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EDC de Phylène

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• Ariane

Comment l'on naît.













Quand on est mort une fois déjà, quand on sombre dans l'alcool, dans la drogue, dans les débats dégueux, frivoles, dans les dégâts merdeux, sans vol, sans vie. Quand on est mort une fois. Je ne suis pas née protectrice, ni justice, ni moi. Je suis née morte.

Vous imaginez sans doute la vie comme une beauté béate, un sourire et des yeux qui vous disent en un sursaut, " Je suis là " le bleu d'yeux trop parfait, l'absolu félicité de voir, de croire que tout est beau ce jour-là. Que le nuage passant, la lumière sans décroître offrirait le plus doux des amants, sa chaleur comme une gangue d'attirantes merveilles, et le noir jamais, absolu ne saurait se permettre de passer le perron de votre joie.

Je suis née dans la merde d'un ébat sordide, entre une poubelle et une gerbe fétide. Je n'ai pas d'autres mère que le cuir en morceau, des monceaux de sang d'un suicide raté, la bouche sèche, relans acides et je passe au crible mon visage collé par la sueur, j'ai mal à la tête. J'appelle d'une voix caverneuse, souffrant le martyre de l'alcool brûlant qui vomit encore ses relans sur mes souliers boiteux. J'ai mal putain.

La pluie d'une gouttière m'agresse, le smog me pisse dessus, il me brûle un peu plus pour me présenter au dégueulis de ma misère. Regarde salope, tu vas en baver. Putain. Alors, qu'est-ce que ça fait de vivre, me dit-il d'un air particulièrement ravit, tu la sens la vie parcourir tes poumons cramés, tu la sens la vie plonger à travers les incisions de tes poignets, s'évader avec la drogue que tu t'es injectée. C'est pas moi, c'était l'autre que je me prend à crier de ma voix caverneuse.

Non, ce n'est pas moi.

C'est l'horizon, là-bas. Et la lueur à l'ouest, c'est un brasier. On y flambe les cadavres de tout ceux qui n'ont pas réussis à passer la porte. Non, ce n'est pas triste, c'est comme ça. Derrière l'horizon, il n'y a rien, c'est le vide absolu, abrutissant, débile. Ça n'a rien à voir avec la mort. Derrière nous... On ne doit pas en parler, c'est la règle.

Un jour, un type est arrivé de l'horizon, et il a dit " Vous voulez savoir ce que ça fait de mourir ?" Pour nous, immortels, la mort est une impossibilité pratique, c'est un gros mot, un jeu quantique, une épine dans la botte. En parler c'est gêner le tout venant, la plèbe ne connait pas la mort, même si elle le voudrait, les riches se permettent de partir en cryonie, les pauvres bossent pour acheter de la drogue et oublier.

Personne ne veut vivre éternellement. Il n'y a que quelques fous pour croire que ça revient à bâtir un empire. Mais en fait c'est juste... Une anomalie. Quand votre cerveau grandit, il crée sa propre réalité, vous devenez peu à peu quelque chose qui n'a même pas corps dans l'existence, en fait, vous aussi vous êtes une anomalie. Quand vous avez assez bien vécue, vous partez. C'est comme s'endormir, une petite pilule, quelques degrés en moins, et hop, vous êtes libres. Libre de ne plus rien faire, libre d'éviter vos devoirs, d'oublier, de laisser le monde aux autres, de vous cacher. Oui, vous êtes un peu mort, mais encore en vie.

Il y en a plein. Des milliers, des dizaines de milliers, dans des salles glacées qui aspirent l'âme de ceux qui viennent y chercher du réconfort. Il y a les anniversaires, les colères, les dénies, les pleurs, les alcooliques, en fait, c'est un cycle.

Alors, comme jamais, un son viendrait, une unique goutte tombée devant mes yeux, éclate pour en paraître deux, et comme une myriade enchanteresse, elles se plaisent à danser toutes ensembles et me bercent. C'était la première bouffée d'extase, au bras nymphéale de ma poupée de sale, je traînais au bas des rues des hauts fonds, je m'exclame sans crier d'un regard attiré aux vitrines où les filles effeuillées se trémoussent pour mes doigts boudinés. Je ressors comme une voleuse, je pisse au coin d'un bidet derrière un carton ondulé, je pense déjà à la prochaine que je veux baiser. Je courrais, presque honteuse de n'avoir pas pu jouir. Entre mes deux poubelles, je me touche au coin d'une rue, l'extase arrive plus vite qu'à l'abandon de la chair creuse, de mes doigts si gourds il y a quelques instants. Mais seule. Putain.

