EDC de Stiny~49460
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Rituel (Non référencé)
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Ils sont quatre.
Réunis, une main tendue
Dans ma direction, le regard incertain
Dans la pièce obscurcie où percent les lanternes.
Je le lis dans leurs yeux, les personnes, au fond d’elles-mêmes, déjà convaincues, celles qui veulent ressentir ; les curieux, coincés entre l’envie et le refus d’y croire, l’esprit en funambule ; et celle-là, visiteuse des mondes mécaniques, habitante matricielle qui vient presque en tourisme scientifique, c’est pittoresque, ces organiques, et qui sait, il y a peut-être quelque chose derrière, quelque chose qui a échappé aux méthodes usuelles de dissection et d’analyse quantitative.
Peut-être.
Un rituel se joue dans les détails, parce que ce sont les détails qui permettent de harponner l’audience, participante ou non. C’est la luminosité, la gestuelle, le choix des mots et des phrasés, les temps de silence et les cliquètements sourds qui permettent de se décentrer, d’offrir à son âme des horizons que les enseignements profondément enracinés au Centre Hospitaliser nous poussent à oublier.
Une urne, une bouteille, une bourse et un scalpel seront les instruments de la symphonie de ce soir, venant se coller à la polyphonie des voix masquées. J’aime les savoirs quantitatifs, la beauté des tableaux et des chiffres, oui ! Mais l’arpentage des mondes spirituels est différente, ça se vit dans les tripes, quand on en a, dans le souffle, dans les douleurs et douceurs des grains de peau irrités, du moins quand on appartient au Rat. C’est primal. Animal. Sincère.
Que ces fragments accordent nos âmes aux ossements de la Ville,
et aux murs de ce Cercle.
De l’urne, une craie grisâtre, de celles qu’il vaut mieux ne pas respirer sous peine d’assister à une dessication pulmonaire immédiate, est versée sur les mains tendues, la mienne comprise.
La poussière, pour fissurer leurs certitudes et leurs logiques.
Que cet extrait de mort violente raccorde nos âmes
aux errants n’ayant pas trouvé la paix.
De l’innommable bouteille, le résidus un brin visqueux est versé par-dessus la cendre. L’effet est immédiat, indéniable. Je croise les regards, repère les révulsions mal dissimulées. Nous connaissons tous cette odeur, et le destin qu’elle évoque. Pourtant, les vivants et les morts ont ceci en commun qu’ils s’ingénient à fuir la paix. L’apoptose, pour tuer l’espoir que la fin puisse ne pas exister.
Qu’il nous maintienne ancrés à la vie qui coule en nous,
Biologique comme mécanique.
Le scalpel a fait son œuvre, et mon don s’offre sur chaque main gavée de poussière et de résidus de mortalité. Leurs yeux ne se détournent plus, pris dans la force de l’instant. Ou analysant l’étrangeté se déroulant, c’est selon. Le sang, pour faire vivre leur envie de croire à l’indicible.
C’est maintenant que tout se joue. Maintenant qu’ils sont happés, connectés comme des vauts à la Matrice. Une indication murmurée, le contenu bleuté de la bourse, mélange de farins et de spore de Néons du Smog, lancé en suspension dans la salle. Chacun se concentre sur son propre souffle. Sur la lanterne au centre de notre cercle. Je sens leur force, celle qui naît du lâcher-prise et de l’oubli, s’accumuler en moi.
Qu’ils soient gnolls, adeptes du Rat, ou même fanatiques de Cirius, la plupart des spirites conscients ou non que j’ai croisés mènent les rituels les plus profonds en solitaires. Il est rare de pouvoir canaliser à son bon vouloir l’énergie spirituelle concentrée de multiples individus y laissant libre accès. Je comprends Sha-Sha, la prêtresse du Secteur 9, et leur passion dévorante pour les rituels sacrificiels. La sensation est intense. Grisante. Rester un simple vecteur, plutôt qu’une contrôleuse, en est d’autant plus difficile.
Ne pas diriger. Canaliser, catalyser, et se laisser glisser à son tour…
Rien de grave, non. Rien de grave.
Un sceau de sang, tracé au sol. Comment décrire ce que je ressens, ce qui transite, et ce qui s’écoule à présent de tout mon être ? Les mots ne rendent pas justice. Ils ne le peuvent pas. Comment décrire ce qui échappe à nos réalités, la tapisserie dont nous ne sommes qu’un fil, et les autres fragments de tissus, interconnectés, qui s’agitent à notre marge ? Ce que j’offre ne sera qu’une piètre formalisation qui pourra passer pour le délire d’une âme irrationnelle à souhait. Je l’accepte.
Que les âmes errantes s’éloignent, car ce n’est pas ici qu’elles trouveront la paix.
Concentrez-vous sur la poussière, l’apoptose et le sang, sur le symbole et la protection.
Respirez… Enfin, ceux qui le peuvent.
Quelques minutes s’écoulent. Lourdes, pesantes, me menant à la limite de la rupture. Une rivière qui tenterait de canaliser la totalité des égouts en un point focal, un torrent de pourriture emplie de pureté. Jusqu’à l’essoufflement. Ce frisson qui parcourt de la tête aux pieds, jusqu’à l’extrémité des orteils et aux racines des cheveux. Cette tension qui se disperse. Un unique claquement de gants, le bruit sec dissipant l’atmosphère soigneusement créée.
Ce lieu est purifié, à présent…
...N’oubliez pas de vous laver les mains. Oui.
L’assemblée se disperse. Lentement. Quelques remerciements murmurés, des pas qui s’agitent, la vie qui reprend. Je ne sais pas si ils ont ressenti ce que nous avons côtoyé.
Je ne sais pas si je le leur souhaite.
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Narration
28 Mars 2023
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