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XXXII. Ignis, Aqua, Ventus

XXXII. Ignis, Aqua, Ventus

Pied noir marchait alors que la tempête s'abattait. Inlassablement, inexorablement, opiniâtrement, il concédait un pas devant l'autre. La morsure du froid lui caressait glacialement le cuir, fragilisait son derme, irritait ses iris cherchant au loin le chemin. Il traînait ses pattes nues, meurtries par le long chemin de croix qu'il s'infligeait. Il portait sur ses épaules tout le poids d'un sac mortifère, chargé des âmes de ceux qui eurent un jour croisé son chemin. Au loin, une lueur, un signe, un horizon embrasé. Ce point dans l'obscurité de la tempête semblait être la seule voie à suivre. Autour de lui, le chaos, la désolation, la déperdition.

Et pourtant, elle paraissait si loin cette lanterne rouge. Au loin, les cloches d'une église donnaient le pas. Invisible dans le torrent, le son est limpide, perpétuel, sans jamais s'arrêter une seule seconde.

Des jours, des heptades, des années qu'il marchait, qu'il piétinait sur ces arpents glacés à la poursuite de cette source intarissable de bonheur que pouvait lui apporter la capture de cette tâche dans le ciel. Mais la tempête réduisait à néant toutes ses tentatives, terrassant sans crainte les volontés de vie qui tentent la traversée du glacier.

Soudain, briguent son attention, les aiguilles rocailleuses d'une grotte qui pourrait lui servir d'abri pour la nuit. Alors que sa volonté voudrait perpétuer sa marche, de crainte que son destin ne lui échappe, son corps le suppliait, proche d'une funeste agonie. Ses doigts, brisés par le froid et dont il avait la vue ne purent que le contraindre à stopper son chemin. La lumière disparue, tout autant que les bruits autours.

Dans la pénombre humide du souterrain, il ne fallait pas trop s'y aventurer. On disait qu'elle aspirait les âmes et qu'elles n'en ressortaient jamais. Mais le fouet arctique du vent frappant les portes de la caverne n'avait eu de cesse de le convaincre.

Assis au sol, son sac dans les mains, il y plongea la main afin de remuer le puits du souvenir.

D'abord, il en ressortit un renard de feu.

La renarde, voyant l'homme frigorifié vint alors à sa rencontre.
Mon ami, lui dit alors l'animal roux, pourquoi ne te couvres tu pas ?
Je paye ici le prix de la passion, le prix de ma jalousie, le prix de l'amour fusionnel, bestial, des griffes ardentes du souvenir. C'est ce que tu es, c'est l'amour des flammes. Celles qui réconfortent quand on s'en approche, mais qui brûle ardemment quand on y met la main. Celle que l'on regarde chaque soir avant de s'endormir sans jamais la lâcher des yeux.. mais qu'on voit se propager, détruire, avec une telle force, une telle vigueur.. Ces cicatrices qui nous rappellent qu'à se rapprocher de Dieu, on se brûle les ailes, on tombe plus bas que la terre.. Mon Amica Mea.

Le renard, affichant un air de compassion, vint s'approcher de l'homme pour le réchauffer.

Ensuite, ma main se saisit d'un oiseau pécheur.

La plumée, à la crinière alezane, voyant l'homme assoiffé, vint à sa rencontre.

Mon ami, lui dit alors le volatile, pourquoi te laisses tu assoiffé ?
Je paye ici le prix du silence et de l'opulence. J'ai été l'homme fort, l'homme du puissant, l'homme qui ne connaissait pas la peur. Celui qui pensait pouvoir tout vivre sans crainte de tomber. Ce que tu es, c'est l'amour placide, platonique, invincible. Celui qui ne bouge pas.. ou bien que je n'ai jamais su faire évoluer. Cet état de grâce qui, figé dans le temps et l'espace est resté mon mantra, mon idylle parfaite et pourtant.. Cette indésirable sensation de n'avoir jamais été plus loin, de ne pas avoir forgé le nid de notre être, de courir après la passion que je recherche. De dépasser le stade de fonction pour l'action. Ce long fleuve tranquille qui, derrière le barrage en gabbro, cache une fragilité qu'il me plaisait de découvrir. Et avec ceci, la peur d'être seul, la peur d'être abandonné, la première pièce du puzzle.. ma Catherine.

La plumée, fêlée par l'émotion, vint offrir une gorgée d'eau à l'homme.

Enfin, il sortit un tigre noir électrisant.

La féline, dont la crinière maculait son garrot, voyant l'homme affable, vint à sa rencontre.

Mon ami, lui dit le fauve, pourquoi semble tu si fatigué ?
Je paye ici le prix des remords. La rencontre de deux êtres qui se ressemblent, mais qui n'ont pu se comprendre. Ce que tu es, c'est l'amour électrisant, c'est celui qui sauve des vies, qui exulte nos âmes par de dévorantes passions communes, l'assurance de porter le poids du monde sur quatre épaules solide. La fraîcheur de la certitude, que tout nous réussissait. Nos projets, nos vies, nos âmes sœurs.. Nos doutes, nos désespoirs, notre noirceur.. Ce premier baiser. Vint l'orage, par moment, alors que nous traversions l'œil du cyclone. Nous faisions face ensemble ad vitam. Et pourtant, les sentiments les plus forts se conjuguent toujours par les plus terribles déceptions. Le désespoir de ne pas être compris, du regard de l'autre, se délaisser, ne plus avoir envie de vivre, de ne plus trouver le sens. Mon évidence.

La tigresse, attendrit par la scène, vint porter compagnie à l'homme pour s'assurer qu'il reste réveillé.

Hélas, bientôt, il faudra reprendre le chemin. C'est accompagné des animaux du souvenir qui poursuivit sa route.
~~~~~~~

Une sonnerie retentit, alors même qu'un halo lumineux rouge tournoyant singeait de ses lueurs le cocon de verre de la chambre de cryogénisation. La porte s'ouvrit, laissant l'air glacial exultait dans toute la pièce. Immobile dans son cercueil, sa pénitence était terminée.

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Pour Hazel, Piety, Yrié. Merci à vous pour tout.

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