EDC de Odul

"L'homme doit être gouverné. Sa nature mauvaise, son incapacité à s'imposer seul les limites pour vivre en communauté, son égoïsme, sa bêtise, son ignorance, sa finitude ou encore son incapacité à s'organiser justifient l'existence de quelque chose de supérieur à l'individu, pour le guider voir imposer des limites."

C'est de la merde.

Souvent les plus fervents prêcheurs de cette nécessité sont ceux qui nous laissent choqués ou écœurés face à leurs actes immoraux. Incapables de se gouverner eux même pour vivre dans le respect des limites morales existantes dans toute société ils en appellent à la dépossession de tous les autres de leur droit à se gouverner eux même. Quel paradoxe. Ou pas. Arnaques tout le monde et tu suspectera tout le monde d'essayer d'en faire de même. Tiens des discours trompeurs et tu n'imaginera plus que des subterfuges dans les discours des autres. Nous jugeons les autres en fonction de ce que nous sommes, utilisant nos forces et faiblesses comme une grille de lecture. Pas étonnant alors qu'ils redoutent les coups foireux plus que nous, surtout si ça peut être à leur frais.

Si leurs névroses communicatives ne suffisent pas on agite le sceptre du chaos. Si on laisse les individus livrés à eux même ça sera l'anarchie. Vous perdrez plus de libertés encore à cause de la malveillance d'individus (dont ils seraient probablement). Mais l'équation est fausse. Pas de gouvernement, d'autorité unique et centrale ne veut pas dire que toute force de contrôle disparait. Des liens entre nous existent, des valeurs communes aussi, des expériences partagées, du respect, des intérêts communs, ... Tout cela fait une société et y insuffle forcément de l'ordre, des codes et une éthique donnée. Il nous est dit que ce sont les gouvernements qui permettent la société. C'est faux. La société précède le 'besoin' d'un gouvernement. Et cette société sans gouvernement si elle est capable d'en créer un c'est la preuve qu'elle est déjà avant capable de s'organiser pour tenter de se dépasser, pour œuvrer pour le bien commun, que ce n'est pas la chaos promis.

Mais oui sans gouvernement le chaos nous apparait davantage. Il était là pourtant mais le monolithe qui nous donnait une illusion de contrôle et de compréhension des rouages de la société disparait. On se retrouve face à une entité mouvante, changeante, moins prévisible, moins manipulable. Outre que cela doit contrarier les plans de certains cela remet en cause la position que l'on pensait avoir dans un monde en apparence bien délimité et explicable. Mais c'est ton problème ça, c'est sur toi qu'il faut travailler pour accepter la réalité comme elle est plutôt que de vouloir la faire rentrer de force dans une bureaucratie, des processus, des sigles, etc pour pouvoir calmer tes angoisses face à la complexité du réel.

Nous vivons parfois des situations où le vernis de notre société s'effrite, où ce n'est plus ce que pense untel ou untel qui compte, ce n'est plus ce que dit telle règle mais où c'est le passage à l'action maintenant et tout de suite qui prédomine. J'imagine que c'est dans les moments de crise et de panique, de baisse de l'emprise du gouvernement sur nos esprits que notre vraie nature de vilains se révèle, que nous prouvons que notre seule survie compte et que nous sommes prêts à toutes les bassesses.

Et bah... que dalle.

C'est au contraire dans ces moments là que face à la paralysie des organes gouvernementaux ou leurs ridicules réactions la plupart soudain se réveillent, passent à l'action par eux même, s'organisent spontanément, œuvrent pour le bien du plus grand nombre et réalisent les plus grands exploits. Nuls doutes que 30 ans plus tard ce sont d'eux d'ailleurs qu'ils seront les plus fiers encore.

Des dizaines de personnes mobilisés pendant des jours pour notre indépendance pour l'eau;
Des dizaines avec leurs neuvos dans le smog glacé pour limiter les dégâts d'un black-out tandis que d'autres risquent leur vie pour en apprendre plus;
Des dizaines organisant le secteur pour prendre soin d'un groupe d'expéditionnaires revenu à moitié mort, délirant et poursuivi par les bêtes les plus immondes jamais vues;
Des dizaines réunis pour faire face à Aeron Chain, attendant des heures tassés dans une pièce exiguë pour protéger les corps des plongeurs qui risquaient leur esprit face à l'IA;
Des dizaines allant en SI aider à refermer une porte et limiter l'entrée de monstres;
Des dizaines oeuvrant pour sortir d'un trou une poignée d'individus;
...

J'ai vu toutes ces fois là et d'autres encore ce dont l'humain est capable lorsqu'il n'est pas anesthésié par sa routine, par les discours sur son incompétence, par la délégation de son destin à un gouvernement qui va gérer pour lui, lorsqu'il est acteur lui même pour le bien commun. Toutes ces fois là l'existence d'un gouvernement ne comptait plus, il aurait aussi bien pu ne pas y en avoir, et toutes ces fois là ce ne fut pas le chaos, au contraire ce furent les plus belles démonstrations de nos forces. Rien dont avoir peur mais au contraire tout dont être fier et dans quoi être confiant.

Pour terminer : quand bien même mon cher lecteur tu serais toujours enclin à penser qu'un gouvernement est nécessaire - et pour des motifs autres que pour diminuer notre peur - interroge toi sur ceux qui peuvent exister en SR, aux limites structurelles imposées par les outils que nous avons et aux effets pervers du seul mode de gouvernement qu'elles autorisent. Ce type de gouvernement répond il au problème ? En créait il davantage ? Accentue-t-il nos divisions ? Amène-t-il des individus à l'inaction ? A l'amertume ? A la défiance ? A la non coopération ?