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XVII. Cette fois elle est morte.
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PTI 10092019 - Secteur Marran - Domus Imperatoris
Qu'on me trouve... C'est tout ce que je souhaite. La douleur lancinante parcours mon corps déjà mutilé, meurtri. C'est un souhait cher, et un espoir vain, fugace. Cependant il subsiste encore. Je me souviens encore, vaguement de mon cri de douleur. M'a-t-on entendue? La réponse vint assez rapidement. Alors que mes tortionnaires avaient pris la fuite, avalés par le smog, des pas pressants se firent entendre sur le parquet. Précipités, alertés. Mon esprit embrumé ne pouvait pas déterminer si ce n'était qu'une personne ou bien cent. J'étais là, lamentable, à me battre pour rester vivante.
Par Hujan! Ne bougez pas, j'appelle de l'aide!
De l'aide. Qui m'a trouvé? Dans un certain effort j'ouvris les yeux pour voir qui était cette aide providentielle. Tout ce que mon esprit arrivait à associer c'était une voix de femme. Une voix profondément inquiète. La vue brouillée, je ne vis qu'une chevelure rouge s'éloigner un moment, à la hâte. J'avais déjà gagné une bataille. Je ne serais plus seule. Maintenant, je devais tenir bon. Mon corps tremble je le sens, il fait froid, j'ai mal, mais je n'ai pas le droit d'abandonner. Le pire sans doute est passé ou du moins je l'espère. Je venais de servir de jouet, contre mon gré, et de dommage collatéral. Pour qui? Pour quoi? Je ne savais pas encore exactement.
La jeune femme revint bien assez tôt. Je la sentis tout près de moi plus que je ne la vis. Toutes mes forces concentrées à ne pas claquer. Je sentis qu'elle tentait de me libérer des clous qui comme un saint crucifier me retenaient au mur.
Tenez bon, les secours vont arrivés!
Mal...
C'est tout ce que je parvins à prononcer pour le moment. Et cette voix avait eu raison. Une foule débarqua très vite, le brouhaha s'installa rapidement autour de moi. Entre les exclamations d'horreur de voir mon corps de vautour nu et ensanglantés, cloué sur le symbole de l'Empire. L'indignation, la consternation. Tout se passa si rapidement. Des voix, tellement de voix m'envahir alors que je restais bêtement là, à refuser de mourir. Alors que je sentais des mains sur moi, à tenter de me dégager, j'entendais vaguement les conversations autour de moi. Je captais un mot ici et là.
Vite
Enquête
Crime odieux
Blasphème
Terrorisme
Quelqu'un eu la bonté d'âme de me couvrir temporairement, d'un manteau, alors que j'étais enfin décrochée de ce mur infernal. Je n'avais plus aucune force pour me tenir sur mes jambes. Mon corps refusant systématiquement de répondre correctement. La douleur était trop vive. Un faible gémissement traversa mes lèvres alors qu'on m'allongeait sur une civière, toujours couverte du manteau. Je ne sus jamais à qui il était, mais une part de moi lui était reconnaissante. Quelque part, mon esprit eut assez de lucidité pour entendre un cri. Déchirant.
NOX!
Cette voix, je la reconnais. Lux. Mon coeur se serre, il m'a trouvé aussi, trouvé dans ce moment effroyable. Ne t'inquiète pas mon amour, je ne vais pas mourir. Comme j'aurais aimé avoir la force de prononcer ces mots-là. Susurrés afin de l'apaiser, de le rassurer. Mais je ne peux pas. Pas encore. Je l'entends indistinctement qui s'insurge, qui rage devant ma mésaventure d'un soir, alors que moi, je suis amenée de toute urgence à l'Hôpital Impérial.Je me rappelle vaguement la sirène vrillante dans le smog.
Arrivés enfin, on me décharge, je vois vaguement le ciel lourdement couvert de Marran. Je vois le plafond blanc et épuré de l'Hôpital. Les voix continuent de me bercer, alors que je reste consciente. Une digitale capte à peine mon attention.
Patiente ID 68207... multiples lésions, brûlures. Amenez-la au bloc.
Très bien. Il faut la stabiliser, ses blessures aux mains sont importantes.
