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EDC de Siouka~35641

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Les rampeurs de boue - Toute une Histoire

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Presque tout a été publié, cet article, c'est juste pour lire la vision de l'histoire de DC par Siouka, sans avoir à rechercher les morceaux à droite à gauche.

Tout ce que l’on peut lire ou entendre à propos de l’histoire et de l’environnement de notre ville, c’est un tissu de conneries qui se tricote et se détricote, qui apparaît et disparaît, parle et se contredit.
Siouka essayait d’y voir clair, elle allait piquer des vidéo-bouquins aux archives, elle interrogeait beaucoup les gens, rebelles ou immigrants. Elle entendait des dizaines de sons de cloches, ne sachant finalement qui croire, ce qui ne l’empêchait pas de se faire sa propre représentation du monde.
Par exemple… l’empire, pour elle, c’était une notion qui manquait de clarté sur certains points. Elle en avait parlé avec son amie :
« L’an pire, c’était y’a super longtemps qu’il est apparu. A c’t’époque not’ planète était une immense décharge remplie de mares de boues toxiques et radioactives. Les hommes y étaient disséminés de flaque en flaque sur toute la surface du globe. Les pauv’, y mangeaient qu’des saloperies et y s’battaient toute la journée les uns cont’ les aut’.
Un jour, y’a deux gars qu’y z’en ont eu marre de ces mares. C’était Un-âne et Six-Russes En-Kilt… On les appelait En-Kilt, cause qu’y s’habillaient comme des filles avec des jupes. Y’en a qu’y disent que c’étaient des frères, d’aut’ disent que c’étaient des homos, d’autres, plus cohérents disent qu’y z’étaient à la fois frères et homos… Mais peu importe.
Toujours est-il qu’y z’ont dit comme ça que l’homme ne d’vait pus ramper dans les mares de boues toxiques et qu’il devait se rel’ver. A l’époque, l’homme y savait pô marcher… y rampait tout le temps.
Alors, les deux mecs En-Kilt, y z’ont fait le tour du monde à pieds, voyageant de flaque en flaque, pour d’mander aux rampeurs de se rel’ver et d’se joindre à eux. A la fin y z’avaient une grosse tribu, la plus grande du monde et c’étaient eux les chefs.
Un jour, y’a un type qu’était furax pour une raison qu’on ignore et qu’a zigouillé Un-Âne En-Kilt. On sait pô trop comment qu’il a fait, y’a pô d’vidéo. On sait pô si y l’a noyé dans une flaque, si y y’a ch’té des caillasses, ou quoi… le plus probable, c’est qu’y lui a fait manger du foie de nécureuil sauvage. Même dans l’temps, tout l’monde savait qu’y faut pô manger l’foie du nécureuil sauvage… C’est méga-toxique !
Bref, Six-Russes En-Kilt était tout seul, contrair’ment à son nom, mais ce qu’est sûr, c’est qu’il a pété un boulon… il a dévissé dans sa tête… il était fêlé. Heureus’ment, quand qu’on est fêlé, y’a un truc qu’est bien, c’est qu’on laisse passer la lumière. Du coup, il est apparu lumineux aux yeux des rampeurs-de-boue debout qu’y l’ont pris pour un genre de Dieu.
Alors là, il avait un pouvoir énorme sur les ex-rampeurs et il les a dirigés d’une main de fer… C’était l’origine des androïdes, sûrm’ent. Et là, il a organisé l’An-Pire comme que lui dictait sa paranoïa.
Vala… et ça… C’est que l’début. »
L’Histoire de DreadCast, pour Siouka, c’est surtout l’histoire des rampeurs qui sont sortis de leurs flaques de boues en suivant aveuglément les « frères » En-Kilt. Mais les choses n’en sont hélas pas restées là.
La gobeline, la gorge sèche à force de bavarder s’enfile un goblikoz et continue sa narration. Pour elle le goblikoz ça aide les gobelins à causer... d’où son nom.
« Vi, vi. Six-Russes, c’était ren qu’un gros parano. Pour lui tout l’monde voulait y faire bouffer du foie de nécureuil sauvage. Du coup, y s’est enfermé dans un bunker et pour parler à son peuple, y le faisait pus directement, y passait par un gusse qu’il app’lait son ambassadeur.
