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EDC de Swan~3150

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18. Songe, croyance & ignorance (1)

Un message ou un simple cauchemar?
Je l’ai rêvé. La bête. Elle était monstrueuse.
Un tas de terreur et de muscles qui me surplombait, déversant sa bave pestilentielle sur mes cheveux et mon front.
Face à elle. Face à ses pattes munies de grosses écailles grises.
J'étais seule. Terriblement seule.
***
Je crois que la bête a pris plusieurs formes durant ce songe cauchemardesque. Et je m’en rappelle très mal. Je suis sûre que mon esprit a tout évincé. Je revois seulement nettement les crocs qui se referment sur ma jambe gauche. Des crocs jaunes, comme moisis. Moisis par l’horreur, le sang, la puanteur et la laideur. Ils sont longs. Très longs. Ils transpercent ma jambe dans toute sa largeur, quand bien même je ne suis pas très épaisse. Il n’y a pas de mots pour décrire une douleur aussi fulgurante. Mes lèvres s’entre-ouvrent, prête à hurler. Les crocs semblent brûlants dans ma chair et la bête ne lâche pas. Du poison. Je n’arrive pas à crier. Je pleure. Ma voix s’éteint dans un murmure agonisant, comme lorsque l’on souffle sur la braise ardente et qu’elle siffle.
La bête a un œil rouge à travers lequel je perçois la saveur de ma jambe dans sa bouche. Le deuxième est orange, luisant, et cet œil-là semble me dévorer toute entière. Ma perception du temps est altérée, pourtant tout semble incroyablement lent. J’ai tout le temps de ressentir la terreur m’envahir. Mon cœur est sur le point de faillir. Je rassemble mes forces et me tient la poitrine, tandis que la bête relâche sa prise, faisant retomber quelques morceaux de chair calcinés de ses crocs et faisant gicler le sang. Je crois voir un os. L’odeur de ma propre chair est insoutenable. Cependant, je ne ressens plus aucune douleur. Je touche mon visage. Mes paumes paraissent insensibles. Le sang vire du rouge au noir. Ce n’est pas le mien. La bête s’incline devant moi, montrant sa crête de piques verdâtre, ou rougeâtre. Je ne sais plus. Cela a changé. Mais elle est écœurante. Et le long des piques coule le liquide noir.
Je tombe en arrière sur ce que je pense être du sable rose. D’infimes grains qui picotent mon dos. Je vois une ombre au-dessus de moi. Une autre bête serait arrivée ? Pour me finir ? J’ai du mal à discerner ses traits. La luminosité semble petit à petit se faire plus douce. Je commence à entrevoir un visage. Un visage familier. Il semble aspirer ma terreur. Et si ce n’était Lui, qui l’aurait pu ? La bête s’est inclinée devant Cirius Enclism. Imperator.
Il est pâle, mais quand bien même, je sais, je sais qu’il s’agit de lui, même si ses traits semblent indescriptibles. Il sourit et pointe du doigt vers mes jambes. Je me redresse alors et retrouve ma jambe intacte. Devant nous, la bête s’est volatilisée. Ne subsiste qu’une traînée noir de son sang. L’Empereur me fait signe de rester assise sur le sable. Il se tient debout derrière moi. J’ai le sentiment que le rêve est encore plus réel qu’à son commencement.
« Est-ce un test ? »
Il ne répond pas. Pourquoi répondrait-il, même dans un songe ?
« Je ne suis pas prête, n’est-ce pas ? »
Toujours ce silence. Il n’y a même pas un souffle de vent.
« Est-ce…est-ce que c’est votre façon de me sauver ? »
Il s’avance et se retourne pour me faire face, dans son magnifique manteau d’un blanc immaculé. Je ne peux toujours pas dire à quoi il ressemble. Mais encore une fois, il sourit. Presque imperceptiblement.
Enfin, il me fait dos. Il part. Il me laisse. Ne laissant d’autre empreinte dans le sable que celle de Sa Gloire et de Sa Protection.
***
Je me réveille en sursaut, le souffle coupé, à la recherche de repères. Le vautour est là. Il dort. Je ne veux pas qu’il se réveille. Quant à moi, je ne suis même pas en sueur. Le songe semble encore à peine en être un. Je ne peux pas me rendormir. Je soulève la couverture et examine ma jambe gauche. Tout va bien. Je la recouvre à nouveau et je reste assise dans le lit, perplexe.
Ce soir a lieu le combat dans l’arène pour les volontaires de la Marche de Stasset, et malgré toute ma volonté, je sais que ce songe est un message d’avertissement. Il n’est pas encore l’heure. J’ai reçu diverses alertes de la part de mes proches, des alertes qui n’avaient pas tout à fait encore réussi à me dissuader. Pourtant, j’avais entendu les pires atrocités. Mais si Imperator lui-même ne souhaitait pas cela pour moi ? Pouvais-je me réserver le droit de contester ? Pouvais-je espérer d’autres projets ?
J’avais assisté à l’inauguration du Domus Imperatoris la veille. Et alors que l’Ambassadeur dans sa tenue de cérémonie, semblable à celle de Cirius dans mon songe, avait pris la parole, j’avais fermé les yeux. J’avais fermé les yeux pour mieux me concentrer sur ses mots. Toutefois, le buste d’Imperator ne faisait qu’emplir mon esprit. Il envahissait les lieux de toute Sa Gloire. Avait-il lui aussi ressenti ma présence ? Avait-il perçu les doutes trop présents dans mon cœur ? J’avais abandonné ma bouteille de Skiwi à peine quelques jour plus tôt et je me plaisais à considérer que mon cerveau retrouvait sa pureté. Etais-je présomptueuse de penser ainsi ? Je ne pouvais m’empêcher d’imaginer que mon songe était lié à l’inauguration et à la nouvelle légèreté de mon esprit.
Je regarde à nouveau mon sale vautour. Il semble roucouler. Il roucoulera d’autant plus lorsqu’il saura que j’accepte d’abandonner cette idée folle. Comme il le voulait. Je n’irai pas dans l’arène, même en tant que spectatrice. Et je passerai pour ce que je passerai toujours : une petite elfe terrifiée. Ainsi vont les choses. Ainsi va mon parcours. Je suis une civis comme les autres. Mais l’intelligence est aussi celle de rester en vie. Il serait bête de risquer de tout perdre maintenant. Mais lui ? Mon enfoiré d’emplumé ? Peut-il se contenter de ça ? Je n’en peux plus parfois de passer pour l’elfe ignorante. L’elfe stupide d’un mauvais programme télévisé. Lui qui en sait tellement…
Il me reste toutefois la volonté du savoir. Et si je ne vais pas le chercher à l’extérieur. Je le chercherai de l’intérieur. Autrement.
Je soupire et tire les draps jusqu’à mon cou. Me blottissant. Je ferme les yeux. Mais je ne dormirai pas.
… "Imperator, veille simplement sur moi".

◊ Commentaires

  • Zartam (916☆) Le 19 Décembre 2012
    Le meilleur des 18, et de loin.
  • Maellynn~1382 (244☆) Le 19 Décembre 2012
    Je trouve aussi, pour avoir suivi la serie.. De mieux en mieux, vivement la suite.
  • Swan~3150 (689☆) Le 20 Décembre 2012
    Merci! Je ne m'attendais pas du tout à ce que celui-là soit préféré. Vos commentaires sont très encourageants.
    Mais...mais...je peux pas faire mieux à chaque fois, hein! smiley