Je divague un peu alors que je vois les néons passer au-dessus de moi à toute vitesse. Des souvenirs déplaisants remontent à la surface, me rappelant cette fameuse nuit en Orion, où celui que j'avais aimé d'un amour sincère en était venu au point de me haïr jusqu'à me torturer. L'avais-je mérité? C'était une question rhétorique qui dépendait de bien des points de vue. Mais aujourd'hui, je savais que j'avais été garce de toucher cette corde sensible qui l'avait rendu fou de rage. Ce jour-là ma vieille étiquette en Orion n'avait jamais été plus forte.
Cependant les temps changent, comme les gens, et j'étais prête à ne pas commettre les mêmes erreurs. Je suis alors au bloc, les médecins, les internes, tous s'affairent autour de moi, et j'arrive à peine à comprendre ce qui se passe réellement.On me soulève, me transfère sur le billard. Une parole vint alors me ramener, moi et une vague inquiétude.
Il faut l'anesthésier.
Non...
Calmez vous Naurestel, vous êtes à l'HI. Tout ira bien, vous êtes courageuse.
Et cela suffit. Brièvement. J'obtempérai et on plaça rapidement le masque qui recouvrit mon nez et ma bouche. On m'incita alors à respirer, profondément, et je le fis. Je sentis le curieux gaz s'infiltrer dans mes poumons, et tout doucement je perdis pieds avec la réalité. La pièce valsa, je fermai les yeux et mon corps s'affaissa sur la table alors que j'étais plongée dans un sommeil médicamenté. Je ne sus pas trop combien de temps j'avais été là, à la proie des regards, des mains bien attentionnées, je ne sus pas non plus ce qui se passait ailleurs dans cet hôpital. Est-ce qu'Alex allait bien? S'occupait-on de lui? Je n'eus conscience de rien, pendant cet instant, j'avais un répit salutaire. Et j'avais gagné ma deuxième mission. Survivre.
Lorsque je fus hors de danger. Soignée. On me transféra à nouveau. Cette fois dans une chambre privée. On m'installa dans un lit, effectua quelques branchements puis on me veilla. J'étais encore loin de savoir la commotion que mon agression avait provoqué. J'étais toute concentrée à présent sur ma troisième et quatrième mission. Guérir et tuer la victime. Le temps passe et mon esprit lutte pour émerger, reprendre le dessus. J'ai encore à faire, beaucoup à dire et encore... des gens à rassurer. Le temps s'écoule au compte goutte, une à la fois comme la perfusion à mon bras, lentement, je sens que je reprends des forces. C'est le silence le plus complet autour de moi, et pourtant je devine que je ne suis pas seule. Je lutte encore, toujours pour reprendre mes esprits et au bout de quelques efforts, je bats enfin des paupières.
La lumière crue de la chambre m'agresse un peu. Je plisse le regard cherchant à m'habituer. Mes sens s'éveillent alors que le bip régulier du moniteur cardiaque vient me bercer. Que m'est-il donc arrivé déjà? Ah oui... Je sais. Je bouge un peu, par pur réflexe et je sens du mouvement autour de moi.
Elle se réveille... Naurestel comment vous sentez-vous?
J'ai connu mieux. Mais ça va...
Bien. Reposez-vous. Le Commissaire aimerait vous rencontrer pour prendre votre déposition.
Vous le ferez lorsque vous en aurez la force.
Faîtes le venir maintenant. Je ne veux pas attendre. Je ne veux pas oublier le moindre détail de cette soirée.
Je me redresse un peu, afin de m'asseoir dans mon lit, les gestes sont encore mal assurés, mais je n'ai pas l'intention d'attendre, ni de m'apitoyer. Je reconnais bien vite le Docteur Nihil, je lui adresse un sourire, qui je l'espère, sera rassurant. Elle vint pour protester, je sors du bloc. J'insiste néanmoins lui rappelant l'importance de fournir les informations pour que le Cercle de l'Orient puisse faire leur travail efficacement. Elle cède enfin et quitte la chambre pour faire venir le Commissaire Killiann. Je tourne alors légèrement le regard et je l'aperçoit. Mon mentor. Le grand Hou assit dans un fauteuil, son bâton contre lui, alors qu'il m'observe, une pointe d'inquiétude dans son regard si souvent déterminé.
Je me sentis un peu rassurée par sa présence. Mais il était trop tôt encore pour moi de le rassurer, de m'ouvrir sur ma récente expérience. On toqua à nouveau à la porte et j'intimai d'entrer. Le Docteur Nihil s'engouffra suivit très rapidement par le Commissaire Killiann. Je ne connaissais pas bien cet homme. Je connaissais sa fonction, son travail, nos échanges n'avaient été que formels. Il s'avança jusqu'à moi et je le suivis du regard de mes abysses deux teintes. Il inclina la tête, avec respect et je fis de même.
