EDC de Stiny~49460

Nourrir les piafs

Je les aime bien, ces plumeux. J’aime bien observer avec eux
Ce prisme déformant, ces centaines de mondes parallèles,
Interconnectés, si proches du monde spirituel
De par leur apparente irréalité.

On regarde, ensemble, du nid, les cieux infinis qui s’étendent,
En haut, en contrebas, jusque à ce que le concept même
De ligne d’horizon ne soit plus qu’une abstraction
Enfin, ils regardent, et je suis leur regard,

Je ne sais pas trop ce qu’ils voient, mais j’aime les voir s’élancer
Leur cerveau sur-développé à l’intelligence élaborée
N’a plus le luxe d’un peu de place pour la sagesse
Ils n’aiment pas le recul, ils ne veulent que voler.

J’aime écouter leur chant, binaire, inaccessible, enthousiaste,
Pépiements aiguës de curiosité, trilles parfois d’arrogance,
Leurs harmonies ne sont pas de celles qu’on a en-bas,
Ils créent de la beauté sans ce goût de poussière.

J’observe, souriante, et souvent, sans comprendre, les pousse vers
Leur prochain envol, sachant qu’à terme chacun chute, bien sûr,
Ou se brûle les ailes. Mais n’est-ce pas ça l’amour ? Accepter
De les voir courir après des rêves voulant les consumer.

Je sais que que leur œil acéré fait de chaque savoir une proie,
Je la comprends tellement, oui, cette soif de transcendance,
Aucun doute, le Rat et la Matrice ont cela en commun,
D’être de trop pour qu’une âme seule les touche.

La douleur, salutaire, m’ancre en fil rouge à une forme de réalité,
Je l'en remercie, car sans elle, je ne serais plus que fragments
Plus d'un million de mondes dissemblables, une diffraction
Où viendraient par milliers les vautours pour plonger
Dans mes entrailles fumantes leur bec carnassier.