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Quoti'd'naine : la prospectrice
Le 1/341.2 le clone de Mara se libéra du centre de cryogénisation de la même façon qu'il y fut enfermé: sans crier gare. Était-ce là sa malédiction? Celle d'une naine condamnée au trou noir de la cryogénie? Était-elle vraiment cryogénisée, ou était-ce là l'occasion de la monitorer temporairement, à son insu?
De cette pensée complotiste émergente, alors que les souvenirs se fragmentent après trente-cinq années de vide, Mara prit la résolution de ne plus jamais se laisser cryogéniser de la sorte.
Le secteur Marran avait peu changé physiquement. Les rues dont les tracés ne furent jamais remis en question par les autorités Impériales et les bâtiments vieux de plus d'un siècle désormais jouxtant les édifices modernes aux ouvertures plus grandes, témoignaient de l'entrée de Mara dans une autre société: un peu de neuf, beaucoup de vieux.
Cette société avait besoin d'énergie pour continuer de se développer, de transformer la matière en produit de consommation et de faire briller la lumière par delà les murs. La Rébellion n'était toujours pas vaincue et ses agissements maintenaient le secteur Marran sur le fil du black-out ; l'extinction totale de la lumière faute d'une production d'énergie suffisante.
Le rôle autrefois invisible de Mara, glaneuse de cristaux, recycleuse de déchets, bref, prospectrice d'énergie, était devenu un rôle plus essentiel encore dans le fonctionnement quotidien de la cité, mais tout aussi injustement rémunéré jugeait-elle.
Les occasions pour s'en plaindre auprès de ses compagnons en quête de fortune par la seule force de leur poigne et de leur patience ne manquaient pas. Ils n'étaient que les pions d'un vaste échiquier où c'était toujours les mêmes qui ramassaient la mise, les prospecteurs en bout de chaîne n'étaient au fond que les complices de cette machination capitaliste: le moindre cristal farin, le moindre déchet, n'était là que pour alimenter en crédits une caisse quelconque enregistrée auprès d'un cercle associatif ou d'une entreprise. Les crédits en sortaient peu, la naine les considérait comme perdu.
De tout cela, de toute cette énergie dépensée pour ramasser les miettes du consumérisme, Mara ne voyait qu'un problème: elle ne ramassait pas les miettes assez vite, ce qui rendait l'acquisition de son matériel lente, les limites de son savoir n'étaient repoussées que pour se confronter à plus de zone d'ombre encore et l'ingénieure ne menait la grande vie dont elle rêvait autrefois qu'avec deux repas complets par jour.
C'est dans ce contexte qu'elle se retroussa les manches et retourna encore une fois à la longue liste d'invisibles qui ont alimenté un jour dans leur vie le secteur Marran.
À la mémoire de tous ces noms oubliés dans le terminal des STV.
Les services techniques de la ville, domicilié au 164 rue imponite
Le quartier était animé et sa relative proximité avec le Cercle de l'Orient le rendait à peu près sûr. À peu près car ce n'était que le centre-ville après tout. Les tours étaient hautes, mais le bâtiment qui en imposait le plus était celui des Services Techniques de la Ville dont le bruit et la lueur évoquaient un poumon inspirant à l'infini. Un bruit bas, continue, dont le souffle est garant de Lumière.
Depuis quelques temps ce souffle toussotait, crachait, le poumon s'arrêtait et sa lueur bleue électrique disparaissait avec. La ville n'était alors réduite qu'à un conglomérat de bâtiments ouverts à tout vent. Des années de thésaurisation de riches propriétaires pouvaient bien s'envoler, les fauteurs de troubles s'intéressaient surtout au coup politique: un secteur aussi avancé que le secteur Marran! Victime d'une coupure d'électricité! Quelle honte! ; telle était l'essence indigne qui coulait dans les veines de ses habitants. Vous pouviez avoir des technologies dernier cri, des vêtements fait sur mesure, des bijoux taillés à la main et détenir des parcs immobiliers plus grand encore que ceux des agences immobilières, tout cela ne servait à rien si il n'y avait pas d'électricité.
Mara prospectait dans le quartier depuis quelques jours déjà, elle le trouvait intéressant: il y avait beaucoup de passage, notamment des personnes qui faisaient sa taille. Naine de génome, Mara n'aimait pas lever la tête pour parler aux plus grands qu'elle. Alors elle ne leur parlait que très peu, juste le nécessaire. Elle préférait passer le temps avec Volrak, un gobelin qui disait tout haut ce qu'elle pensait tout bas. Un crédivore de première, ambitieux, cynique et malin. Tout ce que Mara comprenait.
Ils passaient ensemble de longues heures à fouiller comme on dit dans le jargon. Mara préférait le terme rechercher ou encore recycler, qu'elle jugeait beaucoup plus honorables. Il n'y a que la merde qu'on fouille, pensait-elle. Dans cette manne - et d'autres diront cette merde – elle trouvait les solutions à la plupart de ses problèmes d'argent: des objets kittés dont les riches ne voulaient plus, des bouteilles vides que les STV voulaient et des composants utiles à ses propres expérimentations.
Sans parler des autres composants qu'elle réservait aux trafiquants de drogue.
Les plus lucratifs de ses fouilles.
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Mara
16 Août 2022
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