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EDC de Swan~3150

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31. L'incommensurabilité des mots

L’elfe reste assise sur son pouf, face à son ordinateur central, faisant face à une série de phrases pianotées à l’avance. Elle a noté chaque assortiment de mots que son esprit a gravé lors de sa lecture récente. Elle caresse du pouce le verre vide de Skiwi dans ses mains. Un de ceux qui sont tout brillants, ceux qu’elle sort pour les grandes occasions à deux. La jeune femme grille une cigarette d’un air distrait, ses yeux bleus reflétant ces bribes de mots qu’elle ne sait pas exactement comment interprétés. Mais peut-être n’ont-ils pas à l’être.
***
Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée. Non. Mais j’ai oublié les préceptes d’Imperator. Il est temps que je me les rappelle. Je ne crois pas que tu puisses réellement m’aider, mais…
Je regarde l’hologramme d’Arsène qui me sourit de ce sourire que je jugerais presque compatissant si je ne savais pas qu’il ne pouvait rien ressentir. J’ai téléchargé les phrases sur un disque. J’aimerais que mon compagnon sans sentiments les ingurgite toutes. J’ouvre le manuel et suit les indications, transférant le contenu sur son système.
[Transfert en cours… Transfert réussi.]
Je souffle une vague de fumée compacte vers Arsène qui ne bronche pas d’un centimètre. Il se contente de réajuster son nœud papillon d’un geste mécanique.
[J’aimerais être une cigarette pour naître au creux de vos mains, vivre sur vos lèvres et mourir à vos pieds.]
Fort heureusement, il n'est pas là, mon bourreau. Je ne pensais pas qu'on puisse être aussi beau parleur que lui.
C’est vrai que tu es un romantique alors. Plus romantique que coquin donc. Alors... tu peux peut-être me répondre. Comme ça. Au hasard… Tu crois qu’il dit vrai ?
["Il" inconnu. Toute vérité nécessite une démarche pratique.]
Tu sais, l'am... Ah… tu tires ça de ta nouvelle base de données… bien. Au moins, tu t’en sers. Mais… réfléchissons-y alors.
La vérité. Qu’elle soit joliment modelée par les bouches de l’Empire ou par les lèvres d’un amant… il n’y a guère de moyen de s’en assurer. Appliquer cette idéologie à la vie quotidienne? Une démarche pratique. Non, j’en ai fini de surveiller ses faits et gestes… Et malgré moi, mon regard se porte sur mon com’, et malgré moi, mes doigts cherchent un traceur. Non, il suffit. Il ne faut plus y réfléchir...
La vérité… une chose compliquée pourtant. Il n’y a rien de pratique là-dedans. Et puis… comment faire confiance, quand on n’a aucune confiance en soi-même?
[Tourner son regard sur soi, autorise à voir plus loin.]
Je plisse les yeux, me rappelant parfaitement cette phrase qui m’énerve. Cela n’a pas de sens. Tourner son regard sur soi… si on est incertain de ce que l’on voit… alors… comment aller plus loin? Oui, c’est insensé. Tout ceci, c’est bon pour les égos surdimensionnés. Je gesticule un peu de colère sur le pouf. Quelques cendres tombent sur le dos de ma main. La chaleur du bout incandescent de ma cigarette, qui se rapproche, réchauffe mes doigts. Lorsque je relève les yeux, mon regard se porte sur l’écran de l’ordinateur qui me renvoie un reflet distordu.
Je ne vois que des cheveux verts et un visage pâle.
[Je n'admire jamais tant la beauté que lorsqu'elle ne sait plus qu'elle est belle.]
Ah… on repart sur le registre du charmeur, donc. Tu n’auras pas tenu bien longtemps, mon majordome. Mais c’est bien aimable.
Je détache mon regard de l’écran, tentant d’oublier ce visage incertain, rongé par la méfiance quotidienne de lui-même. En parlant d’aimable… un rictus traverse un instant l’expression incertaine de ce visage, avant de s’effacer dans une moue triste. Je secoue la tête. L’amour effrayant, l’amour évident, l’amour épuisant, l’amour des tourments… ils ont balayé les actes d’un autre temps. Subsistent les questionnements.
Tu sais, quelqu’un de rancunier m’a dit, que j’étais le dernier véritable exemple de sa médiocrité. Je trouve ça plus qu’aimable, non?
