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Assignation hétaïrique

Elle peste quand son talon se coince dans la grille. D’un mouvement vif, elle l’arrache à sa prison et reprend son ascension, ses bottes martelant le métal à chaque marche. Décidément, elle collectionne les rendez-vous douteux. Il lui reste encore trois étages à gravir et un coup d’œil vers le bas est loin de la rassurer. Une mauvaise chute et il en est fini de la plus adorable kobolde fédérée de Kepler. Elle retient sa respiration et adopte une montée plus rapide, l’oreille sourde aux grincements de l’escalier qui se tient accroché au vieil immeuble tel un chancre rongé par la rouille.
Arrivée sur le toit, une rafale vient lui claquer le dos. Elle regrette sa coquetterie, le manteau transparent, choisi pour mettre en avant ses courbes sublimées par un tailleur cintré et une jupe crayon largement ouverte sur sa cuisse, est loin d’être un rempart suffisant contre les intempéries.
- T’es en retard ! tonne une voix plus loin.
Ses pupilles fendues percent l’obscurité d’où une silhouette se détache. Un petit sourire se forme sur ses lèvres rouges.
- Je serais à l’heure si l’ascenseur était en état de marche, monsieur.
Elle s’avance avec un regain d’assurance vers le rebord pour mieux admirer la vue et ses lumières clignotantes.
- Personne ne t’a suivi ?
- Toutes vos recommandations ont été appliquées à la lettre, monsi..
- Ce n’est pas ce que je te demande, coupe-t-il
Elle déglutit et répond dans un souffle, une raideur nouvelle dans sa colonne vertébrale.
- Je n’ai pas été suivie, monsieur.
- Je te le souhaite.
L’attention de la féline se désintéresse progressivement des néons et plus généralement du paysage en contrebas, risquant un regard en arrière.
Depuis un ancien local électrique en cours de démolition, se détache alors l’homme. Le peu de lumière de l’endroit permet d’apercevoir ses cheveux mi-longs ondulant légèrement sous la brise nocturne. Il porte un costume élégant sous un manteau sombre, probablement du sur-mesure. Son visage en revanche est plongé dans la pénombre, mais d’instinct, elle le sait fermé.
Elle s'essaye à un vain sourire, et comme pour lancer la conservation enchaîne :
- C’est presque romantique comme rendez-vous, non ?
La tête de son interlocuteur bascule sur le côté, il n’est pas sensible à l'atmosphère ni aux tentatives destinées à la détendre.
Il consulte à son poignet un outil qui fait surgir un écran sur la moitié de son avant-bras. Cela fait, il ramène une petite mallette du bout du pied depuis l’ouverture du local, dans un raclement de pierre et un souffle de poussière.
- Je vous avais dit que tout serait réglé, monsieur ! Vous pouvez avoir confiance, je ne suis pas du genre à m’endetter.
D’un coup sec, il envoie la mallette dans sa direction, cette dernière tourne sur elle-même tout en frottant le sol, et finit par ralentir près de la kobolde.
Elle regarde l’objet puis le fournisseur, ne cachant pas une certaine gêne vis-à-vis de ses manières. Elle s’approche, puis se penche pour ramasser la petite valise. Celle-ci s’est partiellement ouverte du fait de la violence du choc, diffusant une légère lumière bleutée.
Elle la referme avec précaution, ses yeux remontant vers son interlocuteur. Le commentaire qui lui vient se résume en un hoquet de surprise alors qu’il lui fait face. Obnubilée par l'objet de leur transaction, elle n’a pas remarqué son déplacement et avant qu’elle ne puisse davantage traduire son émotion, le talon d’une chaussure de cuir haut de gamme frappe son plexus solaire. Elle bascule en arrière jusqu’à se retrouver étendue sur le sol granuleux et inconfortable du toit.
Une plainte est suivie d’un sifflement tandis que le poids de l’homme lui écrase la poitrine et lui interdit presque de respirer.
