EDC de Saudade~63038
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Mágoa (Non référencé)
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Il est trois heures du matin ; sur un canapé rouge, elle gît, l'air fatigué qu'ont les enfants après une longue journée ; pourtant, c'est au crépuscule qu'elle s'est animée, pas encore très alerte tandis que les rues s'assombrissaient, et qu'elle s'est résignée à faire son deuil. Sans mots, dans la pénombre, mais juste avec ses tripes, ses tripes de fillette, elle a senti la mort, comme si son odeur planait dans l'atmosphère immobile, silencieuse du rade, comme une odeur de charogne. Avec un peu d’imagination, elle aurait pu apercevoir la dépouille de sa vie passée qui gisait sur le pavé. Mais Saudade ne comprend pas la fin, elle n'a que la satiété et la chaleur de l'âtre. Quand même, dans son ventre, dans sa gorge pèse comme une boule de plomb.
Il est quatre heures du matin ; dans le sofa trop petit, avec ses jambes duveteuses par dessus l'accoudoir, elle s'est endormie. Plus tôt, elle a mendié, avec le naturel des gens sans normes sociales, elle a mendié des crédits et des repères, un rocher pour sa moule, une cheminée pour y chauffer son dos. Jusqu'à sur l'AITL, elle a crié sa détresse, dans son langage à elle, tentant si fort de communiquer comme ils le font, avec les mots un peu vides de sens et d'émotions. Dans un autre bar, elle ronfle, loin de feu ses mécènes maternelles, mais l'air y est plus frais, et les courants d'airs un peu tristes ; l'odeur n'est plus la même, et celle de ses aisselles ne suffit plus à la rassurer.
Elle s'éveille à six, en même temps que le clair, dehors, et titube jusqu'à la rue ; à nouveau, les lampadaires, encore rougeoyants dans l'aube pâlichonne, tanguent. Elle marche dans une flaque, froide, désagréable, puis se stoppe pour scruter le visage qui y apparaît, encore troublé des rides de l'eau grise. Les yeux sont rouges, le visage sale, coupé comme en trois par deux sillons plus clairs dans l'anthracite des joues, sous chaque paupière ; elle ne sait ou aller, et puis elle ne comprend pas, ni qui elle est, ni qu'elle est, elle ne comprend pas qu'elle ne comprend pas, alors elle mange les biscuits qu'elle a chopé des racks en pressant au hasard les boutons lumineux ; un peu mous mais pas si mauvais.
Va bosser, au lieu de mendier. Pour la première fois depuis son éveil, son communicateur s'est manifesté, dans un soubresaut presque douloureux, comme un noyé revenant parmi les vivants ; elle n'y croyait plus trop. Mais elle ne comprend pas la missive, et en a déjà marre du messager. C'est sur une table qu'elle l'oublie, comme par un demi-fait exprès. Sans but, elle erre un peu dans les abords vides de son logis improvisé et nouveau, mais il n'y a rien, ni à faire, ni à dire. Doucement, sans bruit ni conviction, elle soupire. Elle se résigne, enfin.
Animale, au présent, elle a rabaissé la nuque sur l'écran blafard de son deck, celui qui ceint son poignet, et puis la réalité, enfin, le reste, elle les a oubliés ; elle doit s'exprimer, maintenant, elle fait ce qu'elle sait faire, la seule chose dont elle est capable. Et puis personne ne la remarque, ni la regrette. Et la chaleur humaine ? Saudade n'a plus d'amies, ni de phares dans sa nuit un peu trop sombre. Son fil d'Ariane, celui qui la maintenait au réel mondain s'est brisé, capillaire et cuivré, sulfureux et purpurin. Mais c'est presque une grande fille ; elle lève le menton et bombe le torse, comme un garçon. Et puis zut ! Elle se débrouillera, elle trouvera bien. On trouve toujours.
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♥ MÁGOA ♥
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Informations sur l'article
Saudade
14 Février 2017
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