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XIII. Les murmures dans les murs

5/282.2 - 13CH48

La pluie tombait ce jour-là en rideaux incessants, le genre de pluie qui mange la lumière et absorbe le son. Les néons faiblissants des tours cybernétiques semblaient sur le point de se dissoudre, leur éclat englué dans le smog acide qui s’accrochait aux toits et rampait dans les ruelles. C’était une nuit où la ville paraissait plus vivante que ses habitants, où chaque battement des générateurs semblait être un souffle profond et calculé jusqu'à la rupture. C’est là, dans un taudis miteux, que je les ai trouvés : cinq figures en quête d’un savoir que personne d’autre n’aurait même osé imaginer.
Et moi, m’immisçant dans cet échange épistolaire.
L’Architecte dominait la scène. Il griffonnait des lignes sur des feuilles gondolées par l’humidité, ses doigts probablement tachés d’encre noire. "Tu comprends ce que nous sommes ?" me demanda-t-il, ses mots tranchant l’air comme un scalpel. J’ai acquiescé sans trop savoir pourquoi. Ce n’était pas de la compréhension, c’était une fascination brute. J’avais fui ma première vie pour des raisons que je n’ose plus formuler. Ce soir-là, je trouvai une raison de rester dans cette ville, même si elle était enveloppée de mystère et de danger.
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1/289.1 - 17CH21

Les jours gris n’étaient pas rares, mais celui-là semblait plus lourd que les autres. Les rues étroites déversaient une foule terne, leurs visages illuminés par des hologrammes publicitaires projetant des paradis de synthèse. Je n’avais pas vu l’Architecte depuis plusieurs années impériales. Quand j’ai poussé la porte d’un entrepôt abandonné sous une lumière grésillante, c’est son carnet que j’ai trouvé, posé sur une table bancale, un coin rongé par la moisissure. Les autres étaient là aussi, leurs murmures s’étouffant dès mon arrivée.
Ce jour-là, il n’y eut ni révélations ni serments grandiloquents. Juste une date : 1/289.1, tracée au centre de ce carnet comme un point gravé dans la pierre. "Un cycle," répétait une voix parmi eux, sans que je sache laquelle. Ils savaient. Mais moi, je restais en marge, observant ces génies brisés tenter d’assembler un puzzle dont ils ignoraient l’image finale. Quand je suis sortie de ce bâtiment, les tours me semblaient plus hautes, comme si elles observaient et attendaient un dénouement.
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2/296.5 - 17CH31

La coupure a frappé la ville comme un coup de massue. Les générateurs ont crié, les lumières ont expiré, et le silence, ce silence si rare dans une cité aussi bruyante, a une fois de plus pris le contrôle. J’étais dehors, fouillant entre deux complexes résidentiels. Le vent portait des cendres fines, des résidus de machines trop vieilles pour tenir le rythme.
J’ai ouvert le carnet pour la centième fois. La page était baveuse, mais je pouvais encore voir les croquis de l’Architecte : des tours, des lignes, une étoile qui se formait dans les marges. "Nous ne sommes pas ici pour rester," avait-il écrit, sa main tremblante marquant chaque mot comme une déclaration. Cette nuit-là, j’ai ressenti pour la première fois le poids du cycle. Pas une série d’événements isolés. Un piège. Une boucle qui se refermait autour de nous.
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4/327.1 00CH42

Le quatrième point, comme les autres, n’était qu’un bâtiment anonyme, une tour sans nom, dévorée par le temps et les réaménagements de la ville. Je suis entrée seule, respirant l’odeur métallique des circuits brûlés et des câbles fondus. Les ombres dansaient au rythme des lumières intermittentes.
Les autres étaient partis. Fuyant, ou franchissant ce "seuil" dont ils avaient tant parlé. Et moi ? J’étais encore là, serrant contre moi ce carnet comme une ancre, ma dernière connexion à ceux qui savaient. "Si tu lis ces lignes, tu es déjà trop loin," avait-il écrit. Il avait raison. Je ne pouvais plus reculer. Je ne le voulais pas. Les murs de la ville semblaient murmurer autour de moi, des bruits de circuits, des cris étouffés. Tout était vivant, tout était une menace.
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1/330.5 00CH39