Alors qu’un sentiment de panique s’empare d’elle, elle peut nettement distinguer son expression de parfaite indifférence. Ses cheveux tombent désormais sur les côtés de son visage, tandis qu’il reprend :
- Je fréquente assez de putes pour savoir en reconnaître une, ma jolie.
Elle grimace alors qu’il force à nouveau, avant de continuer :
- Pas du genre à t’endetter ? Tu te fous de moi ? Ce qu’il y a là-dedans vaut facilement cinq fois plus que ce que tu as versé. T’as confondu un acompte avec un règlement total. Et je pense même que tu l’as fait exprès.
- HhHHh…je…je ne…
Il maintient la pression sur la poitrine, tandis que les poumons de Shade commencent à la brûler.
- Tu parleras quand je te dirai de parler. Maintenant, tu vas écouter attentivement. Tu as un gros reliquat à payer pour ces produits. Et aussi pour continuer à bosser avec moi. On est pas des milliers à fournir ce matos en ville, alors je te conseille d’être perspicace et pragmatique. On va jouer, mais on va jouer selon mes règles. Pigé ?
Elle serre les dents et acquiesce difficilement.
Ce n’est que lorsque le coin de ses yeux s’embue de larmes que son tortionnaire consent à retirer la pression de sa jambe.
Dans une inspiration profonde, comme si elle sortait d’une apnée de plusieurs minutes, elle retrouve de l’air. Ses pensées s'éclaircissent à mesure que ses forces lui reviennent.
- À compter de ce soir, tu bosses pour moi. Je t'appellerai et tu feras ce que je te demande, sans poser de question. Si tu tentes de fuir ou de jouer à l’idiote et confier tes misères à un bon samaritain, tu le regretteras. Si tu obéis, tu seras ravitaillée et on trouvera un terrain d’entente.
Elle toussote, avant de se redresser, lentement. Son torse est encore douloureux, mais elle ramasse avec précaution la mallette et nettoie de sa main libre la trace de la semelle.
Il n’y a ni défiance ni mépris, pas même un soupçon de colère en elle quand elle répond :
- Je comprends, monsieur.
L’homme recule avant de la pointer du doigt.
- Je te contacte bientôt.
Elle acquiesce. Poser la moindre question superflue serait préjudiciable, il voulait faire passer son message, et instaurer les règles de leur relation future, c’est chose faite.
Rapidement sa silhouette disparaît, et quand elle n'entend plus les bruits de pas dans les escaliers, elle s'assoit sur le rebord du toit, la mallette contre elle.
Son attention revient sur la ville en contrebas. Elle fixe à nouveau les néons et diverses sources de lumière qui composent cette canopée urbaine et morne qui s’étend au-dessus des rues d’Orion.
Elle essuie au coin de son œil la trace légère d’une larme douloureuse, avant de la jeter d’un geste nonchalant vers le sol, plusieurs mètres plus bas.
- Je peux jouer selon les règles que vous voulez, cher monsieur. Mais sachez que je joue pour gagner, murmure-t-elle.
S’installant plus confortablement, elle conclut avec un discret sourire :
- Et j’aurais moins de scrupule à obtenir le solde de ce que je réclame, quand vous serez mon débiteur.

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textes
11 Juin 2023
514√  19 7

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◊ Commentaires

  • Kröm (93☆) Le 11 Juin 2023
    Une patoune d'approbation pour le premier d'une longue série j'espère.
  • Haven (62☆) Le 11 Juin 2023
    Vil personnage ! Shade elle m'a serré le coeur mais que c'est bien écrit ** continue.
  • Tadzio (0☆) Le 12 Juin 2023
    La suite, je veux la suite ! ☆
  • Nyx~75995 (140☆) Le 15 Juin 2023
    Une mauvaise chute et il en est fini de la plus adorable kobolde fédérée de Kepler.
    Padakor!
  • Ratiboisee (20☆) Le 16 Juin 2023
    OOH *
  • Luz (32☆) Le 17 Juin 2023
    (Dans quelle situation elle s'est fourrée.. haha! courage !)