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XVIII. Le sens de l'Honneur
PTI 17092019 - Secteur Marran
Une soirée comme les autres. C'est ce que cela devait être à l'origine. Simple, efficace, rythmée par l'adrénaline d'une nouvelle mission en plongée. Jusqu'à maintenant mes missions c'étaient bien déroulées, sans embûches majeurs, je prenais enfin le rythme d'une véritable plongeuse. La néophyte était maintenant un peu plus loin derrière, je prenais de l'expérience, et je tâchais de ne pas perdre de vue que la matrice restait un endroit mystérieux, gorgé de dangers. Cependant, ce soir-là je n'avais pas vraiment eu le loisir de m'épancher sur le problème, l'Empire était en guerre, et on avait besoin de toutes les forces disponibles. Ainsi donc j'étais appelée à servir, comme plongeuse. Comme apprentie du Cerberus.
Je suis chez moi, à réviser une énième fois mes programmes embarqués. Une chose que je n'avais vraiment appris à exploiter qu'au contact de mon mentor, Kemelvor, je ne connais toujours pas l'étendue de la mission, mais j'en devine très certainement l'orientation. Les cycles passent et je sens cette fébrilité qui monte en moi. Oui je suis fébrile. Comme à chaque fois que je me branche à une rampe. Chacune de ces expériences m'émerveillent et malgré la douleur, malgré parfois le stress et la peur, je n'ai jamais envie d'y renoncer, au contraire. Je ne demande pas mieux que de retourner encore, et découvrir de nouvelles choses. Mais ce soir, les choses ont pris un tournant cauchemardesque.
PTI 17092019 - Cerberus
Le cycle T est arrivé, je me faufile dans les installations du Cerberus, portant toujours ma tenue de plongée, un Glukoz bien caché dans la poche latérale de mon futal. Un vieux réflexe que mon précédent mentor m'avait inculqué et qui ne m'a jamais quitté. Yang, et sa paranoïa de la sécurité, m'a bien servie jusqu'à maintenant. Je m'approche lentement de la fameuse salle contenant les nombreuses rampes de plongées. J'aperçois de nombreux visages maintenant connus. Ceux avec qui je plonge majoritairement depuis le début des attaques sur la matrice Impériale. Je ne peux m'empêcher de ressentir un sentiment d'appartenance, comme à une famille. Oui, je fais un peu partie de leur famille, moi qui n'est là qu'à peine depuis plus d'un an. Ce que le temps passe vite tout de même. Tout le monde se rassemble et Kemelvor prend à nouveau la parole, faisant le briefing d'usage sur la mission qui nous attendait.
Je reste là, plantée debout, à écouter minutieusement les directives. Mon attention portée sur Kemelvor. Les cycles minutaires défilent, il nous assigne chacun un rôle. Le signal est enfin donné, six plongeurs s'installent alors sur les rampes. J'approche de la mienne, concentrée, je m'y installe. Combien de fois j'ai répété cette routine? J'attrape les câbles des moniteurs médicaux que je branche à ma tenue, je tâtonne pour le câble mâle que je viens soudé à la prise datajack femelle de mon Conex Umbra. Dernières vérifications d'usages, je transmets les programmes embarqués que je souhaite utilisé durant la mission. Je m'allonge, fixant le plafond. J'inspire et expire, en contrôle malgré la fébrilité commune. Je signale alors à l'opérateur, à demi caché derrière les nombreux écrans de l'Interface Tactique, que je suis prête. Mes compagnons ont fait pareil. Dernier signal. La plongée se lance. Le cauchemar commence.
PTI 17092019 - Cerberus 21CH30 - Matrice Impériale
Le cauchemar. On ne sait pas quand il survient. Ni comment. Cela devait être une plongée assez simple, et pourtant il en était tout autre chose. Les premières étapes se déroulèrent sans embûche. Nous, la fine équipe, étions alerte et confiant en notre mission. On commençait à connaître les habitudes de notre ennemi, Psycho Animo. On savait parfaitement qu'il ne fallait pas la sous-estimer. Les cycles minutaires passaient, on progressait, lentement mais sûrement. On devait être efficace et limiter les pertes, le plus possible. Mais ce soir là, on eut cru que la matrice était peu encline à nous laisser tranquille. Peu encline à nous laisser agir.