Ben sûr, Six-Russes, aujourd’hui, il aurait dans les quarante-douze mille ans, donc, ça fait un sacré bail qu’il est claqué. Tout l’monde le sait. Y’a qu’les zimpés qui sont assez bas d’plafond pour le nier. Et d’ailleurs, j’peux l’prouver… Mon papounet l’a été ambassadeur d’la momie et j’te garantis, qu’y l’a jamais vu. Il existe pô.
C’qu’on peut se d’mander, c’est pourquoi que l’gouvernement des zimpés y fait croire à c’mythe. C’est simple, les gens quand qu’y veulent du pouvoir y disent qu’y z’agissent au nom d’un dieu, d’un emp’reur, ou d’un être qu’a toujours raison et qui s’trompe jamais. Ca les rassure dans leur conn’rie, y finissent même par y croire eux-mêmes.
Pourtant l’emp’reur il en a fait des conn’ries. La première, c’était d’créer les nombrilistes et les alte nombrilistes. Ca c’était vraiment nul cause que l’but des nombrilistes, c’est d’faire ramper les rampeurs qui s’étaient mis d’bout.
C’est con, nan ? Six-Russes En-Kilt, y l’a permis aux rampeurs de s’rel’ver et pis après y l’a d’mandé aux hommes debout d’ramper à nouveau d’vant les nombrilistes. Ceux qui z’ont pô voulu obéir y sont v’nus icite, d’l’aut’ côté du sas, ce sont les rebz.
Y’en a quéqu’z’uns qui réfléchissent encore chez les zimpés, et qui finissent par se d’mander pourquoi qu’y doivent ramper. On les appelle les « assez », cause qu’y z’en ont assez d’êt’ pris pour des larves.
Pis d’plus en plus c’qu’on voit, c’est les mini-grands. C’est aussi des zimpés qu’en ont assez et qui s’décident enfin de minigrer chez nous, là où qu’on peut encore marcher d’bout, sans êt’ pris pour une merde par l’clan des nombrilistes.
T’vois, c’est simple. »
L’amie de la gobeline écoutait attentivement. Aussi étrange que cela puisse paraître, l’Histoire racontée par Siouka lui paraissait limpide. Elle l’encourageait en remplissant régulièrement le verre de cette dernière de goblikoz… C’était hélas sans compter sur le fait que dans le goblikoz, il n’y a pas que du sucre et que Siou commençait à partir un peu en vrille.
« Connerie numéro un, donc, la création des nombrilistes et alte nombrilistes, cause que quand l’momie elle a déboulonné son cul du fauteuil d’emp’reur, y z’ont tous planté leurs crocs dans les accoudoirs.
Vala. Six-Russes a dévissé et les nombrilistes ont pris l’pouvoir en faisant croire qu’y z’étaient gardiens du bon droit. Mais l’droit y s’en torchent royal. Les artic’ de loi, y z’en caguent un nouveau chaque matin comme que ça les arrange eux.
- Cod-cod-cod, codeeeeex ! Plouf ! Un nouvel artic’ pondu.
- C’est quoi c’matin ?
- Interdiction d’vendre des sex toys jaunes et poilus aux gens dont l’nom commence pô par un E !
- Intéressant.
Faut bien comprend’ que l’nombriliste ( quand qu’y travaille) y travaille pô pour l’bien des gens, mais pour l’bien des nombrilistes. A la limite, tu t’dis que tant qu’y s’foutent sur la goule entre eux pour savoir qui c’est qui va poser son derche su’l’pouf du roi, c’est pô ben gênant pour l’gars d’la rue. Mais l’problème, c’est qu’leur jeu favori c’est d’trouver des lois qui z’enfoncent le plus possible les six vis. Par ezemple, y z’ont été inventer que y’a de la déenne dans l’genre gob, autre illien, efle et tout ça qu’est zinférieure par rapport à la déenne des zumains.
J’invente pô ! C’est un mini-grand qui m’a causé d’ça !
T’as vu le truc de ouf ? Tout l’monde y sait que la déenne, plus tu la mélanges et plus c’est mieux, hein ? Ben eux, nan… Y savent pô ça. Même mô que j’suis pô un scientifiste, ben j’ le sais. R’marque, c’est pô parce que j’suis anal-fabête que j’suis un trou du cul stupide ! Et eux, c’est pô parce qu’y parlent lapin qu’y z’ont des plus grandes zoreilles qu’les gobs !
