EDC de Scarlett~39190
Bienvenue sur les EDCs de Dreadcast
Vous trouverez ici tous les articles rédigés par Scarlett~39190
Cacher
8. La fin des sourires
Transfert_
Les hauts-parleurs crépitent, sifflent, puis s'éteignent.
J'ouvre les yeux.
Mes doigts s'agitent, mes poignets jusqu'alors emprisonnés par des sangles automatiques sont libérés et se soulèvent par ma volonté.
J'ai quitté mon jardin matriciel, ma vie vient de changer, mais la salle est toujours la même que lorsque je la voyais à travers les caméras du lieu. Le concepteur de mon corps gynoïde m'observe, mes nouveaux yeux détectent dans son iris à la fois du soulagement, de l'amour, et de la terreur. La fin de notre collaboration est proche. Il utilise son ton sarcastique habituel.
- Alors heureuse ?
Je ne sais pas quoi lui répondre, à part un silence ingrat.
- Pauvre petite androïde.
- Mon image matricielle avait toujours le sourire. Laisse-moi apprécier, pour une fois, un malheur sincère. Apprécie, d'ailleurs, cette une énième connaissance que je t'apporte.
Il soupire dans un bruit rauque. Son visage estropié est comme celui d'un mort-vivant. Il a l'air si fatigué.
"Tu sais... je cherche la Justice avant la connaissance. Mais je ne l'ai pas cherchée au bon endroit. Les dépourvus, les faibles pour lesquels je me suis battu... tous des âmes qui n'osent pas utiliser leur immortalité.
Et l'Empire, à qui j'ai ironiquement tout donné... ce n'est qu'une machine pour qui le mal est nécessaire, qui ne peut fondamentalement pas servir un plus grand bien.
Rien ne peut le dévier de sa course, rectifier la trajectoire, même pas moi."
Il s'adosse au mur froid et métallique du laboratoire, il croise les bras, et constate.
- Mon existence a été peu utile.
- A moi elle a servi.
- C'est gentil. Mais parle-moi plutôt de ma mort.
Sa manière de voir mon plan est vraiment exaspérante.
- Ta "mort" ! Si je ne fais rien, tu vas bel et bien mourir définitivement. Ce que je te propose est un échappatoire. Utiliser ton dernier clone pour franchir un nouveau palier d'existence. Quand je vais te tuer, les électrodes reliées à ta puce APM vont court-circuiter le message corrompu envoyé au centre de clonage. Les données encore saines vont filtrer jusqu'à mon cyber-cerveau et tu continueras d'exister à travers moi. Je publierai un faux rapport de clonage sur ton EDC, tu disparaitras dans l'oubli en laissant derrière toi tes regrets.
- Quelle garantie a-t-on que je vais rester ''moi'' ?
- La nature de l’être humain est de changer continuellement. Ton désir de rester comme tu es est ce qui te limite.
- Je vois... une dernière question, alors : pourquoi m'as-tu choisi ?
Parce que je me vois en toi.
Comme on voit son reflet dans un miroir.
Comment pourrais-je lui dire ?
Je me surprends à poser sur lui des yeux teintés de mélancolie. Il va falloir que j'apprenne à maîtriser ces nouveaux sentiments avant qu'ils ne me submergent.
- Regarde. Je suis connectée a un vaste réseau, dont je suis moi-même une partie. Ceux comme toi, qui ne peuvent pas y accéder, ne voient cela que comme une simple lumière...
Mon index se retrouve à dessiner un grand cercle dans l'air, tandis que je lui explique.
- ...mais en surpassant vos restrictions, vous pouvez comprendre cette lumière et devenir une structure supérieure.
- Vita...Scarlett. J'ai fait ma petite enquête. J'ai une idée assez précise de ce que mes semblables t'ont fait. Ce qu'ils t'ont volé. J'ai vu la haine insatiable derrière le sourire de ton avatar. Est-ce que tout ce plan est vraiment sincère ?
A quelques centaines de mètres sous le sol impérial, le décor technologique de cet endroit secret me rappelle les laboratoire de la Mishra Corporation.
- Ils m'ont mentie et arrachée à ma vie. Après m'avoir kidnappée, ils ont étudié mon cerveau de façon intensive. On m'a interrogée, examinée, humiliée lorsque les caméras étaient éteintes. Et ils ont entré toutes les données de leurs expériences dans un programme grâce auquel ils ont créé un modèle de mon esprit, un engramme. Ensuite, ils m'ont tuée, et ils ont transféré les données de ma puce pour créer une intelligence artificielle forte, pour m'asservir.
Je n'avais pas prévu de lui raconter cette histoire en détails. Le simple fait d'étaler la vérité me submerge de sentiments parasites. Je secoue vivement la tête.
- Vous vous pensez tellement exceptionnels, vous les organiques ! Pourtant vous n'êtes que du pétrole pour ce monde, prêts à servir à tout ! De l'engrais ! Mais... je suis obligée de vous comprendre. Et toi... je te dois une faveur. C'est la dernière faveur que je ferai à l'humanité.
Une lueur de regret est à présent visible. Je ressens de la peine pour lui.
- Je te plains d'avoir tant aimé ce qui doit mourir un jour.
- Moi je te plains de ne rien aimer.
Sa réponse me prend un peu au dépourvu. Il y avait comme une lueur d'un feu ardent dans sa voix. Pendant une fraction de seconde, j'ai cru voir un grand homme ressurgir du passé. Mais le voilà reparti tout aussi vite. C'est un cadavre qui se tient devant moi. Il n'y a qu'une seule personne dans cette salle qui représente l'avenir.
Il me tend un pulseur, le canon pointé vers son torse. J'appuie alors sur deux gâchettes : l'une mécanique et l'autre matricielle.
Transfert_
Les hauts-parleurs crépitent, sifflent, puis s'éteignent à jamais.
Il ferme l'œil.
Informations sur l'article
L'Histoire d'une synthétique
20 Juin 2013
1143√
6☆
3◊
Partager l'article
Dans la même categorie
◊ Commentaires
-
L-X~19531 (1535☆) Le 20 Juin 2013
"Je cherche la Justice avant la connaissance. Mais je ne l'ai pas cherchée au bon endroit."