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📚 La folie des fioles 📚

Daniel Darc - Rouge Rose

Quand un métal brûlant forge les mots de l’autre, ils m’entaillent la peau.

Quand j’occulte l’intégrité de l’autre et que soudain, il se mue en persécuteur, des décharges électriques m’enflamment la peau.

Quand je m’alanguis dans des souvenirs idéalisés, les mots se font alors caresses.

Ma respiration se calme, mes doigts volètent sur ma poitrine haletante, j’attends, j’affecte un air distrait, je jauge l’écart des lèvres confidentes qui s’agrandit. Je baisse les paupières pour ne pas dévoiler mes yeux brillant d’impatience. Je ralentis mes expirations pour étouffer le sifflement de mes bronches.

Est-ce l’espoir de recevoir un présent qui m’exhorte à jouer l’enfant espiègle ?

Non, juste le flux de la vie, celle de l’autre qui deviendra mienne quand j’aurai happé son souffle verbal, son énergie vitale.

Avide entrebâillement sur une psyché complice.

Je me fais penaude, hésitante, à peine capable de comprendre l’acception des mots qui s’échouent sur le pavillon de mon oreille éveillée. Obsessionnelle, je saisis mon balai d’un geste leste et arbore un grand sourire devant un monticule de mots enchevêtrés. Dans mon regard perce l’éclat du triomphe. Je le scelle par un hochement de tête approbateur.

Vos mots ont juste effleuré ma conscience, me dis-je d’un air blasé, mais je vous remercie, quand même.

Je m’éloigne, me retourne instamment pour entendre quelques échos lointains. Je préfère les mots susurrés crépitant comme des céréales enrobées de miel.

Je hâte le pas, m’enferme dans mon manoir versicolore et allume la chandelle de ma table de chevet. Dans un silence olympien affluent à ma conscience les précieux mots qui sont devenus miens, ces délicats pétales qui tombent sur mon corps comme une pluie de roses. L’acception des mots s’est écoulée durant ma course. Je dispose à présent de quelques fioles dérobées de la bouche de l’autre. Je les ouvrirai une à une, les yeux fermés sur mon secret. J’en humecterai les lèvres dès qu’un sillon marquera mon front.

En aurai-je assez pour tenir longtemps ? Non, ne fantasmons pas sur mon caractère raisonnable. Insatiable, gourmande et assoiffée, je ne puis être autrement.

Je veux sentir vos mots soyeux apaiser mon moi enflammé et le vêtir d’une peau de satin.

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A la lettre
16 Septembre 2014
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