Pour faire passer la pilule, de temps en temps, dans leur p’tit groupe, y se r’filent le pouf du roi de l’un à l’aut’. C’est c’qu’on appelle la nombrilocratie alternative. Mais au final, la seule alternative pour les six vis, c’est nous – les rebz. »
L’effet du goblikoz n’est certes pas le même pour tous, mais normalement après trois litres on est soit raide HS, soit gravement surexcité. Notre gobeline avait opté pour le second choix. Mais quoi qu’il en soit, dans les deux cas on a forcément une furieuse envie de pisser.
Chaque jour j’me d’mande pourquoi qu’y a tant d’masos ou d’eunuques - ou d’masos eunuques - qu’acceptent d’servir d’paillassons aux nombrilistes.
Tous ces pauv’ gens qui connaissent ren d’la vie, qui passent la journée à travailler dans des zoo-ï pour un salaire d’misère et la soirée à s’nourrir au cul d’un distributeur. C’est affreux !
Personne y croit. »
A la fin de sa phrase, Siouka fixa son amie dans les yeux et leva subitement devant elle ses deux pouces à hauteur du visage.
« Stooop ! Faut qu’j’aller faire pipi. »
Sur ce, elle sauta de son tabouret de bar et trottina jusqu’aux toilettes avant que sa vessie ne se transforme en lanterne sous l’effet fluorescent du goblikoz. Après s’être soulagée, elle se retourna et jeta un regard furtif au fond de la cuvette. Elle aimait bien regarder la chasse automatique faire son office… et puis, elle était toujours estomaquée de voir à quel point le goblikoz restait bleu d’un bout à l’autre du processus.
Lorsqu’elle reprit sa place aux côtés de son amie, elle la regarda avec un sourire malicieux.
  • « T’sais quoi ? J’viens d’penser à un truc vraiment profond. La vraie différence entre l’secteur impé et un chiotte, c’est qu’y z’ont oublié d’livrer la chasse d’eau pour nous débarrasser d’toute cette merde. »
- « Tu exagères, Siou. Et puis t’en sais rien, tu n’y es jamais allée… Si ça se trouve… Il y en a une de chasse d’eau. »
Les deux filles éclatèrent de rire.
La copine de la gobeline se remit petit à petit de sa crise de fou-rire, puis elle reprit une mine plus sereine et relança Siou dans son analyse psycho-sociale.
- « T’es quand même négative, Siou. »
- « Nan, ch’uis objective. Les zimpés y’a qu’trois variétés : des rampeurs sans cervelle, des nombrilistes puants, et des assez. »
- « ll y a peut-être des rampeurs avec cervelle. » - Suggèra l’amie de Siouka.
- « Comment tu veux avoir une cervelle et croire qu’une momie d’quarante -douze mille ans dirige le pays ? »
- « C’est pas faux. » - Finit par reconnaître la copine.
- « Crois-moi, y’a pô trente six solutions, faut tirer la chasse. » - Affirma la gob.
- « Pourtant, si l’empire existe, il doit bien avoir une utilité, non ? Dans la nature, les choses inutiles disparaissent. »
- « Une utilité ? J’avions jamais pensé à ça. »
Siouka réfléchit à ce nouveau concept de l’empire utile. Elle se tut quelques secondes, le temps d'alimenter son argumentaire de quelques gorgées de goblikoz.
- « Vi vi, t’as raison. L’an-pire c’est utile pour inventer des trucs. Tu vois, nous, chez les rebz, on vit tranquillos, dans l’confort et tout. On s’met pô la rate au court-bouillon matin, midi et soir. Dans l’Empire, c’est pô pareil. Y bossent, y veulent croire qu’y sont les plus costauds et les plus malins. Alors y dépensent une énergie pô croyab’ à inventer des trucs. Partout, y’a des labos remplis d’chercheurs et parfois, ça arrive qu’un chercheur d’vienne un trouveur… avec d’la chance.
