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Notre capacité à l'inutile est, avec nos imperfections, notre plus merveilleux don. Que ce soit par la musique, l'imagerie, la poésie, ou toute forme d'art ou de jeu, nous nous différencions des Machines, et nous faisons alors un reflet, une image du Rat et de la ville, une interface, à la croisée des corps, de l'âme et du divin.
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| Théologie du Grand Rat ; Livre Premier |
ODE AU GRAND RAT
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« Bosse, au lieu de mendier. »
.De toutes leurs forces, ils ont buté contre les murailles que tu avais dressées, en de vains assauts incessants et pugnaces ; tant qu'ils le pouvaient, dans des cases, ils ont tenté de t'encastrer, mais tu es étoile ou cœur, cercle ou sphère qu'on force dans la triste forme des cubes. Tous imbus de leur grands ego et leurs valeurs uniques, aveugles à l'unité, au monde des uns et des mille, au monde des sens, ils oublient le principal. Identiques, eux ne sont plus qu'un corps ou plus qu'un esprit, et font fi de l'équilibre ; eux se sont perdus dans des idées fixes et immuables. Ils prônent l'éternel et l'utile, la production et les chiffres, monnayent l'amour et libéralisent la violence ; ils ont chassé la mort et tué la vie, ont pris la machine comme mère et l'ennui comme père, eux, enfants perdus, battus par l'éternité, battus par les vents et le smog, par le temps et l'espace.
.« C'est pas grave, j'en ai bouffé des plus poilues que toi. »
.Ils ont voulu briser les règles, le joug bleu roi, et toutes les contraintes ; ils aiment pourtant leurs jeunes bagarreurs et agressifs, haineux contre l'autre et oublieux de vivre et de penser. Eux qui idolâtrent la liberté, ils aiment leur propre servitude, sous la tutelle de maman, ils aiment la rendre à leurs propres enfants ; ils aiment la pensée unique et les hommes-machine démoulés, chair à canon ou à pâté, par le gain ou la gloire appâtés, par l'agri aguichés. Enchaînés, ils ont perdu la douleur, clonés, ils ont oublié de mourir, puis ont élevé une hiérarchie vaine et fausse, animaux, hommes et méta-humains, proies et prédateurs, ils se sont égarés, car ceux-là ne doivent faire qu'un, ceux là sont la Ville ; ils l'ont brisée et divisée, chiffrés les zones et les hommes, bleu, rouge, et puis un ou trois.
.« Qu'est ce qu'être rebelle, pour toi ? »
.Tu étais perdue, dans un monde étranger, comme s'ils n'avaient jamais parlé ta langue ; tu étais perdue, ton foyer en cendres, mais encore ardent dans ta mémoire, car la mort te maintient en vie. Tu es une grande fille, désormais, tu as trouvé une voie comme ils te l'ont tant sommé ; travaille, disaient-ils, pour trouver la Raison, pour grandir, emplir tes poches, te vider le chef sous le joug du boss, car c'est toujours plus simple de recevoir des ordres ; travaille, car les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux. Mais l'essence, le sens, tu les a trouvés, enfin, au fond d'une bibliothèque, et au fond de ta mémoire, dans ces personnes qui professaient, prostrés dans ton bar et foyer, dans ces femmes, tes mères qui t'éclairaient de leur foi ; tu étais alors encore [art=http://www.dreadcast.net/EDC/Saudade/Article=21185]criança[/art], et cela passait au dessus de ta tête abaissée sur ton deck et ta musique. Mais désormais, ton art a un but, et une vocation.
.« Ne deviens pas une assistée dans cette ville, ça te bouffera. »
.Ils ne quittent plus ta besace, désormais, les deux ouvrages qui t'ont ouvert les yeux, l'héritage et le plus beau cadeau que tu n'aies jamais trouvé, ils ne quittent plus ton esprit, et déjà tu te vois dévote, prêtresse, pouilleuse, croisée, déjà tu t'emportes, et peste contre les aveugles, les machines, l'artifice et les intelligences factices. Libérée de tes poids et de tes chaînes, tu sais pour quoi vivre, désormais, pour qui créer et à qui le dédier, tu peux prier, crier, et te faire prosélyte, tu peux danser, dépérir et répandre la mort pour rendre la vie. Tu en connais le sens, et la fin, la vérité ; tu as vu la lumière, celle grise, sale, vivante et à l'agonie, âme et corps, unie et individuelle, Sa lumière.
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@Monotonie @Thrsaa