EDC de Mazikeen~69430

Les déchets s’amoncelaient sur le sol dur et froid autour de toi.

L’air était glacial dans ce tout petit studio, à peine salubre, qui avait appartenu à celle à laquelle ton entraîneur, dormant dans le canapé, rêvait en ce moment même. Tu étais sale et gelée, assise sur le sol, ne laissant qu’une seule épaule s’appuyer contre le mur, l’autre ayant été sectionnée en deux par une lourde lame. C’était là que tu faisais ta convalescence, le cul sur la dalle, à observer la poussière sur la gazinière neuve et inusitée, ou encore la petite salle de bain sans porte ni rideau. Le canapé aussi avait vu des jours meilleurs, mais le bel homme endormi, continuellement endormi, ne semblait jamais s’en plaindre.
Tu souffrais, ça oui tu souffrais. Pas que physiquement. La fièvre te taraudait, et te maintenait dans un état de somnolence et de semi veille. Tu ne saurais dire combien de cycles, de jours s’étaient écoulés. Mais entre ton épaule et ton cœur, c’était le second qui était le plus atteint. Tu aurais préféré souffrir de bien d’autres maux physiques, plutôt que te sentir comme ça. Tu te sentais trahie. Tu te sentais abusée. Tu te sentais stupide. Tu t’en voulais. Et Cyrius sait que ce ne serait pas la dernière fois avant que tu apprennes ta leçon.
Mais ma grande, ne te blâme pas, car ce n’était pas de ta faute. On aurait dû te prévenir. On aurait dû te dire « Maze, le SI est peuplé de belles personnes en apparence. Mais leur cœur est plus noir que les ténèbres qui t’entoureront lorsqu’ils t’auront enfin pervertie. Ce que tu as de plus précieux, ils te le prendront. Ils te battront comme on bat de la vermine rebelle. Ils abuseront de toi et de ta bonne âme. Ils t’assureront avec douceur qu’il n’y a pas plus important pour eux que ton bonheur. Mais ils le piétineront dès que la plus belle occasion se présentera. Puis ils te promettront de te sauver, et lorsque tu auras besoin de leur main tendue pour te sauver, ils ne te reconnaîtront plus. »
Tu n’as pas pleuré, ma guerrière. Mais ton cœur saignait dans ton regard vide.

*

Voilà. Tu étais tout au fond à cet instant.

Tu avais cessé de vivre, cessé d’exister. Tu ne sortais plus. Tu étais si jeune, et déjà traquée, méprisée, détestée. Tu ne cessais de hurler, seule, dans la nuit « Pourquoi ? » Mais ma petite, si tu n’obtenais pas de réponse, c’est qu’il n’y en avait pas.
Te voilà, nauséeuse sur la pierre froide, étalée. Encore. Pas de blessures, si ce n’est le cœur déchiré davantage. Et tu verras avec le temps, que cet organe se déchire toujours plus, mais ne guérit jamais.
Cependant, cette fois, tu te sens coupable. C’est de ta faute, car tu as couru après une chose qu’il n’est guère question de posséder pour les gens comme toi : l’amitié. L’amitié est un prélude à la trahison. Tu le sais. Mais tu as voulu faire comme tout le monde. Et pourtant, d’écorché à écorchée, de trahi à trahie, que pouvait-il se passer ?

« Il est impossible de servir l’Empire sans œuvrer contre vous. »

Depuis lors, tu n’as jamais cessé de surveiller, de vérifier, de chercher. Tu as décidé que l’Empire serait le seul à avoir toute ta dévotion, car tu as compris que l’Homme est faible. Que l’Homme est grégaire. Que l’Homme ne suit jamais que le dernier qui aura pris la parole. Tu commences à saisir ta différence, toi qui analyses, qui tentes de comprendre, qui critiques, qui relis, qui réfléchis, et qui affûtes ta pensée.

Tu fais donc un choix, là, à présent allongée dans les draps, nue, le corps couvert d’un film moite, le bien-être sur le visage et dans le bas-ventre. Tu choisis ton avenir, le regard plongé dans des prunelles d’acier, ton cœur battant en contretemps avec le sien.

Tu décides que ton avenir, c’est l’Empire. Tu décides que c’est cet homme que tu aimeras. Et tu décides également qu’il n’y aura personne d’autre.
Plus jamais, Maze, tu ne seras faible. Tu seras forte, dure, lucide, vive, sévère.

Tes valeurs seront la discipline, le mérite, et la réussite.

Tu tendras éternellement tes poignets ruisselant vers la gloire des Enclism, sacrifiant tout de toi pour une cause bien plus grande que toi, que vous, que nous. Plus grande que toutes les blessures, que toutes les douleurs.

Plus grande que la vie.

Plus grande que l’amour.