Chez les zimpés, y plantent les idées, y les arrosent, y les font mûrir et quand qu’elle sont mûres, nous-aut’ on va les cueillir. »
- « J’ai entendu dire, moi aussi que dans l’empire ils avaient plein de trucs qu’on n’a pas. »
- « Plein ? Là, c’est toi qu’exagères. La seule chose qu’on n’a pas, c’est la tourte d’écureuil. Mais, t’sais pourquoi ? Ben… c’est qu’on en a pô voulu. D’jà cause que c’est une saloperie industrielle… et pis surtout, cause qu’c’est pô cuisiné avec du nécureuil mais avec du rat. J’appelle ça, la tourte infernale. »
La copine de Siouka fit la moue en pensant à cette tarte au rat.
- « Beuh, mais c’est dégueu ! »
- « Quand qu’tu crois dur comme fer qu’ton pays est sous la protection divine d’une momie, le plus gros est passé. Après ça, t’es prête d’avaler n’importe quoi.
Ben eux, y z’avalent du rat, entre aut’ salop’ries – du bon gros rat, ben toxique. L’seule partie qu’est pô empoisonnée dans l’rat, c’est la queue. »
Siouka but une nouvelle gorgée de goblikoz et plongea sa main dans le ramequin de queues de rats caramélisées en souriant.
- « Maint’nant, si t’veux manger d’la vraie tourte artisanale à la viande de nécureuil, j’t’en f’rai une, c’est pô un problème.»
La différence entre l’Histoire et la vie, c’est que l’Histoire est écrite… pas la vie ! Alors ce que nous réserve le destin, personne ne peut le dire. Ainsi, lorsqu’en ce matin du cinquième jour de la seconde heptade de l’an 228 Siouka ouvrit les yeux, elle ne tarda pas à toucher du doigt cette évidence.
5/228.2 : Voici la date historique qui fit passer les nombrilistes pour les plus grosses burnes que la planète eut jamais portée. La momie, l’ambassadeur, et toute leur clique de pisse-vinaigres prirent en pleine tête une leçon d’Histoire avec une hache majuscule.
Pour comprendre la portée des évènements, il faut avoir en tête ce que nous expliquions dans le chapitre relatif à la nombrilocratie alternative :
« L’problème, c’est qu’leur jeu favori c’est d’trouver des lois qui z’enfoncent le plus possible les six vis. Par ezemple, y z’ont été inventer que y’a de la déenne dans l’genre gob, autre illien, efle et tout ça qu’est zinférieure par rapport à la déenne des zumains. » (sic.)
Ce matin-là, donc la gobeline s’était réveillée comme chaque jour vers 06 :30 pour aller faire pipi. Elle se lèva, s’étira et s’accrocha les cheveux dans les branches de sa plante. Au même instant, son regard traînait par terre et elle voyait sur le sol le bonnet dans lequel étaient cousues ses dreadlocks. La situation a mis quelques secondes à prendre un sens étrange sous son crâne.
« Ben comment que j’peux accrocher mes ch’veux dans l’branchage si y sont au sol ? »
Elle passa une main sur son crâne, tira et cria de stupeur.
« Ah ! J’ai des ch’veux ! des vrais ! »
Puis elle sentit le corset de sa robe l’oppresser violemment. Elle passa sa main sur sa poitrine et cria de plus belle.
« Aaaah ! Mes seins ! Y sont tout gros ! »
Se libérant enfin de la plante, elle courut au miroir et resta pétrifiée en voyant son reflet : une grande et belle humaine. Le choc fut violent. Abasourdie, elle repartit sous la plante et conclut qu’elle devait dormir et être encore en train de rêver.
Le soir, lorsqu’elle se réveilla à nouveau, elle s’empressa de chercher ses parents pour leur apprendre la nouvelle. Elle ne trouva que deux kobolds tétanisés en lieu et place de ceux-ci. Son papounet se lamentait en regardant ses pieds ridicules et sa mamounette déprimée maudissait la queue qui, pendant la nuit avait dénaturé sa silhouette sexy.
Elle apprit alors l’incroyable nouvelle : tout le monde avait muté durant la nuit dans une autre race. C’était à la fois rassurant et parfaitement incompréhensible. Au bar, c’était la valse des clients inconnus. Le monde s’était soudain transformé en un bal masqué délirant dans lequel, chacun tentait de deviner qui se cachaient sous les traits de ces anonymes familiers.
