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Les Chimères Illusoires

J’étais nu, autour de moi l’horizon, je marchais sur un sol translucide, dans l’air, des sphères rouges de différentes tailles, de l’eau autour de mon chemin semblable au verre. J’avançais à travers ce chemin, j’avais chaud, j’avais l’impression d’étouffer, comme si un étau se serrait autour de ma poitrine. Ma peau semblait changer de couleurs à chaque pas, elle s’assombrissait, se mettait aussi à pâlir. Je retrouvais tour à tour ma peau hâlée du temps où j’étais un jeune Nemo Intra et ma peau blanche, la couleur de peau que j’avais maintenant. Mes pieds glissaient sur cette surface lisse, ma tête tournait, à la recherche d’une infrastructure que je connaissais, à la recherche d’une personne dont le visage m’était familier… Non, il n’y avait que des sphères rouges, des sphères rouges qui trônaient dans le ciel blanc, un ciel qui semblait sans fond, la lumière semblait errer elle aussi à travers l’éternité, comme moi.
Cette eau semblait si pure et j’avais si soif… Je me mis à genoux et je plongeai ma tête dans cette clarté liquide. Je pris de grandes gorgées d’eau, des gorgées immenses ! Puis j’ouvris les yeux et, à travers mes cheveux qui flottaient, je vis ces mêmes sphères rouges, cette fois-ci aquatiques, ces sphères rouges qui semblaient se balancer dans l’eau, j’avais l’impression que quelque chose me scrutait dans les profondeurs, derrière ces sphères écarlates, quelque chose semblait se mouvoir pour que je ne la vois pas, je retirai ma tête de l’eau dans une grande inspiration. Je tentai de scruter l’eau de l’extérieur, mais je ne distinguais même plus ces formes tridimensionnelles. Où étais-tu ? Je savais que tu me regardais, que tu étais là, que tu me surveillais, je savais que tu avais une emprise sur ce monde. Est-ce que je devais plonger pour aller la rencontrer ? J’étais persuadé que tu existais. Peut-être te manifesteras-tu plus tard, au lieu d’essayer de me regarder tapi dans la lumière. Je me dressai sur mes jambes, je me sentais lourd, affreusement léthargique, et le monde semblait tanguer quand je poussai sur mes jambes pour me redresser.

