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Home Sweet Home

J’ai beau y avoir vécu des années, c’est bien le dernier endroit au monde que je souhaitais retrouver.
Imaginez. Il fait nuit. Vous rentrez chez vous, tranquillement, prêt à retrouver votre petit bout de femme et à lui faire passer pour la énième fois la nuit de sa vie. Et là, sur votre chemin, se dressent trois ou quatre ombres, qui, selon le peu de mots que vous échangez, semblent vouloir vous faire passer la pire de la vôtre. Que faites-vous ?
Réponse A : Mange mon agri’.
Réponse B : Je prends mes jambes à mon cou.
Réponse C : Je subis.
Le truc, si t’as pas d’agri’ mais que t’en as un minimum dans le ventre, c’est que tu prends la réponse D : je casse le maximum de dents possibles, PUIS je subis. Ouais… bah en fait, j’ai pas vraiment eu le temps de choisir celle-ci et on m’a un peu forcé la main pour prendre la C. Du coup… bah, réponse C.
◄►
En quelques secondes, c’était plié. À peine le temps de savourer à tous égards le confort du pavé froid qu’ils m’embarquaient déjà les yeux bandés. Oh oui, c’était plus qu’une simple histoire d’agression parce que ma tête ne leur revenait pas. Et les voix que j’avais pu reconnaître confirmaient mes inquiétudes. Le passé refaisait surface, et avec fracas, on peut le dire.
Un passé pas très clean, je dois l’avouer. Un sale souvenir, voilà ce que c’était. Jusqu’à ce soir-là. J’imagine que tu ne peux pas simplement faire partie d’un groupe de mercenaires, de tortionnaires même, et pouvoir t’échapper parce que tout ça te dépasse. Parce que tout ça, t’en as marre, ce n’est pas toi, t’es pas ce genre de personne. Une jeunesse arrachée à la rue plus tard, j’étais pour eux éternellement redevable, quel que soit le prix. Mais on a beau te donner une « simple » tâche, sans trop t’expliquer les détails de ce pourquoi cette personne se retrouve-là et pourquoi elle mérite ces atrocités, ça n’en est pas moins déplaisant. En y repensant, il semblait logique que je sois la prochaine cible.

L’obscurité. C’est ce que j’ai connu pendant deux longues heptades. De temps à autres, une âme charitable, la même à chaque fois, venait me tenir compagnie avec ses outils aiguisés pour me les faire voir de près, à la lumière des astres. Il repeignait à la vitesse d’un écureuil à deux pattes les lignes de mon corps d’une sombre couleur teintant bien évidemment déjà un sol que je ne reconnaissais que trop bien. Des tatouages, dont j’étais l’origine de l’encre, se dessinaient lentement et prenaient maintenant l’air, dégoulinants de souffrance, de hurlements ainsi que de rires moqueurs, ceux-ci s’abreuvant des deux premiers dans la réalisation de l’œuvre sur ma chair. Ils se prolongeaient sur la durée, semblaient incessants, se répétant chaque jour inlassablement comme si sa soif jamais ne trouvait satisfaction. Je n’étais pas un mauvais coup, à mon grand regret pour une fois. Bien au contraire.
Les lames perçaient mes entrailles en effusion, la douleur ne trouvait de repos, pas même à l’éloignement de la silhouette récurrente. Un bal infernal rythmé par la mélodie des cris émanant de ma triste personne, qui n’en avait au final qu’une en tête. Le souvenir de son visage me tenait éveillé, catalysait le peu de ressources me restant à chaque session et en faisait le rempart à l’abandon. L’espoir de la retrouver un jour subsistait toujours, incassable, inatteignable. C’est elle qui, d’une certaine manière, m’avait sorti de ce merdier à l’époque. Elle serait celle qui m’aiderait à traverser cette épreuve, rien que par son existence. Me détestait-elle pour avoir disparu ? Possible. Ce n’est pas ce qui comptait. Seulement cet anneau à mon doigt, si lourd de sens. Du moins, celui qui était à mon doigt. On y reviendra.
J’approchais cependant du bout du tunnel, ma conscience ne tenant plus qu’à un fil. Croyez-moi que vous ne pouvez pas vous vanter d’être éternel dans ce genre de situation. Un état évalué comme « suffisant » par la direction, ma déplorable condition physique sonnant la fin de mon séjour. On me jetait alors dans une rue du secteur, sans préavis, à l’abri des regards mais avec toutes mes affaires. Rien que pour ça, on peut dire ce qu’on veut, c’est vraiment des types biens. Quelques jours passèrent et je restais là, inanimé, dans une lutte interne contre la mort. Une cuve, ça coûte quoi vous me direz ? Hé bien, pas grand-chose. À part une cuve. Vous comprendrez que si on peut montrer à ces enfoirés qu’on peut encore tenir debout, on ne va pas s’en priver. De la fierté ? Non, juste de l’entêtement. Rien de grave.
◄►
Un peu d’agitation au réveil, beaucoup de douleur, inspiration, expiration et c’est reparti. Comme si de rien n’était, je reprends ma route initiale vers le foyer en titubant, sans croiser personne. Le digicode… faites qu’il n’ait pas changé… pfiou… Me voilà de retour, dans un silence absolu. Direction la salle de bain. Pourquoi ? Pour prendre un bon bain, quelle question… Un com’ rapide à l’être aimé, dans l’espoir qu’elle réponde. Une réponse ! C’est ma veine aujourd’hui, sans mauvais jeu de mots.
La voilà de retour, elle aussi, directement frappée par l’ignoble réalité que je subis depuis ma disparition. D’autres effusions prennent place, ses larmes se mêlent à l’eau dans laquelle mon corps mutilé est immergé. Nos échanges se poursuivent enfin dans la chambre, ultime lieu de plénitude qui prendra dans les instants qui suivront un air méchamment familier. Bah oui, écoutez… faut bien récupérer la bague que j’ai planquée dans une de mes plaies...
« Home Sweet Home », comme on dit…

Spoiler (Afficher)
Juste de quoi « excuser » une longue absence smiley. Merci du fond du keur à la JD de la pauvre Ellinel pour les illustrations !

Informations sur l'article

Péripéties d'une vie
12 Novembre 2017
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◊ Commentaires

  • Nelwenn~66948 (32☆) Le 12 Novembre 2017
    J'ai appréciée ^^ Si ça peut aider à embellir un peu *keur*
    J'adore ta façon d'écrire.. la suite !
  • Wilfried~68278 (29☆) Le 13 Novembre 2017
    Appréciable de voir un personnage aussi sensible que dans la vrai vie. Une écriture simple à lire sans fioritures: *