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Lieutenant Figaro — Un corps pour le Cercle

[Espace matriciel libre de la websérie, accessible sur les plateformes de streaming de la matrice]
Toute ressemblance et inspiration de ce feuilleton avec des faits réels, des personnages réels, des politiciens réels, des criminels réels, des noms réels, et toute coïncidence pouvant soulever le doute sont, bien entendu et de toute évidence, parfaitement fortuites.
Réalisé avec DreadcastMovieManager™, le logiciel 3D qui met vos histoires en holo-images.
_________________________
# Episode 1
Un corps pour le Cercle de l'Orient
https://www.youtube.com/watch?v=NRI_8PUXx2A
Générique en musique
Des ombres grimaçantes de bleu et de rouge défigurent les trolls de sécurité en poste, tandis que les androïdes du Cercle de l'Orient maintiennent leur cordon autour de la demeure du Président du Conseil de la Noblesse.
Séparés de la foule et des journalistes par des lignes jaunes criardes cernant tout le périmètre, les agents de police scrutent celle-ci avec une suspicion palpable. Ne dit-on pas que le meurtrier revient toujours sur le lieu de son crime, après tout ? Pourtant, la silhouette qui se faufile raidement sous les bandes plastifiées échappe à leur regard. C'est une toute petite silhouette, après tout, et l'intensité des flashs des photographes combinées aux gyrophares d'épaules des androïdes joue son jeu de dupe sur la scène.
« Dégage du périmètre, microbe. »
Plus attentif, un des trolls de sécurité du Président s'interpose, ses petits yeux luisant derrière la visière de son casque. Ses épaisses mains pourraient presque tenir entièrement la petite tête du métahumain en face de lui, un gobelin brunâtre aux rares cheveux mal coiffés, mains enfoncées dans un pardessus à l'entretien douteux. Visiblement un peu surpris, ce dernier sort une paume ouverte pour s'expliquer.
« Excusez, commence poliment le bonhomme. J'aimerais parler à Lord Akarris, ...
— Rien à foutre, pas de civils dans la zone.
— Ah, mais c'est que je ne suis pas civil justement. Lieutenant Figaro, brigade anti criminalité »
Le mastodonte plisse les yeux à la vue du badge que le gobelin amène jusqu'à mi hauteur de son corps, à bout de son petit bras maigrelet. L'information bloque dans le cerveau du troll, comme un caillot dans une artère d'alcoolique. Un des androïdes du Cercle, avisant la scène, intervient aussitôt dans l'échange.
« Il est avec nous, vous pouvez le laisser passer.
— Merci, H2CD, lance avec un sourire de gratitude le gobelin. Vous marchez un peu avec moi, pour me présenter l'affaire ? »
Le visage anonyme derrière son masque lisse d'intervention, l'androïde émet un soupir synthétique en lui ouvrant la marche.
« Vous allez en avoir besoin, et vous allez vite comprendre pourquoi. »
Les deux hommes s'avancent en dépassant l'entrée forcée du domaine, le digicode grillé et inerte. De part et d'autre du couloir, des tableaux sophistiqués témoignent de la fortune du couple propriétaire. Ralentissant un bref instant pour constater l'état de la serrure, le lieutenant entame de s'allumer un épais cigare d'un claquement de briquet. Plissant des yeux, Figaro se met à suivre du regard la fumée, qui enlace les mécanismes désolidarisés de la porte, et puis se porte sur les antiquités exposées dans l'entrée. Derrière, un grésillement électronique qui se voulait être un toussotement rappelle le gobelin à l'ordre. D'un sourire désolé, il emboîte à nouveau le pas de l'androïde, qui reprend son explication.
« On l'a retrouvée il y a un cycle horaire. C'est Lord Akarris qui nous a prévenus.
— Le Cercle n'a pas été alerté de cette intrusion ?, souffle Figaro avec sa fumée.
— Comme beaucoup de nobles, Lord Akarris a son propre système de sécurité. Digicode, caméras, gardes...
— Très sympathiques, au demeurant. Vous avez pu récupérer les enregistrements ?
— Hackés, bien évidemment. Mais nous arrivons sur la scène de crime. Lord Akarris, sa femme et leur filleule sont là. Ils sont très affligés par la mort de leur fille. Faîtes preuve d'un grand tact, la Commissaire Dashana est sur le fil du rasoir...
— Oui, oui, bien évidemment. »
Les deux grandes portes de synthébois s'ouvrent sur un vaste hall digne des antiques demeures impériales. Il y a des colonnes. Il y a des statues. Il y a des officiers de police. Et il y a un cadavre, gisant au milieu de la pièce.
« Mais elle est vraiment morte ! », s'exclame Figaro. Quand tous les regards se tournent vers le duo entrant, un vrombissement sourd traduit la gêne de l'androïde. Une grimace embarrassée distord le visage du gobelin, qui reçoit de plein fouet le regard noir d'un elfe majestueux plus loin, au fond de la pièce. Lord Akarris, entouré de sa femme et de sa filleule, éplorée.
« Qui est ce guignol ? Je croyais avoir interdit l'entrée à toute personne étrangère au Cercle.
