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EDC de Solstice

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La fin de l'hiver

Un grand bruit, la porte s’ouvrit. Ses pieds effleurèrent le sol, quelques instants, juste pour bien saisir le sol de la salle de cryogénisation, pour bien se rendre compte de la surface qu’il enjambera de nouveau. La semelle de ses bottes pressait à présent la surface grisâtre du bâtiment. Il sentit la semelle se compressait quand il balança tout le poids de son corps sur le sol, au moment où il s’apprêtait à quitter la cuve. Il prit appui sur les rebords en métal, ils étaient froids, moins que l’intérieur de la cuve, mais assez pour démarrer des sensations qui l’amèneront progressivement à la température ambiante. Ses paumes caressaient le métal froid, il avait envie d’abord de ressentir la texture du métal avant de pouvoir la saisir. Les aspérités de la cuve éveillaient son sens du toucher au monde. Quand ils finirent de titiller sa peau, les rebords furent saisis par les doigts de l’individu. Ses paupières s’ouvrirent à présent, rien n’avait changé depuis sa venue ici. Il se servit des rebords pour se propulser et se mettre en marche. Il referma la porte de la cuve dans une certaine nonchalance, non, il n’était pas inquiété sur le moment par la délicatesse, par l’intérêt de bien faire avec méticulosité. Il avait en cet instant le besoin d’agir de façon brusque, d’agir non pas avec finesse mais en gros. Ses yeux balayèrent la salle rapidement, tout n’était que verre, béton et métal, quelques tuyaux traînaient à intervalles irréguliers, plongeant du sol pour se loger dans le plafond. Ses lèvres s’ouvrirent pour laisser échapper un soupir, au moins n’avait-il pas découvert que les STV avaient sauté, que tout avait été irradié et que son réveil était dû à la chute des systèmes centraux de cryogénie. Le monde semblait être encore là, encore présent.

L’androgyne naviguait à présent entre les cuves, il ne savait pas où se trouvait la sortie mais il s’en fichait, il voulait juste marcher. Ses yeux balançaient à chaque pas entre droite et gauche, scrutant les visages, tentant d’en reconnaître, tentant de voir des personnes connues. A son grand désarroi, il n’y trouvait rien. Quand il essayait d’examiner un visage avec plus d’attention, la somme de ses caractères, chaque pointe d’œil, chaque cil se mouvait, les lèvres remuaient machinalement, le nez se tordait, chaque point du visage, chaque détail se dilatait et se contractait, rendant la concentration et la fixation des traits dans la perception de l’observateur vraiment compliquée. Chaque visage dans les cuves s’apparentait à une pièce de théâtre où les traits du faciès étaient des acteurs qui mouvaient dans un jeu orgiaque et morbide, déformé. Le visage le moins troublant restait encore le sien, dans le reflet des cuves, il ne le voyait tout simplement pas, il était plongé dans un brouillard qui le troublait. Pour autant, ses doigts qui tripotaient son visage se rendaient bien compte qu’il disposait de traits humains tout à fait fixés, de grands yeux un peu exorbités, un long nez un peu fort, des lèvres plutôt épaisses… Le brouillard sur son visage perdait de son épaisseur, un peu, Solstice pouvait en distinguer la couleur extrêmement blanche, noire autour comme ses cheveux et bleue en bas comme ses lèvres. Il inspira fort, le bâtiment sentait la poussière et la sueur, bien qu’il n’eût pas été sûr que cette odeur venait bien du bâtiment.

Son errance entre les cuves morbides l’avait finalement un peu plus perdu. Il avait conscience que certaines têtes devaient lui être familières : amants, amantes, partenaires d’entraînement, anciens employés, anciens employeurs, son parrain, était-il là son parrain ? Soudain il se demanda, était-il le seul à être encore présent, seule relique d’une époque dépassée ? Non, il savait que dehors il y avait des vieux de la vieille, des types qui étaient là bien avant lui et qui n’avaient jamais, oh non jamais, touché ces fichues caisses de cryogénisation. Cette idée d’être le seul témoin d’un temps passé lui semblait alors certes très romantique mais plutôt absurde. Pour autant cela ne l’avançait pas dans ce qui pouvait se présenter dehors. Il n’eut même pas l’idée de regarder quel jour il était et encore moins quelle année, pour tenter d’estimer à quel point les NI aux dents longues avaient remplacé les ancêtres éreintés par le pouvoir. A vrai dire, la seule façon de savoir, c’était de revenir à l’extérieur. Le problème qui se posait pour Solstice à présent était de se retrouver parmi les cuves.