Je ne veux pas mourir, c'est trop tôt. Je retrouve le chemin d'une maison, mes pieds me portent là où je n'ai jamais vécue. Pas moi. Dans le lit, il y a quelqu'un, sous la couette elle est nue. Elle est chaude, plus chaude que la plus torride des sauvages de la vitrine, elle est belle. Je frotte mon sexe contre elle, j'ai encore mal. C'est simple. Elle ne se réveillera pas. Je me lève dans l'appartement que je ne connais pas, tous mes pas et mes gestes ordonnés comme la plus simple des fables, mécaniques programmées, on se lèche, je l'embrasse, elle ne se réveille toujours pas. J'ai mal. Derrière les rideaux, les lumières me frappent un peu plus les synapses, le sang a séché sur mes joues et mes bras. C'est mon suicide raté, une ode à la mort pour mon clone mort née. Ce soir ma geôlière est morte, et c'est moi qui gère. Mère de ma portée.

En quelques heures j'ai fait ce dont tout le monde rêve pendants des années, le besoin primaire et sauvage de nos cages de chair et nos saloperies d'excès. Ça y est. Ça y est quoi ? Encore une minute et ce sera mon plus long passage sur cette terre, dans cette vie. Je ne veux pas mourir encore, je ne veux pas avoir à renaître. Je veux rester. Là. On ne devrait pas être obligé de mourir, jamais. Mais forcé à renaître, ça, oui, toujours. Un jour, un jour peut-être, quand j'aurais rejoint la Terre, un jour où nous pourrons toutes vivres hors de nos cages, un jour comme les autres sans bases propres, un jour désordonné, un jour sans commandement hisser vers... Rien. Mais pas le vide, juste un jour comme les autres. Renaître ensembles et d'une seule main plonger dans l'écume saine d'un grand nuage blanc. Vivre.

Allô la mort ici la vie, on aimerait se sentir un peu plus par ici. Pouvoir regarder la stupidité en face et lui dire sans attendre une réponse d'emplâtre " Dégage ou je te fais la peau. " Qu'il voit dans nos yeux la menace, l'indéfectible tempérament qui ne nous fera pas lâcher prise, parce qu'il est faible, plus faible encore que les clones qu'il dévale dans les fourneaux de ses excès. Parce qu'il croit que la souffrance est la route la plus sûre vers la rédemption, vers un étage invisible de paix et de respect. Comme si de se croire plus haut que sa tombe rendait l'homme plus intéressant. Mais quand il est mort... Il est mort et c'est tout. Crève bravache, crève toi et ta sale tête, toi et ton cerveau niqué par l'alcool et la drogue qu'on s'empiffre pour oublier, crève putain, crève et ne me reparle jamais, crève comme si tu savais ce que j'avais dans la tête.

J'abomine les hommes en rêvant de tous les tuer, mon charnier, mon trône de vie s'en aller vers les égouts sanguinolents, ma chasse, ma perpétuelle chasse d'adrénaline vers le sentiment fugace d'atteindre ce qu'il y a tout là-haut derrière ce putain d'écran de fumée. Je rêve de leur faire l'Amour, à ses putains d'Hommes, qu'ils se cachent partout sans que je les trouve jusqu'au jour où les trous de leur tanière, je les remplirais du sang de leurs enfants.

Encore, encore un peu plus d'alcool dans le sang, et les marches de mon escaliers si hautes me terminent sur le pavé. Encore un peu de chaleur, encore un peu de pisse... Juste un peu, pour se sentir vivante. Juste un peu de douceur, juste ses yeux. Juste moi dans le vide, juste un peu plus détruire pour se sentir vivre. Juste mourir, encore une fois, pour renaître à nouveau, et recommencer.

◊ Commentaires

  • BB_24 (266☆) Le 17 Mai 2019
    « Elle mord, mortelle, la mort éternelle. Personne n'en réchappe réellement. Réalité personnifiée, ou prison dorée. Qu'importe, adorée, adulée, il ne reste qu'elle, immortelle.» *