Salve Naurestel. Merci de me recevoir aussi vite. J'ai quelques questions pour vous
Je lui assurai alors que j'allais répondre. Pendant près d'un cycle je me mis à la tâche. Je répondis, longuement, avec tous les détails. Sur tout. Les questions se multipliaient pour ensuite se tarir enfin. J'avais tout dis, rien omis. Et pourtant un soucis persistait. Je ne pouvais identifier qu'un seul de mes agresseurs. Le second, je n'avais pu qu'entendre la voix. Je proposai alors d'écouter des enregistrements et d'essayer d'identifier la voix. Mais on m'assura que pour le moment ce sera pas nécessaire. Il fallait que je me repose. L'Outri' me souhaita bon repos également et de ne pas hésiter de communiquer avec le personnel si j'avais besoin. Je lui assurai que j'allais le faire. Enfin, je me retrouvais seule, seule avec le vautour qui veillait toujours sur moi. Il se leva et s'avança vers moi, s'assoyant sur le bord de mon lit, tout près de moi.
Pardon, je ne voulais pas vous alerter.
Je ne suis pas en colère, je ne suis pas vexé de ce qui t'arrive. Je suis simplement inquiet.
Je savais en cet instant que je tenais enfin l'occasion de briser ce cercle vicieux, une bonne fois pour toute, et je la saisi. Je m'y accrochai de toutes mes forces. La conversation s'entama, je voulus m'excuser, il me rappela que ce n'était pas ce qu'il attendait de moi. Nous discutâmes encore, longuement, comme cette autre nuit où il m'avait fait part de son ressentit sur moi, que je n'étais pas cette cause perdue. Cette fois, il me fit comprendre mes erreurs, erreurs que j'avais commise une fois en Orion. J'écoutai, longuement sans chercher à fuir sans chercher à me dérober. Il m'invita à analyser la situation et cette fois, je trouvai moi-même l'erreur et la solution. Je formulai ensuite une promesse non-feinte à voix haute.
Je serai plus alerte, plus prudente à l'avenir.
J'ai confiance en toi Tenebris.
La conversation se poursuivit, naturelle, j'émis tout de même quelques craintes vis-à-vis de la réaction de mon mari. Comment allait-il réagir? Quel aura été l'impacte sur lui? À un moment Kemelvor mis fin à la conversation, non pas par lassitude, ou par ressentiment, mais il le répéta lui-même, je devais reprendre mes forces, on me libérerait le lendemain si tout allait bien. Je ne devais pas perdre de vue ce troisième objectif et je ne m'y opposai pas. Je demandai tout de même s'il resterait avec moi, simplement pour sentir un peu de compagnie, une présence. Il accepta. Je m'allongeai enfin. Puis, sans que nous sachions vraiment, l'un et l'autre, sans préméditation aucune, il se pencha vers moi, comme un père qui borde sa fille alors qu'il est l'heure de dormir. Il posa longuement son bec sur mon front. Le geste me surpris d'abord, puis m'apporta un réconfort que je n'avais plus ressentit depuis que je ne voyais plus ma mère.
Je ferme alors mes yeux. Une part de moi profondément touchée par le geste. J'avais accompli le quatrième objectif. Cette fois elle est morte. Et moi, je ne fais qu'avancer, comme une ombre dans les ténèbres.
Informations sur l'article
📖Vita Vulturis
12 Octobre 2019
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◊ Commentaires
-
Alexf (56☆) Le 12 Octobre 2019
Nuit d'horreur, mais une nouvelle naissance.
Petit a petit la "designée victime" mourrait, pour laisser place a une nouvelle vautour, plus forte, plus determinée, plus volontaire.
Elle qu'on a designée comme une victime, qu'on a enfermé dans cette fausse etiquette, se revele enfin.
Avec les nouvelles plumes, s'affirme un caractere que certains voyaient poindre derriere.
Lux -
Eaven (1181☆) Le 13 Octobre 2019
Une chance sur combien pour qu'Eaven débarque à ce moment-là ? Même quand on va vérifier les pass d'entrée il se passe des choses, nom d'un macaron ! -
Altyn (22☆) Le 13 Octobre 2019
j'ai lu celui la et le précédents et je tient a dire que je suis tomber amoureux de ta plume. Je m'abonne pour le prochain article