Mes pieds gravirent la plate-forme translucide quand mon ventre se mit à gargouiller, je portais une main dessus, il était chaud, mais surtout, j’avais l’impression de… Je baissai mon regard. J’avais grossis. Mon nombril pointait, je n’arrivai plus à voir mes pieds ni mon entrejambe se dresser face à cette surprise. De plus, mon ventre bougeait, il bougeait pour de vrai ! Mince… Comment cela m’était arrivé ? J’allais être… mère ? Je redressai ma tête et avec grande surprise, j’aperçus une de ces sphères presque collée à moi. Je pus distinguer une sorte de fumée ou de poussière nageant dans un liquide à l’intérieur de cette boule qui me faisait face. Des formes se dessinaient, des spirales semblaient vouloir caresser ma vue, une couleur apparut, du marron, puis du beige vint se marier à se marron, ces deux couleurs voulaient se marier, former quelque chose, semblaient vouloir se rationaliser. Oui ! Elle voulait rationnaliser leurs existences à travers ces autres émissions de couleurs dans cette boule. Je crus se dessiner alors une forme humanoïde, c’était un homme, et cet homme, je le connaissais.
Kell… Tu étais mon ange gardien, tu as su me couvrir, même quand tu étais au plus loin, même quand tu étais de l’autre côté, quand tu étais censé détester tous le secteur Impérial, tu m’as aidé contre ces rebelles. Pourquoi as-tu fait ça ? Tu n’avais aucun bénéfice à trahir des gens de ton secteur et je n’allais sûrement pas pouvoir te rendre ce que tu me donnais, je n’avais pas les mêmes capacités, le même réseau que toi. Kell, ton aide me reste une énigme. Et quand tu es revenu et que tu m’as demandé si je t’aimais, je t’ai répondu oui, comme ça, ça se dit tellement rapidement. Je voudrais te comprendre, je suis sûr que si j’y arrivais, j’aurais fait un grand pas alors pour comprendre le reste, ces sensations que j’ai perdues au fur et à mesure de mon arrivée en ville, au fur et à mesure que mon corps changeait. Une partie de moi te dégoûte. Une partie de moi dégoûte toujours, presque toujours. « Solstice tu serais mieux si tu te coupais le zigouigoui. » « Solstice, enlève-moi ces seins et fait toi un sac avec, tu seras beaucoup plus beau. ». Non, pourquoi ? Parce que j’aimais ça, j’aimais cette fusion entre les êtres, être peut-être deux identités, mais en une personne oui. Mes lèvres tremblaient en voyant Kell baigner dans ce globe.
La forme de Kell semblait peu à peu s’enfoncer dans les profondeurs de l’objet, les spirales rouges se refermaient sur sa peau et aussitôt se mirent à se colorer. J’avais l’impression d’être entouré d’êtres invisibles qui m’observaient, se collaient à ma peau, se fondaient en elle. Les traits rouges dans la boule apparaissaient se colorer d’un verdâtre pâlot, la poussière éclatait en plusieurs volutes, je crus distinguer des écailles alors à ce moment là. Les formes se précisaient, elles se rationalisaient, elles voulaient me montrer autre chose, différents visages qui s’assemblaient pour ne former qu’un corps. Je reconnus celui de Nitripi, sa longue gueule, ses dents acérés, sa longue langue d’outrilien… Qu’est-ce que tu faisais ici ? Qu’est-ce que VOUS faisiez ici ? Vous étiez plein à m’observer, tous, tous sur moi à rire, sourire, pleurer, bouder, gémir, souffrir, angoisser, jouir, exalter, hurler, s’étonner, s’effrayer, s’enhardir… Tous sur moi, et moi je ne ressentais rien ! Je n’arrivai plus à les ressentir comme avant, ces émotions, elles avaient maintenant un goût atrophié, terne. Nitripi m’y rappelait, on ressemblait à un vrai couple, bien stabilisé, un couple comme je ne les comprenais pas, un couple à contrat d’exclusivité, un verrou sur le sexe, un verrou sur le corps… On était serré l’un à l’autre tout le temps, et c’était juste parce que l’on vivait une relation extrêmement sensuelle, faite de mélanges de fluides en tout genre, que ce soit salive, sueur, semence… ce n’était presque rien de plus. Oui, il devait y avoir des sentiments, peut-être, mais jamais je ne renoncerai à la liberté de mon corps pour quelqu’un, jamais. Je ne pouvais m’épanouir qu’avec un corps contre moi, presque comme un parasite, et Nitripi, mais aussi bien d’autres, me permettait cet épanouissement, c’était le seul genre de relation que je pouvais parfaitement comprendre, une véritable relation de partage et de communion avec les autres, ce qui, je pense, font partie des valeurs de l’Imperium.
Ses formes devenaient de plus en plus flasques pour s’épanouir, les volutes de fumée ou de liquide clair prenaient d’autres couleurs et je pu alors distinguer du jaune, du blanc, du rouge qui se mettaient à se nuancer, à avoir différentes teintes. Je vis alors une peau couvertes de poils marrons et blancs, une chevelure blonde, des oreilles d’elfes, un visage aux très fins… Je plissais les yeux pour mieux discerner le personnage... N’était-ce pas Tamaki ? Une sorte de melting-pot de Tamaki sous les trois apparences où je l’avais connu, la blondeur des cheveux de l’humaine, le visage de l’elfe et les poils de la kobold. Tamaki ? Je baissai les yeux et vit un muscle séparer son entrejambe en deux, pendant, je collais alors mon visage sur la paroi de la sphère, me léchant les lèvres. Tu avais été ma semblable, un être à travers les sexes… J’aurais bien voulu que ce soit pour toi permanent, pourquoi as-tu voulu changer ? Ca ne te plaisait pas ? Je me rappelai encore les délicieux moments où j’étais avec elle, à se tirer comme des monstres, elle avait réussi à faire remonter la bestialité en moi. Mon ventre gargouillait lourdement encore une fois, je posai une main dessus. Peut-être grâce à toi, j’avais réussi à me construire une véritable identité, en-dehors de ceux qui ne voyaient les choses que de façon binaire, le reste était si laid. Toi et Ayane étaient les deux premières personnes à m’avoir accepté comme j’étais, à ne pas m’avoir trouvé difforme, seulement toi, tu ne m’avais pas abandonné, et moi non plus, je ne t’abandonnerai pas. Qu’est-ce ? Quelque chose semblait remonter le long de mon corps, partant de mon ventre jusqu’à ma tête. Une douce sensation enivrante me gagner. Est-ce que c’était… :
-Non Solstice, tu ne le ressentiras pas.