— Lieutenant Figaro, s'explique maladroitement le gobelin. Excusez ma surprise, quand on m'a parlé d'un meurtre, je pensais retrouver une flaque, vous voyez... toutes mes condoléances pour votre perte. Vraiment navré. »
Un souffle hautain enterre la conversation avec la même vitesse que celle-ci a commencé. Se massant la mâchoire avec embarras, Figaro s'avance cigare en main vers le corps de la jeune elfe au sol. Une belle jeune fille, du genre de celles qui auraient pu faire une belle carrière dans l'empire. Cyrielle, s'appelait elle. Un nom que la police connaissait étant donné son implication dans la Chambre des Lois.
Tirant sur son cigare avec perplexité, le gobelin reprend la parole un ton plus bas, de manière à ce que la conversation reste confidentielle.
« Sale histoire, la fin terminale d'un clone. La puce APM a été détruite ?
— Non, répond platement H2CD. C'est bien ça le problème. Elle est intacte. Elle ne marche tout simplement plus.
— Ça pour une drôle d'histoire... »
Effectivement, la nuque de la défunte ne laissait pas penser qu'on avait essayé de forcer sa puce. Pourtant, devant le lieutenant, le corps demeure inerte, tandis que les cuves du centre de clonage sont vides... Le processus était interrompu.
« Je vous prierai de vous éloigner de ma fille si vous avez terminé, lieutenant. »
Le dégoût de l'elfe pour la proximité du gobelin avec le cadavre est palpable.
« J'ai justement terminé, Lord Akarris. J'aurais souhaité vous poser quelques questions encore pour les besoins de l'enquête, si je peux me permettre de vous voler un peu de votre temps...
— J'ai déjà tout expliqué à vos collègues. Je l'ai retrouvée là, comme vous la voyez à présent. La porte était crackée, j'avais entendu du bruit. J'ai immédiatement appelé le Cercle, mais tout le système de surveillance était déjà HS, corrompu. Mais ça, vous le savez déjà. Vu votre efficacité actuelle, j'aurais mieux fait d'engager un privé.
— Je comprends votre douleur, Lord, souffle à nouveau le gobelin en se frottant la tempe. Mais je me demandais, y a t-il des gens qui en voulaient à Cyrielle, votre fille adoptive ?
— Autant que pour n'importe quelle fille de noble. Le Quartier nous a fait des menaces. Tous les groupes terroristes, en fait. Ne parlons pas de la rebellion. Ce n'est pas le nombre d'ennemis à l'empire qui manque ces dernier temps.
— Je comprends tout à fait. D'ailleurs, vous n'étiez que tous les quatre présents dans la maison, c'est bien ça ?
— Comment ça ? Il y avait moi, ma femme, sa filleule et ma fille. Qu'Il soit loué que rien ne leur soit arrivé également.
— Et vos gardes, que j'ai pu apercevoir à l'entrée ?
— Ils n'étaient pas stationnés ici. Quand on a des avoirs, vous comprendrez qu'ils valent parfois plus chers que la vie d'un clone. Et je sais défendre ma famille. »
Le lieutenant opine avec assentiment. Il agite sa main, index levé, comme pour pointer un phénomène particulier.
« J'ai bien vu que vous étiez un collectionneur, Lord. Quelles belles antiquités que vous avez à votre entrée. Et bien entretenues.
— J'aime les réalisations du passé. Maintenant, si vous voulez vous concentrer sur votre enquête, plutôt que de me harceler de questions stupides...
— Justement, à ce propos... il y a quelque chose qui me chiffonne. Elle est très curieuse cette porte que vous avez, vraiment curieuse. Avec un verrou mécanique en plus du digicode, pas l'un de ces trucs technologiques reliés à la matrice...
— Et ?
— Eh bien, il était ouvert. Pas forcé, ouvert. C'est tout de même curieux, non ? »
L'elfe fronce ses sourcils blonds, réfléchissant un instant au propos.
« Peut-être que ma fille avait oublié de le fermer. Je n'ai pas vérifié ce soir, c'est vrai.
— Ah, c'est bien dommage, vraiment dommage... Vous savez ce que je pense ? Je pense que le tueur, quel qu'il soit, devait venir de l'intérieur. Et qu'il a fait semblant d'avoir forcé le digicode pour faire croire à une intrusion, en oubliant votre serrure si particulière, et tellement rare dans les maisons d'aujourd'hui.
— Impossible. Il n'y avait que nous.
— Il n'y avait que vous, reprend le lieutenant. Mais ça ne rend pas la chose impossible, ça réduit simplement le nombre de suspects.
— Euh, lieutenant ?», ose enfin H2CD, plus loin, la tête orientée dans leur direction.
Mais l'intervention s'avère trop tardive. Un élan de fureur s'empare déjà de l'elfe, qui s'avance d'un pas vers le gobelin chétif au pardessus abîmé, le toisant de toute sa hauteur.
« Espèce de petit flicaillon de merde. Continuez de me pointer du doigt, et de pointer du doigt ma femme en deuil et ma filleule éplorée, et je vous collerai un procès pour diffamation et dissidence, en plus d'incompétence.