Siouka regardait avec un fou-rire à peine contenu le beau Jeremyhhh qui était maintenant un petit gobelin assis sur un tabouret de bar les pieds ballants. Le pauvre était terrorisé par Malakhi transformé en gnoll et qui lui reniflait les fesses en ressassant qu’il avait faim.
Chacun y allait de son explication la plus folle :
« La sauces des brochettes de Yovan était empoisonnée ! »
« Non. C’est la malédiction de la momie ! »
« C’est un coup de Loki, le dieu fripon ! »
« C’est un virus ! »
« C’est la lune ! »
« Non, c’est encore la faute de ta mère ! Car on sait tous que la lune est un astre et ma belle-mère, un désastre.»

Aucune explication n’était satisfaisante, mais tous étaient mus par l’absolue nécessité de comprendre ou de geindre, au lieu d’employer leur énergie à accepter.
Bien sûr, quand on est gob et complexé par sa taille, l’absence de cheveux, et de trop petits seins, la mutation en une grande et belle humaine était un peu plus facile à accepter que d’autres cas de figure. Toutefois, Siouka n’avait aucune envie de comprendre. Elle se sentait intérieurement la même, pas plus bête, ni plus intelligente, pas supérieure, ni inférieure, pas meilleure, ni pire... Et elle savait que chacun partageait ce constat, quelle qu’en fût la race.
Elle imagina alors la gueule des nobilis qui voyaient leur loi ridicule sur l’eugénisme en train de s’effriter sous le poids de cette preuve par A + B que l’humanité ne se situe pas dans l’ADN. Elle aurait donné cher pour suivre les débats qui devaient faire rage dans leur assemblée de dégénérés. Mais plus encore, elle attendait qu’ils se ridiculisent une bonne fois aux yeux du monde en maintenant cette loi à grands coups d’autoritarisme irrationnel ou de rhétorique stérile - les deux spécialités de « la Casa des Nombrilistes ».
Siouka était seule dans le bar, assise, la tête reposant sur ses bras croisés à même le comptoir. Elle rêvassait aux suites du bal de Loki quand son amie Lorkette entra et lui fit relever la tête.
- « Salut, Siou ! Alors, déjà finie, ta vie de pin up ? »
- « Bsoir. Vi… mais j’ai beaucoup appris. Et toi ? T’as appris quéchose de c’t’espérience ? »
- « Ouais, qu’c’est putain de difficile de marcher avec une queue ! »
- « Tu sais comment qu’y souffrent les mecs, alors. » - lui répondit Siouka en se marrant.
- « Je ne parlais pas de cette queue-ci, mais du fait d’être un kobold. »
- « Au moins toi, t’as appris quéchose. Les aut’ vont nier. C’est sûr. Y commencent déjà de l’faire. Et tout va continuer pareil, les zimpés, les rebz, la guerre… »
La jeune orque observait Siouka et espérait bien savoir que qui bouillonnait sous la petite tête chauve de la gobeline. Elle relança donc sa « leçon d’histoire » par la bonne vieille technique de l’écho.
- « La guerre ? » - reprit-elle.
- « Mouais. Qué conn’rie, ça aussi ! Si t’interroge n’importe quelle burne de patriote y va t’espliquer qu’la guerre c’est une histoire de foi. La foi en l’an-peureux d’un côté, la foi en la liberté de l’aut’. Foutaises ! »
- « Foutaises ? »
- « Même le plus con des zimpés sait que l’an-peureux est momifié depuis belle lurette. Si la guerre continue, c’est qu’y a des intérêts pour qu’é continue. C’est évident. »
- « Des intérêts ? »
- « Tain ! Arrête d’répépier tout qu’est-ce que j’dis ! » - s’énerva la gob.
- « Pardon. Quels intérêts ? » - s’excusa l’orquette.
- « Deux choses : la première, c’est que sans les sous t’es ren ; et la s’conde c’est dans les souterrains. »
- « Tu être plus claire, Siou ? »
- « Pour certains le bonheur passe par le pognon, et la guerre c’est une usine à pognon. Les marchands d’armes, les profs de castagne, les réparateurs de néons bousillés… toute une éco-momie qu’y faut entret’nir. Pour ceux-ci, sans les sous, t’es ren.»