La situation dégénéra rapidement. Sans que nous comprenions, sans qu'on s'y attendent. Les soucis commencèrent à s'empiler les uns après les autres et les premiers shunts survinrent. L'équipe se fragilisa, mais il était hors de question d'abandonner. La mission devait être menée à bien. Je restais vigilante, alerte, alors que je ressentais une sourde inquiétude sur les événements. C'était une première. On sentait l'idée d'un échec se concrétiser beaucoup trop rapidement. Lentement la fine équipe se désintégra, un à un. Alors qu'il ne restait plus que moi et une consoeur, l'opérateur choisi de nous récupérer. Provoquant un shunt forcé.
Pour la première fois de ma vie, je connus le Shunt. Mon retour à la réalité fut brutal, désagréable. Pourtant les dommages beaucoup moindre que si le shunt avait été provoqué par l'assaut d'un programme ennemi. Néanmoins, allongée sur la rampe, à demi-consciente, je devinais que les autres plongeurs n'étaient pas en meilleur état. Et le cauchemar ne faisait que commencer. Alors que nous pensions que cet échec était le seul dur rappel de la matrice à nos esprits, nous tombâmes très rapidement en état d'alerte au sein même du Cerberus.
Je vous tiens!
Peu de mots. Lourds de sens. La réaction fut instantanée. Je me souviens vaguement de l'agitation de l'opérateur, des gardes présents. L'ordre d'évacuation tomba, urgente, pressante. Mais comme certains de mes confrères je n'avais pas la force de me tenir sur le champs sur mes jambes, à peine émergée. C'était trop bref comme répis. Mais le temps pressait. On sentait cette fois que l'ennemi avait fait une percée, sans que nous comprenions comment. Évacuer. C'était tout ce qui comptait à cet instant. Le Sergent Syiane s'approcha de ma rampe, je me débranchai rapidement et elle me souleva. Je me souviens avoir vu vaguement l'évacuation en cours. Mon esprit assimilait à rebours, au ralentit.
Entraînée à l'extérieur, je me souviens d'avoir sentie la brise et le smog me souffler, me donnant un léger coup de fouet. Je ne savais pas où on nous évacuait, tout était assez chaotique. Pendant un temps je me demandai si je n'étais pas encore en Orion. L'adrénaline, l'action, ça me rappelait mes racines. Mais ce soulagement fut de courte durée. Très courte durée. Tout se passa très vite.
Je sentie qu'on me soulevait. On mit quelque chose autour de mon cou. Ma vue a été voilé dans un même mouvement et rudoyée, on m'immobilisation sans aucune sommation, les mains dans le dos. Je grognai. À peine une heptade plus tôt j'avais connue un destin similaire aux mains d'un détraqué. Ça recommençait, mais cette fois, j'ignorais entièrement qui en était l'auteur. Le silence était complet. Les gestes puissants, maîtrisés, professionnels. Je n'avais aucune chance de m'enfuir dans mon état.
Les cycles minutaires défilaient, j'étais traînée de force, je n'ai jamais pu savoir où, et visiblement mes ravisseurs n'entendaient pas de me renseigner sur ma situation. Je me montrai alors patiente, sentant toutefois au fond de moi que j'étais en danger. Une partie de moi savait que cette fois, ce ne serait pas un dommage collatéral d'un criminel à l'esprit un peu tordu. Non. Cette fois, trop de choses semblait entrer en jeu.
PTI 17092019 - Quelque part dans Dreadcast
Le chemin m'a semblé long, très long. Il m'était toujours impossible de déterminer où je me trouvais, cependant, je compris très vite qui et pourquoi. Un SAMUS me conduisit dans ce qui semblait être une cellule. Je le sus car on me retira très vite le bandeau qui couvrait ma vue. Cependant, alors que je tentais de communiquer avec mes proches, avec les autorités je remarquai très vite que cela m'était devenu impossible, sollicitant mon Conex. Cette découverte me fit serrer les dents, l'équipe avait du s'apercevoir de ma disparition. Et je ne pouvais pas les aider. Je m'efforce au calme alors que je sens mes chances d'être secourue ou de filer s'amoindrir à grande vitesse. L'un des SAMUS vint alors dans mon champs de vision et je le toisai du regard.