[Se morfondre, comme s’égarer dans sa vanité oisive, conduit à la ruine.]
Nous y revoilà. L’oisiveté. L’inaction. Certes. Mais que seraient ma cigarette et ce verre, si je ne me morfondais pas de temps à autre? Je remplis à nouveau mon verre étincelant, et bois une gorgée, songeuse. Il faut bien se morfondre un instant pour rebondir, non? Il faut bien passer par là? C’est bien ce sentiment qui donne l’envie d’agir après avoir suffisamment remué son désarroi? Le liquide ambré manquait à cette gorge assoiffée d’oisiveté. Agir… si l’on agit mal, je vois mal comment éviter également la ruine. Mes yeux se portent sur un meuble non loin. Celui qui cache de mauvais trésors d’une ancienne naine. Et maintenant… un pacte scellé, trois fois, car autrement ça ne compte pas, avec une kobolde.
Je ne veux pas douter, tu sais. C’est juste… c’est juste que ça paraît trop beau. J’ai l’impression d’attendre constamment le kanuf qui transpercera mon âme. Ne dis rien encore, Arsène… je n’ai pas fini. Comme mes maudits rêves… j’en fais encore… parfois… les pions sont différents… mais le scénario… c’est le même. Les plans que je fais pour l’avenir, ce sont ceux de ma chute. On doit tous chuter, non? Ne réponds pas, non. Pas encore. Le raisonnement est logique. Dans une vie éternelle, on est obligé de chuter, un jour, non?
[Le détachement est nécessaire afin de prendre la hauteur suffisante pour observer l’horizon des possibilités.]
Je souris à peine. L’hologramme sourit également. C’est comme s’il ne savait pas rester inexpressif malgré son incapacité à ressentir. Son costume de majordome ne comporte aucun pli. Son visage est parfait. Lisse. Peut-être trop, pour vraiment prendre ses phrases au sérieux. Ces phrases pourtant bien réelles et inscrites dans les ouvrages de l’Imperium.
S’il était capable de ressentir, il aurait perçu la lueur défaillante dans mes yeux. Ces mots… je les ai déjà entendus. Mais cela ne m’a pas empêché de frissonner en les lisant noir sur blanc, seule. Je devais me rappeler. D’autres mots m’ont violemment percuté, et je suis presque reconnaissante envers l’IA d’avoir préféré ceux-ci au hasard.
Pourtant… se détacher… je passe mon temps à me détacher, avant de revenir en courant, impuissante. Il me manque juste l’élan nécessaire pour apercevoir l’horizon des possibilités inconnues, durant le bref instant de liberté où je virevolte et me défait d’une étreinte que je voudrais en réalité ne jamais quitter.
Une goutte salée perle sur ma joue pâle.
Je pense à une goutte au bout d’une aiguille alors que les mots d’un pacte raisonnent.
Je songe à ses mots si tendres, que je deviens malgré moi prisonnière de cette addiction si douce.
Merci, Arsène. Laisse-moi maintenant.
***
L’hologramme souriant disparaît dans un flash bleuté, tandis que l’elfe ressasse toutes ces paroles, tous ces mots, toutes ces lettres… dont le pouvoir demeure, parmi tous ceux qu'elle a déjà effleurés du bout des doigts, à jamais et pour toujours…
… incommensurable.
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Inutilisable IG.

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Je n'admire jamais tant la beauté que lorsqu'elle ne sait plus qu'elle est belle. (André Gide)
J’aimerais être une cigarette pour naître au creux de vos mains, vivre sur vos lèvres et mourir à vos pieds. (Anonyme)

◊ Commentaires

  • Siouka~35641 (583☆) Le 12 Mars 2013
    Ah bon ? Dans les ouvrages de l'imperium y'a cette vieille vanne éculée de dragueur à propos d'la cigarette ?
    M'étonne pô d'eux, tiens ! ^^
  • Grypium~23119 (248☆) Le 12 Mars 2013
    Est peu aimable oui!
  • Manerina~6356 (1552☆) Le 12 Mars 2013
    Je crois que je vais devenir fan de Arsène! Très joliment écrit comme toujours.
  • Ladoria~7869 (221☆) Le 13 Mars 2013
    Elle va se faire avoir par le charme d'Arsène, l'elfe... Enfin les deux elfes vont se faire avoir.
    Enfin... Zut, mais c't'un mâle! Faites attention!