauts, la bile remonte depuis mon estomac, chaude, épaisse. Et reste bloquée dans mon œsophage. Je voudrais dire....mais rien ne vient. Les mots s'étouffent dans un borborygme qui n'a rien d'humain . Je porte instinctivement la main à mon visage, j'y trouve une mèche de cheveux humide, visqueuse. Et je comprends soudain. La cuve. Je tente une nouvelle fois d'ouvrir les yeux, pleurant à demi. Chaque centimètre de mon corps me fait mal, comme si pendant des heures l'ont m'avait rouée de coups. Et ma tête...ma tête...ça tourne... la panique prend le pas sur l'instant et tout se mélange, tout se fige. Ma conscience vacille. J'ai envie de mourir.

... dormir....laissez moi dormir....

Et je sombre... des images défilent sous mes paupières....

Yurelei....le Lambik...un baiser volé....Malia....tout change si vite....Makivic et Aleïda qui dégainent....
Mon corps s'agite de spasme, mon visage se crispe. Elle fuit...Elle leur échappe. Ils s'en vont...ils s'en vont? Non.... non ils reviennent. Et au sol j'agonise, criblée de balles. Sabya...qu'est-ce qu'il fait...Sabya...fait pas ça ! Arrête Sab, reste en dehors de ça ! L'orc me fait face, allongé dans une flaque de sang. Le miens se glace... des voix... on me parle... "C'est une traitre" Non.. je ne suis pas une traitre... une question... non... non je ne sais pas où Elle est. Je n'en sais rien.... Je n'en sais rien... une ombre s'avance... s'accroupit sur moi... fluette.

Les images se succèdent par saccade, reste trois secondes puis changent, comme sous l'action d'un stroboscope... ça tourne, ça tourne encore. Un visage m'apparait clairement, une jeune femme de ma race, je crois voir l'ombre d'un sourire s'étirer sur ses lèvres au moment où Thallys me rappelle au sein de ses cuves de régénération. Les spasmes se font plus violents et dans mon agitation mes entrailles se répandent sur le sol, épais mélange de bile, d'alcool et de salive...

5:00 CH

-AaaaARRgGh !

Je me redresse brusquement, les yeux écarquillés, le souffle court. Je cherche l'oxygène dans l'air vicié du centre de clonage. J'ai le cœur au bord des lèvres et je tangue encore. L'air me manque, la panique me ronge...et je tourne la tête rapidement pour vomir à nouveau. Ma tête heurte le sol, mes membres me font souffrir, engourdis comme lors d'une cryogénie. Je prend conscience de ma nouvelle réalité. Recroquevillée en position fœtale sur le plancher froid et sale, la tête entre les mains. J'ai l'air ridicule....faible et ridicule. Un insecte parmi les géants.

Il fait froid... l'air ambiant me glace le sang dans les veines, ma peau nue luit faiblement de sueur et d'autre substances répugnantes sous l'éclairage médical....Les souvenirs me reviennent lentement et je n'ose bouger de peur de voir revenir cette atroce douleur dans mon ventre. J'observe mon environnement premier, j'ai horreur de cet endroit....

-..Ma tête..... putain...j'ai mal...

5:30 CH

Péniblement... je me redresse sur les mains, incertaine, encore étourdie. Autour de moi rien n'a bougé. Le grésillement continuel du système de recouvrement des clones résonne dans mon oreille, un cillement distinct, agressant. Je me lève enfin, prenant prise sur un baril renversé. Mes jambes tremblent et mes os craquent sous mon poids. Je m'avance lentement vers un meuble au fond, instinctivement. J'y retrouve mes affaires...mes vêtements. Je m'habille maladroitement, appuyée contre le mur auquel je m'adosse ensuite pour me laisser choir en position assise. Dans une poche je récupère un paquet de cigarettes. L'une d'elle se cale irrémédiablement entre mes lèvres sèches, je l'allume par automatisme. La fumée s'engouffre, s'entasse dans mes poumons tout neufs, puis s'étire en filet hors de ma bouche . Je soupire....la main sur mon communicateur... un message bref, un destinataire trop bien connu.

Ael, viens m'chercher.

Nonchalamment, je me laisse aller contre la dureté du mur...et dans la brume opaque de mon esprit,
Je l'attend.