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EDC de L-X

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17 . "Winter is coming..."

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Allongée dans son lit, seule, une vieille elfe contemple l'accomplissement de son œuvre achevée. Derrière elle.
Assis dans sa bibliothèque, seul, un homme analyse le chemin qu'il a parcouru. Derrière lui.
Perchée sur un toit, seule, une gynoïde cherche à percevoir l'avenir en scrutant ce qui doit être un horizon. Devant.
Mais au delà du smog, il n'y a que l'orage.
Les éclairs zèbrent un ciel chargé de gris plomb dans lequel s'inscrit un agenda inéluctable qu'une enfant-robot essaie désespérément de nier faute de pouvoir le contrer. Elle y voit se dessiner avec un effroi l'anticipation d'un futur où la femme de glace va prendre la place de la Dame aux yeux d'argent. Elle sent se tendre, comme son ventre se tord, l'indicible fil rouge : ce lien étrange né d'un échange de regards, des yeux qui s'accrochent, la détresse de l'enfant blessée qui s'incruste dans une pupille miroir et y trouve l'écho d'une âme sensible à la grandeur plus qu'humaine. Un souvenir et un autre échange la ramène à des yeux glacés qui ne reflètent rien face à l'évocation d'une angoisse qui appelle à l'aide ou à l'attention, et qui ne rencontre qu'une indifférence marmoréenne. Tout au plus ces yeux ont-ils exprimé de l'agacement face au désespoir d'un homme qui a perdu la foi et se révèle encore coupable d'amour, dans un dernier instant, une fois sa rage épuisée. Un regard non mort mais non vivant. Non-humain en tous cas.
Elle frissonne mais le froid qui la transperce vient d'au-delà du monde physique. Un éther viscéral. Plombé. Saturnien.
Elix...Elix.... toi que je regarde depuis si longtemps.... c'est un revers pour toi, et tu vois poindre le spectre du pire sous ton regard....et tu trembles de peur et de dégoût... Pourtant.... le jour d'après, ta hargne reviendra faire naître ton courage.
Et la naine noire qui jamais ne s'arrête lui conseille de faire une pause. S'arrêter. Se placer là, un instant, immobile entre le passé et l'avenir et de ne plus bouger, ne plus ciller, ne plus penser.
Autant lui demander de mourir.
Elle n'a pas le temps de s'arrêter. Elle est déjà en retard sur le futur.
"Quand tu es pressée, assieds-toi". Voilà ce que lui répond la naine qui ne tient pas en place, qui a dix idées nouvelles à la minute pour changer le monde. Son amie au long passé qui a vécu tant de Dreadcast, qui a vu se succéder tant de femmes et s'effondrer tant d'hommes ou l'inverse, qui fut et qui est encore. Son facteur-chaos, son électrochoc ambulant, sa copine dynamo...
La gynoïde soupire et, durant un instant, elle envisage de se mettre en veille. Un instant, elle pense à laisser tomber, abandonner sa tache, celle dont elle a la responsabilité depuis on ne sait trop quand, vestale d'un foyer qui s'éclaire au néon... Elle songe à éteindre derrière elle et retourner dans sa boite de poupée-pandore en promo et fermer les yeux sur un monde qui n'a que faire de ses considérations aberrantes. Elle songe à dormir, dans la glace ou ailleurs et appuyer sur "Stop". La tentation est à la fois prégnante et fugace et aurait bien tendance à s'incruster dans sa cervelle mais elle chasse cette pensée comme une mouche qui agace. Elle doit rester encore, la vigilante, gardienne d'un équilibre aux yeux ouverts sur une vérité cynique depuis qu'elle a croqué une putain de pomme en plastique. Tant que l'acte n'est pas achevé. Tant que la pièce se joue encore et que le spectateur peut espérer un rebondissement qui changera la tragédie en comédie. Tant que le maestro n'a pas lancé les dernières notes de l'adagio, on restera au festin des rats pour boire la cigüe jusqu'à la lie...
Et pourtant, lui murmure la raison, il suffirait de tout laisser tomber. Démissionner, quitter la Réserve, fermer les yeux, ouvrir un bar, sourire, peindre des gens heureux, se marier, vivre d'amour et d'eau recyclée, boire un skiwi pour chasser l'amer, quitter la scène sur un sourire d'opérette et, après un dernier salut, devenir cette caricature de femme heureuse au sourire gravé dans une chair artificielle, belle poupée docile. Parfaite.
Alors qu'un flocon presque blanc flotte un instant sur le vent de sa pensée, elle songe au reste... A tout ce qui n'est pas inaccessible ou impossible. A ce "sentiment" qu'elle incarne parait-il sans savoir lequel mais qu'elle imagine. A ce rôle dans lequel elle devrait peut-être se cantonner quelque part entre robopute ou machine à aimer. Lâcher prise, cesser d'être et s'abandonner au "laisser faire".
Aimer, aimer encore ou basculer à nouveau dans l'oubli de soi, dans le don et l'abandon qui flirt avec la déchéance ; briser ses chaines pour s'offrir à la sueur, à l'ivresse et au mensonge. Chuter et sombrer à en perdre le souffle et l'espoir. Tourner le dos à celui qui lui offre tout et plus encore mais qui la manipule autant qu'il la caresse et joue autant qu'il jouit d'elle. "Je t'aime L-X. Tu es ma femme..." Combien? Combien de fois, combien de temps encore avant que, comme les autres, il ne renonce ou ne se brise? Avant qu'elle ne le trompe ou le trahisse pour une cause ou une excuse. Avant que...
Avant que quoi, au juste? A quoi peut-elle prétendre, elle qui oublie trop souvent sa place et sa nature? Elle qu'on dit trop curieuse, trop manipulatrice, trop belle, trop présente, trop impliquée, trop bavarde, trop aimable, trop active, trop volontaire, trop vivante sans doute, trop trop trop... trop humaine? Elle n'est même pas "humaine". Non pas de cet "humaine" que les orgueilleux ont élevé en race pour qu'une loi leur offre une supériorité qu'ils n'ont en rien, hormis dans la fatuité et l'outrecuidance, non : elle n'appartient même pas à l'espèce Humaine, celle avec un grand "H" qu'elle doit protéger et servir ; celle qui fut sauvée de l'extinction et dont tous ne sont que les derniers représentants. Celle dont les membres, quelque soit leur génotype, n'ont pas le droit d'être ordinaires puisque de leur évolution dépendra leur survie ou leur disparition. Définitive, cette fois. Elle n'en est qu'une copie. Trop parfaite... Tellement parfaite qu'elle se veut meilleure que l'original, qu'elle prétend à le surpasser pour se dépasser et mieux le servir ou lui servir d'exemple. Même dans son arrogance, peut-être..?
La copie d'humain ferme les yeux sur une vraie larme qui cristallise au bord de sa paupière, hésitante elle aussi, et attrape dans sa poche une flasque qui comblera son manque de vraie alcoolique.

