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EDC de Swan~3150

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51. La Salle d'Attente

♫La salle d'attente♫


Il fait si froid ce soir. Ou est-ce ce goût amer de fin inachevée qui subsiste ici? Un goût de merde. Un goût de "Ce n’est pas ce que je voulais. Pas comme ça." Non, sûrement pas comme ça.
Une clinique de stalactites. Pas de rendez-vous.

J’inquiète les patients de ce hall qui fait figure d’épilogue en plein milieu de chapitre. Pour ce en quoi je crois, pour ceux en qui j’ai foi, pour toutes les vérités que je sais autant que je me fourvoie. J’effraie. Une infirmière aux relents alcooliques arrive en courant pour me prendre la main. Ça ira. Je dois juste trouver la salle d’attente. Ça ira, hein?

" J'ai peur. "

Elle dit qu'elle sait. Lorsque les gens deviennent habitués de ces rendez-vous d’urgences nocturnes, ils peuvent entendre le personnel murmurer au détour des couloirs. Ou alors n’est-ce que cette voix intérieure qu’ils essaient de persuader du contraire de leurs intentions?
Ils dissertent. Se justifient. Retracent leur vie.
Se trouvent autant de raisons que de déraisons. Font le bilan.
En refont un autre. Agitent leurs doigts avec nervosité. S’ouvrent une fiole
discrètement. Écrivent des messages. Passent quelques appels pour leurs proches inquiets. Questionnent les médecins. Accusent les verdicts incompréhensibles. Repassent un appel. Guettent l’entrée de la clinique. Guettent les portes des bas-fonds. Se justifient encore. Font les cent pas. Tapent contre des murs. Disparaissent entre les patients inconscients. Digèrent un nouveau bilan de leurs actes. Interceptent un espoir
soudain. Envoie un message chargé d’incertitudes. Un autre aux mots bien plus assurés. Circulent à nouveau dans le hall. Se rassoient. Assaisonnent encore
leur gorge d’une touche d’alcool fort.
Ne voient plus les autres souffrants.
Éructent la peine et la douleur. Pleurent s’ils ne hurlent pas.
Synthétisent pour la énième fois leurs pas d’un centre à celui-ci.
Abandonnent leur dissertation face à un écran lumineux:
_____________________________
"Veuillez confirmer."
Que j’ai peur?
_____________________________

"Pourquoi vous êtes là?"
Je ne parle jamais aux autres. Tu sais bien que je n’aime pas les gens.
Ils sont plus bêtes que moi.

"Mais j'ai peur."
"Vous.. vous venez pour... mmh? On passe tous par là."
"Non. J'ai peur. Mais je ne suis pas lâche."
"Alors pourquoi vous avez peur?"
"C'est ce qui pourrait l'amener à devenir une lâche qui lui fait peur."


J’ai une infirmière. Elle parle pour moi. Elle traduit. Il me faut… il me faut quelqu’un pour dire tout ça. Encore. Encore une fois. Et attendre. Attendre que le mal passe ou qu’il s’embrase. Attendre. Encore.
Ces rendez-vous manqués. Ces mains tendues. Ces poignets rattrapés par une seconde de trop. Une seconde en amour de ma détresse. Et elles tombent amoureuses de ce qu’elles rêvent à travers moi.

"Les gens ne savent-ils pas, que si l’un de nous deux..."
Se boucher les oreilles pour redevenir muette.
"Miss Swan, il y a des choses qu’il vaudrait mieux ne jamais entendre."
Se tuer. Se déchirer. Et recommencer.
"Je ne peux pas sans..."
Se convaincre que la peur n'est qu'une passade. Que Nous sommes bien là. Toujours. Que les deux Reines de la Joie et des Fardeaux cessent de se battre et se fondent enfin l'une dans l'autre.

"Ça doit être important pour que quelqu'un comme vous ait aussi peur..."
"Ça l'est pour moi seulement. Important".
"Je crois que vous ne dites pas tout.."

Quelqu’un comme moi? Arrêtez… arrêtez tout… Mais aidez-moi! Docteur… docteur… s’il vous plaît, je vous en prie, je vous implore…

"Votre cas est rare. Il faudra revenir avec un rendez-vous la prochaine fois. Rentrez chez vous."

La salle d’attente est pleine. Pourquoi faire un scandale? Et puisqu’on ne peut plus qu’attendre, autant le faire au chaud. Au creux de nos menottes, de nos cordes, de nos ceintures, de nos milles tortures pour se posséder jusqu’à la crémation. Jusqu'à quand?

Ne pas répondre aux sourires des Dames. Éteindre tous ces radars qui alarment mes veines.
Le smog est toujours là quand je quitte les stalagmites patientes. Ces piques qui poussent insidieusement. Ces voix qui grondent en sortant de leurs gorges. Et le vent agite mes mèches vertes dans des caresses plus que des coups de fouet sur mon visage.

Une main tendre et presque inconnue rajuste quelques-uns de mes cheveux avant que je ne m’en rende compte. Je laisse faire. Il fait si froid, ce soir.

_____________________________
Les attentions démesurées.
Et leurs regards pour m’emprisonner
.
Dans l’eau du lavabo où je noie mon visage, je vois le reflet de ces Dames naissantes.
J'entends une musique criarde au loin. J'entends le bruit d'eau d'un plongeon.
_____________________________
Et c’est peut-être tout aussi bien juste mon imagination.

Traverser la salle d'attente.

Et je rentre à la maison.

◊ Commentaires

  • Sayuri~52453 (9☆) Le 15 Décembre 2014
    *passe et dépose son étoile *
  • Uhmoja~50659 (41☆) Le 15 Décembre 2014
    Une scène qui me dit quelque chose !
    C'est beau, on se sais pas vraiment ce qui se passera par la suite, ça fait peur smiley
    *
  • Swan~3150 (689☆) Le 19 Décembre 2014
    Merci smiley

    @Uhmoja Désolée de t'avoir un peu planté sur la fin! Mais c'était amusant d'avoir le vautour paumé au beau milieu de cette scène.