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La mort suspendue
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La grisaille du plafond en visu. La froideur du sol amplifiée par l'humidité de l'armure. L'adrénaline qui retombe. Et malgré tout le plaisir d'avoir atteint le but... malgré les épreuves...
Le sas vient de se refermer derrière moi. J'étais le dernier. Tout le monde est rentré. Mission accomplie. Me voilà donc allongé dans cette salle, principal accès au monde souterrain. Je reprends mes esprits tandis que les retrouvailles se font progressivement autour de moi.
Je parviens après quelques instants à m'adosser au mur le plus proche. La vieille armure grince un peu. Il reste une chose à faire avant de clore définitivement l'aventure. J'enlève le respirateur et le tourne face à moi. Un dernier sourire à la caméra installée dessus, le pouce levé, pour la postérité. Puis d'arrêter l'enregistrement de nos "exploits". Et de laisser choir le masque à mes côtés dans un soupir.
Ca parle de douche, de bains. C'est vrai que vu la puanteur il n'y aura pas le choix, surtout pour les expéditionnaires en couple. Mais bon, personnellement, après ces trois derniers jours j'en ai plutôt marre de toute cette flotte. Et puis de toute façon, avec ma chance, je suis sûr de chopper la crève demain.
Les couples s'éloignent rapidement dans leur hâte de se retrouver, dans un endroit plus accueillant. Un dernier s'attarde. Elle et un inconnu, probablement un jeune. Tient, en fait elle n'est pas lesbienne elle? Ah ah... du coup elle a du se faire plaisir à me mater l'autre soir. Tant mieux pour elle. Je me demande si elle va lui raconter la façon dont on a survécu au froid. Bien sur que non... T'imagine la scène et les dialogues qui en découleraient! Pour peu que lui soit un brin jaloux ça donnerait un truc vraiment marrant. Ou pas. Non vaut vraiment mieux pas qu'il sache, pour ma tranquillité aussi. Manquerait plus que j'ai des emmerdes pour ça.
Bon allez, c'est le moment, là. J'ouvre la petite poche de mon sac pour en sortir une des deux cigarettes. Celles que j'emporte à chaque expédition. Heureusement la poche est étanche, elles n'ont pas pris la flotte comme le reste de mon équipement. Je les garde toujours au cas ou viendrait ma dernière heure. Un moyen d'atténuer une agonie, de patienter en attendant la cuve définitive. Un dernier moment de bonheur avant le néant. Faut penser à tout! Heureusement ce n'est pas encore pour cette fois.
Le temps de tirer quelques tafs et me voilà désormais seul à côté du sas. Le masque peut tomber. Elle a pris le temps de me remercier. Je crois que j'ai à peine opiné en réaction. C'est que c'était pas forcément attendu et encore moins recherché. C'est flatteur d'un côté mais je sais bien que je ne pourrais de toute façon pas faire autrement. A croire que c'est gravé en moi. Et ça m'apporte tellement d'emmerdes au final. Dérive humaniste à la con que de vouloir protéger la vie dans un secteur qui banalise la cuve. Et qui se fout des disparitions bien souvent tout en maudissant sa propre immortalité. Mais c'est comme ça, je ne me referai pas après plus de 40 ans et ne changerai pas plus les mentalités, ça je l'ai désormais bien compris. Alors je survis comme les autres, comme je l'ai fait dans ces souterrains. Luttant corps et surtout âme. Continuer à aider les autres souvent à mes dépends. Tenter de construire en échouant à chaque fois.
A commencer par cette aventure. Ouvrir cette porte était une connerie monumentale, j'aurais du m'en rendre compte. Mais j'étais trop obsédé par ma soif de connaissance. Alors je me suis pris pour Dread Gyver, le héros de la série d'holos qui sait tout faire. J'ai échafaudé un plan que je pensais réalisable voir même ingénieux. Et qui s'est révélé foireux au possible. Résultat: flotte, trappe refermée, deux morts de leur côté pour pas grand chose, des blessés du notre, une nuit atroce avec mise en danger du groupe et retour à la surface. Bravo Stoner, tu as été brillant! Brillamment con ouais, même un NA aurait su que ça ne pouvait pas fonctionner! La trappe, l'horaire, la quantité de liquide. Çà ne collait pas! C'était pourtant prévisible! Mais non, il a fallut que je tente.
Putain, je tends mon bras et il n'arrête pas de trembler. Faut que je me calme. C'est le contrecoup. Les émotions... Le trop plein exacerbé. Cette dose d'adrénaline qu'on recherche peut être en risquant sa puce dans de pareilles aventures. Faut que je m'occupe l'esprit, je chope mon communicateur qui n’arrête pas de biper. 12 messages. Retour à la vie "normale". L'AITL suivra. "Que s'est il passé en mon absence?" Arf, comme d'habitude ça tire dans tous les sens. Rien de neuf sous le smog...
Clope écrasée, affaires rangées, il faut que je m'arrache. Les sacs sur le dos, je traverse l'espace silencieux qui me sépare de l'entrée. Seuls mes pas résonnent dans ce centre militaire désormais vide. Le nez dehors et... bordel, pas la pluie! Et pas de capuche sur moi bien sur. Pas le choix que de laisser l'eau acide ruisseler sur ma dermique tandis que mes pas me mènent à l'est. J'aurai eu droit à ma douche forcée. Hésitation au croisement. Non pas le bar ce soir, je suis plus en état. Et surtout je me ferais sortir de mon propre établissement je crois vu l'odeur. Bref pour cette fois je piocherai dans les réserves, avant de rattraper le sommeil en retard.
Et demain je reprendrai mon petit train train quotidien jusqu'à la prochaine occasion de risquer la mort définitive.
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Journal de bord
28 Août 2018
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