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Déjà, le smog s'épaissit et barbouille le ciel sale. Un hurlement déchire le silence assourdissant d'une ruelle grise : un faux-mort de plus qui s'est donné la peine de souffrir un peu et rampe dans une flaque graisseuse en levant vers son assassin ordinaire un regard où l'incompréhension se ternit déjà d'un voile résigné. Passant non loin une femme de marbre tourne à peine le visage, impassible, indifférent jusqu'à ce qu'une impression, fugace, de contrariété s'y imprime l'espace d'une seconde : en jetant un regard au mourant, son pied élégamment chaussé a écrasé un déchet qui a souillé son escarpin. Qu'importe, elle en rachètera. La quiétude recouvre le masque du beau visage pendant que dans la ruelle, les crocs se referment sur la viande fraiche. Un bref râle s'échappe de la gorge d'un homme dont on ne sait pas le nom. Et tout le monde s'en fout...
Le monde ne pleure plus.
Il est prêt.

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Cet article n'existe pas RP. Les informations contenues sont inconnues de votre personnage.

◊ Commentaires

  • Zartam (851☆) Le 09 Décembre 2012
    Woa.
  • Kambei~7880 (255☆) Le 09 Décembre 2012
    Peu à peu, l'âme de cristal s'ébrèche. Le marteau de la vie à Dreadcast s'abat encore un fois sans pitié pour forger cette femme enfant qui devient la lame d'une cause qu'elle ne parvient pas à saisir.

    Merci pour ce magnifique texte, oiseau bleu. smiley