Je me retournai, un homme me regardait de ses yeux verts, perçants à travers des cheveux noirs qui lui tombaient jusqu’à la poitrine, la peau mâte. C’était moi, mon moi d’avant, mon moi de la sortie de cuve, le moi qui a ouvert les yeux pour la première fois. Il me dit en marchant vers moi :
-Tu m’appartiens Solstice, et tu n’es qu’une coquille vide, une coquille vide qui gigote. Et une coquille vide, ça ne sert à rien, ça ne ressent rien.

Il était maintenant à deux pas de moi. Il me caressa le ventre, une intense chaleur me gagnait, mais ses caresses étaient de plus en plus dures, comme s’il voulait m’arracher la peau. Mes yeux étaient rivés sur mon nombril qui gigotait sous ses caresses :
-Encore une illusion perdue.

Il plongea sa main dans mon nombril, ma bouche s’ouvrit en grand, je sentis un cri venant de l’intérieur de mon corps pendant que sa main gigotait en moi. Il la retira, rouge de sang, les plateformes transparentes tremblaient quand je me retirai de plus en plus le contenu de mes tripes. Les plateformes cédaient, une chute brusque.
Le réveil.


Un mélange de skiwi, de sperme, de sueur et de salive dans ma bouche, je regardai le plafond de ma chambre, les sphères rouges s’enfonçaient à l’intérieur, je tendais les bras, au moins pour les effleurer, peut-être pour les saisir, non, où allez-vous ? Je voulais vous suivre ! Emmenez-moi ! Non… Elles étaient parties. Je décidai de me lever, regardant autour de moi, la chambre était extrêmement bien rangée, sauf le lit où résidaient des poils et des écailles de mes partenaires. Le miroir dans ma chambre apparaissait me fixer, menaçant, il riait oui, j’en étais sûr, il aimait me causer de mauvais rêves. Mon reflet s’exerçait dedans, il aimait me rappeler mes expressions fades, mon regard morne du réveil. Je quittai ma chambre en vitesse, pour fuir ce monstre. Je débarquai dans le salon, une grande lumière surgit, je me couvrais les yeux. Quand je les rouvris, je me vis : les murs de mon salon étaient couverts de miroirs, ils me fixaient, ils riaient, comme les bêtes de mon rêve, je courus vers l’arrière de la villa mais une grande tache de sang me fit déraper, les restes de mon steak cru d’hier, les miroirs se rapprochaient de moi, la peur me fit ramper au plus vite dans l’arrière salle, je poussai la porte de mon atelier, un sac poubelle me tomba sur la tête, j’étais dans le noir complet, la tête entre les ordures. C’était bel et bien entre les ordures que je ne pouvais plus voir ces reflets tortionnaires, enfin, la vue coupée de tout, je me sentais en sécurité pendant un moment mais toujours prisonnier de cet homme dans le miroir.

◊ Commentaires

  • Flaxia~51662 (160☆) Le 27 Avril 2015
    Comme à chaque fois, j'aime beaucoup! smiley
  • Nefer~54050 (135☆) Le 27 Avril 2015
    * smiley
  • Solstice (192☆) Le 27 Avril 2015
    Merci pour les n'étoiles et les compliments !
  • Solstice (192☆) Le 04 Mai 2015
    Merci Kell et Casper ! @Casper La photo a été traficoté par Ezechiel mais est un photogramme du film Morse, j'aurais peut-être dû le mettre en spoiler...