« Te revoilà Solstice. »

Il regarda tout autour de lui, mais rien, personne n’était présent autour de lui. La voix reprit : « Je sais ce que tu veux Solstice. La sortie n’est-ce pas ? Je sais.
-Qui es-tu ?
-Regarde la cuve à-côté de toi. »

Intrigué, il dirigea son regard vers la cuve mais n’y vit que le même visage qu’il voyait sur les autres, ce même marasme des caractères. Il y voyait seulement un corps robuste, un géant à la peau verdâtre : peut-être un orc ? Ou un troll ? Mais comment pouvait-il lui parler dans cette cuve ? Soudain, l’intérieur de la caisse s’épaissit, il n’y distinguait plus rien dans le brouillard, même plus le corps de cette créature massive. Il n’y voyait que son reflet. Quelques secondes d’attention lui firent apercevoir que ce reflet était pourtant changé. Ses formes généreuses ne se reflétaient pas, sa poitrine était tout ce qu’il y avait de plus plat, son ventre lui aussi n’était plus rebondi, son fessier non plus. Il se voyait en fait dans une stature plutôt athlétique. Son reflet ouvrit la bouche, la voix était grave : « C’est encore moi.
-C’est encore moi, répondit l’androgyne machinalement.
-Tu ne m’échapperas pas et te congeler ne te sera d’aucun secours. Je reste ton éternel et seul compagnon. »

L’hermaphrodite détourna le regard de son reflet, préférant ignorer la fatalité que de l’affronter en face. Il lui dit, presque en marmonnant : « Tu es une plaie.
-C’est parce qu’on est la même personne.
-Foutaises ! J’étais comme toi, mais c’était avant ! Maintenant je…
-Tu es une abomination. Et je ne suis pas le seul à le penser. »

Il claqua ses mains contre la vitre de la cuve en hurlant à son reflet : « Laisse-moi devenir qui je suis !
-Jamais Solstice. Regarde-moi, tu es venu au monde comme ça et tu dois le rester, pas te livrer à je ne sais quelle exécrable opération, à prendre je ne sais quelle drogue pour renier ton corps.
-Je suis né comme ça. On n’a pas attendu que je sois à l’aise dans une robe pour m’appeler mademoiselle ! Mon corps n’a pas attendu que je bouge pour développer ma poitrine.
-Tu te trompes Solstice.
-Non je ne me trompe pas, mais toi tu mens. »

L’androgyne quitta la conversation pour s’aventurer dans le couloir. Ses pas résonnaient dans la salle, ils étaient plus lourd, montre de son inquiétude et de son souci. Mais le reflet était partout, sur toutes les cuves. Il l’observait. Alors l’androgyne regarda les différentes faces. Le reflet lui dit : « Tu sais que tu ne peux pas sortir tant que je n’en ai pas décidé, j’ai le contrôle sur ton cerveau. ». Mais l’ex-délégué impérial des STV, aussi irresponsable qu’il était, avait toujours sur lui une bouteille de skiwi qu’il s’empressait de vider à chaque fois que le reflet voulait reprendre le dessus. Alors il tendit la bouteille face à une cuve, entendant le reflet lui hurler de reposer ça. La bouteille semblait en ses mains être un glaive d’or, pourchassant les ténèbres autour de son propriétaire. L’hermaphrodite ne l’écoutait plus, il ouvrit la bouteille pour en verser le contenu dans sa gorge, la vidant de fait. Ayant vaincu l’illusion dans les cuves, il marcha vers ce qu’il se rappelait être le chemin vers la sortie, celui qu’il avait pris à la première fois. Il titubait mais enfin il sentait ses neurones libres, comme à chaque fois qu’il allait dans un bar pour boire. Mais touchant de ses mains et du bout de son nez une surface métallique, il en déduit que c’était là une porte vers la sortie. Alors, avant de sortir, il prononça cette phrase : « Nous voilà. ». Il pouvait rejoindre l’Empire qu’il aimait tant, tous ces impérialistes auxquels il se sentait soudé, qu’importe qu’ils fussent des orcs, des elfes ou des humains : il allait les rejoindre. Qu’il aimait cet extérieur où il jouissait de sa liberté, qu’il aimait cet état où ses pensées étaient siennes et non pas celles d’une entité surpuissante sur son esprit: enfin il pouvait rejoindre l’Imperium, au bruit des bottes.

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