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32. Analyse comparative d'un esprit au plafond
L’elfe tire machinalement sur sa cigarette au fond d’un taudis, qu’elle s’est elle-même amusée à aménager en un vieux débarras. Elle y a déjà passé des soirées à se tirer les cheveux, taper dans les murs, fracasser la porte du frigo, émietter le canapé… et les débris au sol lui rappellent la misère de son esprit torturé. Les morceaux sont là, gisants par terre tels des déchets, alors qu’ils avaient l’habitude de former un tout auparavant. Oui, un tout.
Ses récentes lectures lui ont ouvert les yeux, sans pour autant la décider à agir. "Oisiveté." Quand bien même ces textes disent vrais, elle ne peut se résoudre à tout abandonner. Pas encore. Cette ville est toujours un fléau guérissable dans ses yeux impuissants.
Les pages de ce nouvel ouvrage, déjà inculqué à Arsène, son IA, l’ont touché au plus haut point. Il mettait des mots sur les étapes de la construction de la ville qui semblaient se transposer sur "l’animalité première" de l’elfe torturée. Comme si la part mécanique de son cerveau cherchait encore à donner une raison logique à toutes ses pensées douloureuses.
"L’Humanité devait s’accomplir en devenant adulte... ou périr en vertu de la Loi Naturelle, implacable et silencieuse." (Ab Urbe Condita)
L’elfe a essayé de se convaincre elle-même. Elle peut encore elle aussi devenir adulte. Ne plus agir comme une jeune égoïste à qui on retire trop violemment la première victoire de toute sa vie. Ou le premier tressaillement. Se contrôler, devenir de marbre comme ces autres. Prendre le recul nécessaire pour assurer sa survie éternelle. Devenir enfin impérialiste. Mais à quel prix?
Tous sont tellement semblables à cette ville, tous autant qu’ils sont. Il faut s’élever très haut au-dessus des gratte-ciels, au plus haut de la plus haute tour, pour observer la ville dans une splendeur que l’on ne voit pas depuis le bas. Une splendeur invisible en bas, en fait. Et les gens doivent s’élever eux aussi pour voir leur horizon des possibilités, découvrir la splendeur qu’ils peuvent apporter au Monde. A la ville. Mais à la place, leur cœur est noir. Mué par cette Loi Naturelle qui leur a arraché les premières joies d’une existence infinie. Et ils ne s’élèvent pas suffisamment encore. Comme une tâche dont aucun ne peut se détacher. La vie éternelle a cela de merveilleux, qu’elle offre également le tourment éternel.
Et l’elfe, il lui faut prendre conscience qu’elle n’est qu’un fragment parmi l’édifice qu’Imperator leur a laissé. Prendre conscience que personne n’est irremplaçable et qu’un individu comme elle, qui attend simplement la construction de son avenir, n’est rien d’autre qu’un fardeau. Elle n’est pas unique à l’Empire comme elle n’est pas unique à un amant. Les défis qu’Imperator met sur leur chemin afin de voir si l’Humanité fera le bon choix, sont autant de répliques acerbes et de cruelles comparaisons faites à l’amour pour tester sa force. Une pique à l’esprit comme au cœur.
"Ainsi notre Histoire est celle de fondations répétées, et sans cesse menacées." (Ab Urbe Condita)
Leur Histoire et leur histoire sont si similaires. Les individus bâtissent encore pour le bien de l’Imperium, s’attelant à la tâche avec entrain, tout comme ils tentent vainement de construire leur vie dans les méandres d’une ville dont les blessures sont toujours visibles. Rien ne leur est acquis. Un nouveau noble, un nouvel anti-citoyen, une nouvelle entreprise, une nouvelle sorte de commerce douteux, une nouvelle rivale, un nouveau prétendant… qui leur mettent des embûches à chaque coin de rue, les menaçant de leur sempiternelle soif de "toujours plus".
Alors les individus tentent tout de même de s’accrocher, trouvant de nouvelles idées, de nouveaux stratèges pour montrer à Imperator qu’il avait raison de leur faire confiance, et ils érigent encore et encore, de la même façon qu’ils cumulent les carrières professionnelles ou les différentes conquêtes de l’amour de leur vie. Ils répètent leur propre histoire, pensant avoir appris de leurs erreurs, mais dans cette vie d’immortel, ils sont souvent menés à refonder en boucle leur précédente misère, dans de nouveaux lieux, avec de nouvelles personnes, croyant passionnément à une nouvelle fin, plus heureuse. Mais quand les rebelles révoltés, fous, menacent à la porte de leur Empire, c’est la même menace d’un cœur révolté, fou, qui gronde et les plante profondément d’un regard meurtrier dans leur vie quotidienne.
"La cité doit sa survie au rempart élevé par les Enclism." (Ab Urbe Condita)
"La cité doit sa survie au rempart élevé par les Enclism." (Ab Urbe Condita)
Il y avait, en effet, ces murs érigés pour les protéger tous de ce monde hostile et invivable. La ville avait bien assez souffert et Imperator semblait savoir mieux que quiconque, avec son frère, ce qu’il leur fallait à tous. Peut-être y voyait-il là, le symbole d’une cité pure de tout vice? Pourtant rattrapée par la Loi Naturelle implacable de nos jours. Mais la ville a tout de même survécu. C’était un constat évident.
Alors, l’elfe pose sa main sur poitrine et hésite à élever son propre rempart, consciente que sa survie en dépendrait, mais que la finalité serait tout de même douloureuse, que le rempart se ferait rongé à son tour par les vices de la Loi naturelle, tel un acide brûlant contre lequel on ne peut rien faire. L’immortalité a ça de merveilleux, qu’elle vous pousse dans vos retranchements en redoutant autant un avenir sans joie que si vous étiez mortel.
L’elfe a quitté l’environnement fait de déchets avec lequel elle se sent en communion dans sa tourmente. Détraquée comme elle est.
Et c’est dans la tanière des peines, des rires et des vices qu’elle s’abandonne à nouveau en se remémorant un pacte.
-Et que me vaut votre visite, si douce soit-elle, très chère?
-J’avais besoin d'un remontant.. mais.. un truc fort.. un truc qui fasse oublier la douleur là.. à la poitrine.. juste pour aujourd’hui..
-Ah.. Ce genre de truc..
-J’avais besoin d'un remontant.. mais.. un truc fort.. un truc qui fasse oublier la douleur là.. à la poitrine.. juste pour aujourd’hui..
-Ah.. Ce genre de truc..
L’elfe se laisse aller au fond d’un canapé, serrant dans sa main une boîte métallique et sourit d’un air niais, l’esprit embrumé par ce genre de truc.
Esprit, qu’elle imagine flotter, loin au plafond. Au côté d’une lumière verte… A ses côtés…
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Informations sur l'article
Morceaux de vie
17 Mars 2013
1398√
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◊ Commentaires
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Kinchaka~27073 (1094☆) Le 18 Mars 2013
Long, mais j'aime beaucoup comme toujours tes écris l'elfe ^^ -
Swan~3150 (689☆) Le 18 Mars 2013
Merci. J'ai trouvé la lecture des bouquins de Stilicon assez inspirante. Ceux d'Alleria aussi.
J'aurai dû prendre le temps de le faire avant. -
Valmont~32607 (178☆) Le 18 Mars 2013
Je suis d'accord avec la piaf. Sauf que j'ai jamais été embêté par la longueur de tes textes.
Mais tu rajouteras un "s" à débarras, au passage. -
Ladoria~7869 (221☆) Le 19 Mars 2013
La niaiserie, c't'un fléau.
Mais heureusement que le plafond est là, quand même, pour retenir l'essentiel.