— Oh, ne vous énervez pas, Lord, je ne faisais que réfléchir à voix haute. Vous savez, tous ces petits détails,...
— Quels détails ?, coupe glacialement le Lord.
— Vous avez bien dit avoir entendu du bruit, découvert le corps et aussitôt appelé la police ?
— C'est ce que j'ai dit, répète prudemment l'elfe.
— Eh bien, je ne suis pas un grand spécialiste des cadavres, vous voyez... mais j'ai bien regardé son état, et je mettrais ma main à couper que le rapport du légiste m'indiquera que Cyrielle est morte depuis plus d'une heure avant que nous arrivions. C'est très curieux, vous ne trouvez pas, cette hésitation à appeler les forces de l'ordre ? Moi qui pensait que vous vous entendiez bien avec la Commissaire. Mais j'ai peut-être mal compris. »
Un silence s'installe dans la pièce. Derrière Lord Akarris, devenu muet d'une fureur noire, la jeune filleule, véritable modèle réduit de l'elfe rousse qu'est la femme de Lord Akarris, s'est également tue. Avec ses yeux cybernétiques, semblables à ses bras de mécanique et d'électronique, il semble difficile de discerner la douleur ou la colère de Lady Akarris, privée de larmes et d'une grande part de son expressivité. Sa filleule, au contraire, n'est que chamboulement et tristesse,... et crainte. Une crainte que le gobelin parvient à percevoir malgré l'un des yeux cybernétisés de la nemo intra, si savamment refaite étape par étape comme une jeune Lady Akarris. Si ce n'était le cadavre présent dans la pièce, le lieutenant aurait pu jurer que les nobles rendaient l'atmosphère irrespirable.
Coupant court au suspens, Figaro émet un reniflement las, en se frottant une narine.
« Comme vous l'avez dit, vous êtes un homme très occupé, Lord, et je n'ai plus de questions à vous soumettre pour le moment. Merci d'avoir collaboré malgré votre peine que je devine vive et douloureuse. Je suis certain que nous attraperons ensemble la personne qui a fait ça. Vous pouvez me croire sur parole. »
Enfonçant ses mains maigrelettes dans son pardessus, Figaro se recule d'un pas avant de faire demi tour, son cigare à moitié consommé subsistant entre ses lèvres. D'une révérence polie, H2CD se met à lui emboîter le pas, son visage anonyme en forme de visière de casque parvenant néanmoins à traduire tout son malaise d'androïde.
« Je ne sais pas si accuser la famille du Président du Conseil de la Noblesse était vraiment une bonne idée.
— M'ah, pourquoi pas, pourquoi pas... Cette affaire me chiffonne, ils nous cachent des choses.
— Vous pensez que Lord Akarris est le meurtrier ?
— Non, je pense même qu'il est innocent. »
Si l'androïde avait eu des sourcils, il les aurait levés.
« Vraiment ?
— Bien sûr. Il n'aurait jamais oublié de refermer le cadenas mécanique de la porte. Ça ne correspond pas à son style, il est minutieux. Mais il a des choses à cacher, et j'ai besoin de découvrir quoi...
— Cette enquête me grille les transistors, si vous voulez mon avis. Un vrai mystère à elle seule.
— Deux en fait, H2CD, deux... Le meurtre de Cyrielle la légaliste est curieux, mais l'arme du crime m'intrigue au plus haut point. On pourrait hacker une puce APM ? La désactiver sans l'endommager ? Jamais entendu parler de ça. Il faut que je vois un spécialiste du domaine... Vous m'accompagnez ?
— Assurément. Il faut que je vérifie que vous ne semez pas la zizanie dans le dos de la Commissaire, vous imaginez bien... »
Le gobelin retire son cigare de sa bouche, passant avec le cyborg sous les bandes jaunes plastifiées entourant le périmètre et retenant les journalistes. S'enfonçant dans la ville, le duo s'éloigne alors des grandes lueurs commerciales des secteurs fastueux, et prend un tournant vers le Sud. Sous les lueurs grésillantes des lampadaires en sous consommation d'énergie, le gobelin et l'androïde s'enfoncent pas après pas dans les domaines de la Basse-Ville, et du redouté Quartier régnant sur celle-ci.
L'enquête n'en était qu'à son commencement.

Informations sur l'article

Feuilleton policier
14 Février 2019
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◊ Commentaires

  • Ernestine~53704 (78☆) Le 14 Février 2019
    Vivement la suite !
  • Joey~62360 (404☆) Le 15 Février 2019
    J'en veux encoooore!
  • Maatheo (44☆) Le 16 Février 2019
    Je veux que le gobelin tente de stopper des vilains avec un "LIEUTENANT FIGARO, JE VOUS ARRÊTE AU NOM D'IMERATOR !" avant de se faire marcher dessus. Je n'ai lu pour le moment que le début, mais étoile, et je reviendrai lire la fin, pas mal !
  • Jade~52355 (159☆) Le 17 Février 2019
    ENCORE !! ENCORE !!