La dernière date. Je suis retournée là où tout avait commencé, traçant mentalement les cinq points, l’étoile, la serrure. Une voix intérieure me hurlait de ne pas y aller, de laisser tomber ce qui avait déjà coûté tant de vies de mes camarades d'infortune. Mais je suis montée, chaque pas frappant les marches métalliques comme un marteau. La ville elle-même semblait m'observer, ses tours inclinées comme des prédateurs silencieux, ses hologrammes projetant des visages qui m’ignoraient tout en me jugeant.
Quand j’ai atteint le sommet, la vue m’a presque coupé le souffle. Les cinq points se dressaient devant moi, imposants et anciens, formant leur étoile maudite. Je savais que la boucle était bouclée. Quelque chose m’attendait, ou plutôt m’avalait. Je ne pouvais plus attendre. Si le cycle devait se refermer, alors je le briserais, quitte à y perdre la raison ou même ma puce.
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3/369.4

Aujourd’hui. La date s’inscrit dans ma chair comme une gravure sur un vieux circuit, brûlante et indélébile. Les néons vibrent d’un éclat étrange ce soir, une lumière plus froide, presque clinique, qui ricoche sur les murs d’acier et transforme la pluie en éclats de verre liquide. C’est dans cette lueur artificielle que la pièce manquante m’a frappée, brutalement, comme un code s’imposant sur un écran noir. Comme si cette lumière, pour une fois présente, me pointait une zone d'ombre jusqu'alors.
Cinq dates. Cinq événements. Et un lieu qui revient sans cesse, en silence, dissimulé dans les logs et les archives : ce bastion d’acier où les murmures des murs semblent résonner plus fort.
Cette IA m’a demandée d’éplucher ces données, sans comprendre ce qu’il lâchait entre mes mains. Je n’avais jamais regardé dans cette direction auparavant. Pourquoi ? Peut-être que je n’étais pas prête. Peut-être que je refusais de voir. Mais tout converge là. Un détail oublié, une anomalie dans les cycles énergétiques de la ville. Un schéma d’impulsions, identique aux autres, qui pulse comme un cœur mécanique chaque fois que ces dates réapparaissent. Et ce lieu, ce pilier imposant et immuable, se tient au centre comme une sentinelle silencieuse.
Je ne crois plus aux coïncidences. Elle n’est pas qu’une forteresse gardant les débris de l’humanité. C’est un verrou. Une balise peut-être. Ou une faille. Je peux presque sentir les vibrations à travers mes doigts quand je pose la main sur ses murs dans mon esprit. Ce lieu contient une réponse, un fragment d’un schéma plus vaste, enfoui dans le béton et les protocoles oubliés. Ce n’est pas une prison, c’est une preuve. Et je ne suis pas sûre de vouloir savoir ce qu’elle garde vraiment.
Mais je dois y aller. Je dois voir. Chaque impulsion dans mes veines me pousse à avancer, à creuser, à arracher les masques de cette ville jusqu’à ce qu’elle crache sa vérité. Aujourd’hui n’est pas une date comme les autres. Aujourd’hui, c’est la fracture dans le cycle. Je sens que si je ne saisis pas cette chance, je resterai piégée ici, dans cette boucle sans fin, à jamais étrangère à cette "autre part" que mes camarades ont traversée. S’ils ont laissé cette trace derrière eux, alors je la suivrai, même si pour cela, elle doit me consumer.
« Ce que le temps oublie, les murs le chuchotent. »

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Contenu HRP.
Merci aux différents pions ayant pris un peu de temps pour fouiller aussi loin dans leurs FP et MP pour une vague annonce AITL !

◊ Commentaires

  • Billie (216☆) Le 30 Novembre 2024
    Olala, je suis noyée dans mes émotions.
  • Aexe (120☆) Le 30 Novembre 2024
    Chaque pas en avant et chaque regard en arrière laissent discerner ce qui ne devait être vu.
    Nul hasard ne règne ici-bas. *