J'étais capturée par l'ennemi et je n'attendais pas me montrer tendre, ni même inquiète devant eux. Mes traits se durcirent au même instant que mon coeur se referma, comme mon esprit. Ils n'auraient rien, je ne leur donnerai rien. Mais le véritable cauchemar, le plus cruel et insidieux allait commencer. Et malgré tout, je n'étais pas prête à cela.
Naurestel Valcias, ID 68207, vous êtes accusée de crimes envers
Emperor et son Excellence. Qu'avez-vous à dire pour votre défense?
J'ai fait mon devoir de Citoyenne de l'Empire!
Nous recherchons le Reliquaire. Où est-elle?
Je ne sais pas de quoi vous parlez.
Où est Allyn!
Je ne connais personne de ce nom.
Et je restai obstinément muette. Cela frustra grandement les deux SAMUS qui tentèrent de m'arracher la moindre information. J'étais calme, je les fixais intensément. Parfois je me montrais particulièrement mordante, la fibre Rebelle reprenait le dessus et personne n'allait m'en vouloir de me montrer ardente. Néanmoins, je n'étais pas en position de force, et ils me le rappelèrent très vite. Cela se traduisit d'abord par quelques coups bien placés. Je ne suis pas une combattante, et ils m'avaient presque cueillit sur la rampe, de ce fait je ne portais que mon précieux équipement de plongeuse, je n'avais rien pour me défendre. Mais je n'avais toujours pas l'intention de céder. Agacés, l'un d'eux ordonna qu'on rapporte quelqu'un qui m'était cher, et je protestai vivement. Le manège repris assez vite. Ils me questionnaient et je refusais de répondre. Je refusais de tout mon être de trahir l'Empire.
Je serrai les dents, la mâchoire crispée. Je me doutais imperceptiblement de la suite, ils ne s'en cachaient pas. Si je refusais de parler, ils allaient tout faire pour que je cède ou que l'autre cède. J'ai du me faire violence à maintes reprises, ce qui allait se produire, je le savais, allait contre mes principes moraux. Je me trouvais au coeur d'un dilemme où aucun des choix n'était parfaitement gagnant. Le temps s'écoula et je constatai très vite à quel point ils étaient déterminés à avoir des réponses. Un corps fut introduit dans ma cellule, yeux bandés, immobilisés, il était inconscient, mais je reconnu très vite les traits. Je gronde tout bas, alors que pour le réveiller le SAMUS lui envoie un coup de pied dans les côtes. Plutôt efficace.
Le second prisonnier s'éveilla dans la douleur, il ne comprenait pas trop ce qui se passait, mais moi j'avais tout compris. Et je me sentis obligée de le mettre en garde rapidement. Celui-ci était désorienté, tout comme moi, il n'avait aucune manière de se repérer.
Nau'?
Casey... On a été enlevé. Quoi qu'il arrive.. Ne dis rien!
...
Bref silence. La tension montait dans la petite pièce confinée. Je savais que je commençais à les énerver. Casey fut rapidement amené ailleurs, et moi, laissée seule avec l'un d'eux je me retrouvai redressée brutalement sur mes jambes. Je tentai vainement de me débattre, j'étais épuisée. Épuisée par le shunt et la plongée, et mes nerfs rudement mis à l'épreuve par ce qui semblait être un interrogatoire interminable. Brièvement, j'entendis un cri de douleur qui me fit me crisper. Mais je n'avais pas le temps ni le loisir de m'inquiéter. On me plaqua contre le mur, ma joue brièvement contre la parois. Tout se passa si vite. Je me souviens vaguement d'avoir entendu. " Les yeux d'Adèz" On m'enfila quelque chose sur la tête, et je sentis trop tard le déclic de ma prise datajack à ma nuque.
Sans que je ne puisse comprendre comment cela était possible, ni pourquoi, je me sentis aspirée. Mon corps faiblit aussitôt, vidé de sa conscience. Je m'affaissais mollement, incapable de tenir la position et mon esprit catapulté arriva dans un endroit étrange. Ce qui se passa ensuite ne pouvait pas s'appeler l'Enfer. L'Enfer lui-même aurait été plus doux que ce qui m'arriva en ces instants. Ma conscience arriva dans un environnement. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre que je n'étais plus... Bref L'interrogatoire se poursuivit, impitoyable, et je continuai de me taire. Agacé, mon hôte commença par me faire sentir quelque chose qui s'agrippait à moi, de la vermine, rampant, grouillant, envahissante. Je fis ce que n'importe quel plongeur aurait fait en pareille circonstance.