- « Et pour les autres ? »
- « Les autres, sont les militaires ceux qui réfléchissent avec les neurones des biceps. Dans les souterrains y z’ont l’impression d’briller. Mais en fait, y brillent comme une luciole dans l’cul d’un troll. Y s’plaisent dans la merde. Y jouent les courageux à braver la mort pour des idées ! La mort tu sais c’que ça vaut icite ? Quedale. Et leurs zidéaux ! Foi en la momie un jour, puis y minigrent et hop ! Foi dans la liberté le lend’main. Pour eux… sans les souterrains, t’es ren. »
- « Mais toi, t’es dans quel camp ? »
- « Dans c’ui des vivants. Dans c’ui d’ceux qui pensent qu’la vie c’est aut’chose que d’vénérer une momie, ou d’se prendre pour un héro en s’tapant sur la gueule tout’la journée. »
- « Pourtant, les héros existent, Siouka ! »
- « Sûr’ment qu’y z’existent, mais certain’ment pô parmi les gugusses qui font mumuse dans la moiteur et la pourriture des sous-sols. Eux, c’est qu’des rats, des engagés enragés. Des rats qui s’glorifient de l’art de la guerre, l’art de s’rentrer dans l’lard – un non-art, un bobard. »
Lorquette regardait Siouka qui prenait un air désabusé. Siouka se redressa et leva son verre.
- « Aux pseudo-héros ! Salut l’art triste ! »
La jeune orque leva son verre à son tour et trinqua avec Siouka.
- « Aux pseudos héros ! Salut l’art triste ! »
Les deux verres s’entrechoquèrent et les copines s’enfilèrent chacune une longue rasade de goblikoz. L’orquette reposa son verre la première et prit de nouveau la parole.
- « C’est un plaisir, Siou’, de t’entendre raconter l’Histoire d’une manière aussi limpide. »
- « Merci. »
- « J’entends bien que l’empereur est aujourd’hui mort. Mais Hujan et Cyrus étaient de sacrés visionnaires. C’est quand même grâce à eux si les Hommes sont regroupés et n’ont pas disparu, n’est-ce pas ? Rien que pour ça, on devrait remercier l’empire.»

Siouka regarda sa copine droit dans les yeux et rajusta son bonnet.
- « Dis donc pô d’conn’ries ! Y reste pus un clou de l’esprit des deux goûts-roux. Y’a des mecs tu leur files une ville et y trouvent rien d’mieux à foutre que d’mettre les bons zimpés d’un côté et les méchants rebz de l’autre. Ensuite, pour des raisons bass’ment économiques, la guéguerre continue à travers les âges. »
- « Et c’est de la faute des zimpés si la ville est coupée en deux ? »
- « Bien entendu. La preuve, c’est que ces gars y z’ont pus leur mot à dire chez les rebz, y se r’trouvent comme des cons avec leur bout d’ville, alors d’après toi qu’est-ce qu’y foutent avec ? »

- « Je ne sais pas. Ils la développent ? Ils la font rayonner ? »
- « Naaaan ! Pô du tout ! Y sont tell’ment brindezingues qu’y recoupent leur bout d’ville en deux ! Y font la haute ville pour les « nombrilistes » et la Basse ville pour les « six vis » et les « assez ».
Siouka reposa violemment son verre sur le zinc pour ponctuer sa déclaration. Sa copine resta le verre suspendu en l’air, effarée.
- « Ah bon ? » - s’étonna l’orquette.
- « Ben vi. Et tu verras qu’c’est pô finite. Un coup y’a les « alte nombrilistes » y vont avoir la gerbe de côtoyer les simples « nombrilistes », alors y vont r’couper la Haute ville en deux. C’est une sorte d’mitose à l’envers… les cellules de l’An-Pire, elles font qu’à se scinder en deux, mais vers l’intérieur. »
- « Ben merde ! T’as raison. » - Avoua l’orquette.
- « C’est ça qu’t’appelles de regrouper les Hommes ? Moi, j’dirions plutôt qu’l’An-pire, c’est une nouvelle race de cancer. »

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Analyse socio-politique
07 Février 2013
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