" Le corps se débarrasse de notre tristesse grùce aux larmes, mais notre esprit, comment fait-il ? "
Plic .. plic ... ploc ...
Complainte douce-amĂšre des gouttes de pluie qui se meurent sur des fenĂȘtres sales, jouant ainsi la litanie de l'effondrement. Parfois, si l'on tend suffisamment l'oreille, un ronflement permanent perce le silence qui rĂšgne depuis quelques annĂ©es dans cette maison aux couleurs chaudes, devenue si froide avec le temps. Une Ăąme erre encore entre ces couloirs, Ă la recherche des bouts de souvenirs qu'elle pourrait grignoter afin de combler le vide immense qu'Ils ont laissĂ©s.
Aujourd'hui, il pleut. Mais comme chaque jour depuis bientÎt trois ans, l'Ombre elfique prend son parapactum et déambule dans les rues de la Cité Dreadcastienne encore endormie, sous les néons vacillants de certaines enseignes mal-entretenues.
" Un pas pour toi .. un pas pour toi ... un pas pour .. toi ... "
Refrain incessant d'un esprit tourmenté par le deuil et la dépression, ses jambes la traßnent inexorablement jusqu'aux jardins du Parc Impérial, comme une habitude solidement ancrée. Encore, toujours, encore ... L'Elfe, une fois à l'abri de la pluie acide, retire ses bottes et pose son parapactum à l'entrée, solennelle dans les gestes. C'est d'une démarche molasse et pesante, pieds nus foulant le gazon synthétique, qu'elle rejoint ses filles tant aimées. A l'écart des sentiers de marche, derriÚre un grand rocher zébré d'innombrables noms inscrits à la lame par de jeunes couples ou des amis qui n'en sont probablement plus, deux petits cénotaphes ont été érigés à l'aide de vieux bouts de bois, ficelés d'une fine cordelette, chacun d'eux gravés des initiales suivantes : A.V. _ N.R.
â â â
Ploc .. plic .. plic plic ...
Les jours se succÚdent, identiques. Un cycle qui recommence, éternel, une fatalité qui n'a de nom que la Vie. Impitoyable.
La pluie s'abat au rythme des battements d'un cĆur elfique trop fatiguĂ©e, et les ronflements jadis rassurants deviennent une mĂ©lodie funeste difficile Ă Ă©couter. Mais la solitude est la pire des amies, arrachant le cĆur des malheureux qui ont osĂ©s l'effleurer d'un peu trop prĂšs, simplement parce que le souffle leur manquait. L'Elfe caresse l'isolement du Monde du bout des doigts, un geste lourd de sens mais quelque chose la retient, l'empĂȘche de sombrer dans le nĂ©ant le plus total d'une poigne ferme et rĂ©confortante.
" Je suis trĂšs heureux d'avoir fait ta connaissance, Nel'. "
â â â
Plic .. plic ...
Fuyant cette maison dont le passĂ© et les mĂ©moires hantent les moindres recoins, c'est devant l'Ăątre d'un appartement plus vivant que la Dame d'Argent prend un peu de repos. Mais le manque n'est jamais trĂšs loin, il rĂŽde autour, pourtant toujours chasser par l'ami qui devient Protecteur. Rempart Ă sa mĂ©lancolie linĂ©aire, Il se fait Gardien de la flamme durant la tempĂȘte, soufflant sur quelques braises lorsque le feu semble s'Ă©teindre. Les liens se tissent, s'entremĂȘlent, plus solides tant les jours passent et s'enchaĂźnent. AmitiĂ© inĂ©branlable, l'amour effleure les cĆurs platoniques dans une relation qui les retient, les maintient en vie.
L'Histoire continue de s'Ă©crire, discrĂštement, entre deux lignes.
" Je ne m'en servirai jamais contre toi, Nelwenn ... "
â â â
" Gardien, prends en soin ... "