Je tendis les doigts et je me concentrai, je me focalisais sur le codage d'une purge. Mais l'ennemi semblait avoir tout prévu. Absolument tout. Alors que je fournissais cette effort, je la sentis vaine, me glisser entre les doigts, en perdre le contrôle. Rien ne se produisit, sauf la moquerie de mon tortionnaire. Il recommença à m'interroger, essayant de m'amadouer, et je refusai obstinément de livrer les informations. Ironiquement... je n'étais pas loin de dire la vérité en disant que je ne savais rien. Mais ça, seule moi le savait. Je fus alors brûlée vive. Je sentis la douleur intense me dévorer, me faisant crier de douleur dans cet univers. Je vins à souhaiter intérieurement de mourir. Une cuve... et je serais libérée, chez moi.
Nouvelle série de questions, nouveau silence de ma part. Une évidence commençait à s'imposer à moi. Je n'allais pas mourir. Ils n'avaient pas l'intention de me faire cette fleur. Et comme je n'étais pas coopérative, cette fois mes os se brisèrent un par un dans ce lieu étrange. Chaque bruit écoeurant d'os qui se fracture se voyait accompagner de mes cris agonisants. Et pourtant, dans la réalité de la majorité des Dreadcastiens, j'étais seulement gisante au sol, inerte. Personne n'aurait pu deviner ce qui m'arrivait. Et si seulement...
Brisée, je gisais aussi dans cet autre univers. J'en avais marre de la douleur, marre de souffrir, mais je savais que je n'avais pas le droit de trahir. Trahir aurait signifier irrémédiablement des conséquence catastrophique pour l'Empire. Et l'Empire était désormais ma terre d'accueil. Mon esprit vacillait et pourtant je refusais d'abandonner. Je n'allais pas céder. Jusqu'à ce que...
Hou...
Brisée, au sol, je sentis mon coeur s'arrêter brusquement dans ma poitrine. Un cri d'agonie, cette voix. La peur s'empara de moi, violemment avant de refluer et de devenir une colère noire.
Hou...
Encore ce cri d'agonie. Kemelvor agonisait sans que je ne puisse le voir. Et voyant pour la première fois une faille s'ouvrir en moi, mon hôte en profita largement. Il reprit son interrogatoire, long, insidieux, je restais silencieuse, toujours, mais les cris d'agonies s'intensifiaient. On me tança alors d'être une bien mauvaise apprentie. Qui laisserait son mentor agoniser de la sorte? Qui l'abandonnerait comme ça à la mort? Je pleurais chaudement, en douleur et impuissante alors que je fis le choix conscient de le sacrifier. Une part de moi se disait que c'est ce qu'il aurait voulu.
Ce qui est utile à beaucoup, l'emporte sur le désir du petit nombre...
Tu es entrain de tuer ce cher Kemelvor...
La douleur s'intensifiait de plus en plus, tout comme les cris de mon mentor, me brisant le coeur, me fendant l'âme. Je commençais à le croire, je tuais Kemelvor, la mort dans l'âme. Puis brusquement tout s'arrêta. Le noir m'emprisonna, et je ne sentis plus rien, brusquement coupée de tout.
Dans la dure réalité Dreadcastienne, on venait de me libérer de ces fameux yeux. Insatisfaits. J'avais sans doute gagner une bataille importante, mais j'ignorais encore cette victoire, et j'ignorais encore les conséquences de mon silence. Plus rien ne répondait chez moi. Qu'en était-il de Casey? Il était toujours vivant? Comment réagirait les gens à la mort de Kemelvor? Comment le prendraient-ils sachant que c'est moi... la responsable? Il y aurait tant de questions. Peu de réponses.
Les cycles étaient passés, je ne savais toujours pas si on me cherchait, à ce stade, je ne savais plus rien, mon esprit fragmenté, mon corps complètement vidée de ses forces, on me jeta sans doute dans un autre lieux, loin. Comme une ordure. Je ne sus qu'en reprenant conscience qu'on m'avait retrouvée. Mais je n'étais pas au bout de mes peines... car maintenant je sentais la présence constante des yeux d'Adèz.
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📖Vita Vulturis
20 Octobre 2019
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◊ Commentaires
-
Casey (499☆) Le 23 Octobre 2019
Event, joliment retranscrit.