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EDC de L-X

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34. Carpe Diem

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"Je vous attendrai..."
Une promesse... Un inéluctable incertain. Chaque heure passant depuis n'était qu'un instant de plus vers la fin de cette interminable attente qui se profilait pourtant sans issue. Chaque nuit ne menait qu'à une autre aube terne qui trouvait le lieu de son pèlerinage désert. L'éclairage froid des holo projetait les images figées d'un passé qui refusait de s'achever et perdurait en un présent continu, renouvelable, dans une boucle perpétuelle.
Invariablement, la matrice ne lui répondait que l'absence, et le smog gardait prisonniers ses fantômes sans les recracher autrement qu'en évocations abstraites et obsédantes : la vie de l'un qu'elle écrivait, les pensées de l'autre qu'elle décryptait, le tableau d'un troisième qu'elle achevait. Et le silence à ses appels...
Les jours avaient passés, un jour, un autre. Elle les avait cueillis et vécus sans en rater aucun. Permanente.
De long en loin, sous sa main, une peau, une autre et sous ses doigts, des plumes, des cheveux, longs ou courts, sombres, noirs, de feu, de jais, de miel, des bouches avides d'amour qu'elle embrassait mais auxquelles elle refusait les serments espérés, ne se donnant qu'à une éternité éphémère en se gardant bien de jurer sur un avenir dont elle ne répondait plus.

"Le futur, c'est les gens encore en vie dans cette cité, c'est vous. "
Ces paroles énoncées autrefois pour la détacher d'un passé qui n'appartenait qu'à son corps, étaient pour elle un commandement. Une loi qui faisait d'elle une nouvelle forme de machine à survivre autant qu'à aimer là où tant d'autres échouaient. Elle vivait chaque jour pour continuer sa tâche : servir l'humanité, la protéger, la nourrir.
Et comme toujours, l'intelligence calcula ce qui manquait au monde et leur servit. Dans des plats multicolores autant que dans des sourires lumineux, dans des toiles aux roses chatoyants ou aux ors magnifiques autant que sa pétulance et sa présence. Elle les gava d'envie de vivre et de petit morceaux de bonheur factice pour qu'ils se lèvent de table avec un sourire bienheureux. Elle leur offrit de la joie aux parfums aussi artificiels que délicieux et fut pour eux une douceur sucrée comme les macarons qui faisaient glousser de plaisir de jolies demoiselles. Elle les enivra de rêves holographiques et d'alcools chamarrés, "better than life". Le paradis qu'elle vendait fut parsemé d'épices synthétiques qui relevaient le gout de leurs assiettes et de leur existence : un peu d'envie en tourte, un peu de courage en omelette, un peu de vie en soufflet ...
Inlassablement, la gynoïde pourvoyait à leur bonheur autant qu'à leur faim...
Dans un luxe qu'elle leur bradait sans qu'ils s'en aperçoivent, elle faisait d'eux les rois du monde, leur offrait son royaume de volupté, son jardin des délices, son empire des sens, cherchant malgré la lassitude qui marquait parfois son être et qu'elle traduisait à de rares intimes, comment leur en donner toujours plus, comment en sauver toujours plus, comment en pousser toujours plus...
Parfois, elle se rêvait heureuse simplement, s'abandonnant à une vie d'harmonie qui confinerait à la perfection entre complicité d'humeur et sensualité sauvage : la proposition était plus alléchante que ses vol-aux-vents, moelleuse et chaude comme la bouche qui lui donnait son souffle et cueillait ses jours, matins après matins, s'installant dans un quotidien délectable et surtout sans lendemain mais qui pourtant s'éternisait avec félicité dans un parfum d'interdit...
Un jour, un autre, cueilli avec force ou délicatesse, dans un rire mais sans autre promesse, quand tant d'autres allaient se figer pour un toujours plus ou moins long dans une glace qui leur apparaissait salutaire mais qui n'était qu'un oubli pour un fantôme de plus.
Les semi-vivants qui courraient encore après les semi-morts pour se prouver qu'eux-mêmes ne l'étaient pas tout à fait, ne recevaient de sa part au mieux qu'un silence poli sur un masque impassible pour cacher le dédain. Elle voyait avec une indifférence de plus en plus marquée les corps chuter autour d'elle tandis qu'elle continuait de marcher, droite, immuable, fermement accrochée dans son présent. Et pour se donner encore la force d'habiter ce vide qui menaçait de l'étouffer et de l'emporter comme les autres, elle n'offrait plus son attention qu'à ceux qui voulaient bien se débattre pour vivre encore. Ainsi, elle se détachait de ceux qui "n'y arrivaient plus" comme on arrache les lambeaux d'une chair morte, comme on coupe un membre pourri d'une gangrène de lassitude... Avec pragmatisme. Les annonces de départ étaient enregistrées comme autant d'informations qui, au mieux la laissaient de marbre, au pire l'agaçaient. Son jugement devenait implacable et froid. Scientifique. Darwinien. Ceux qui lâchaient prise, les faibles qui risquaient de la parasiter, étaient écartés peu à peu d'une main d'acier gantée de soie. Et rien ne la mettait plus en colère que d'entendre un lamentable "J'ai plus envie de vivre" . La sentence tombait dans l'âme de diamant de l'animal artificiel programmée pour l'adaptation : dans ce cas, il ne le mérite pas alors qu'il crève mais sans bruit!
Arrête d'étaler ta misère sur mon comptoir et ôte-toi de mon soleil artificiel. Ici, j'vends du bonheur!..
- Vous devenez cruelle.
Je ne suis pas humaine.
- Vous êtes plus qu'humaine...
Je suis inhumaine?
- Tu es indécente...
Je suis vivante.
- Tu es dure.
Je suis debout.
- Tu as tant de force.
Je n'ai plus de pitié.
.
"A plus tard, ma douce."
"Carpe Diem..."
ou l'épunkerisme.

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[art=http://www.dreadcast.net/EDC/L-X/Article=12700]=> 35. Ego te absolvo [/art]

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- "Carpe diem (quam minimum credula postero) : locution latine d'Horace que l'on peut traduire par : « Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain », maxime d'épicurisme incitant à bien savourer le présent dans l'idée que le futur est incertain et que tout est appelé à disparaître...
  • « Ôte-toi de mon Soleil », Diogène de Sinope à Alexandre. Aussi appelé Diogène le Cynique pour ce qu'il était le représentant de cette école de pensée philosophique, matérialiste et jubilatoire.
  • "better than life" = BTL (Mieux Que la Vie, en français) : drogue numérique qui utilise le SISA pour immerger son utilisateur dans des scènes de simsens exacerbé. in Shadowrun


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Cet article n'existe pas RP. Les informations contenues sont inconnues de votre personnage.

◊ Commentaires

  • Kambei~7880 (255☆) Le 04 Avril 2014
    Ou comment parler de dépeuplement et de cuisine avec panache. Que d'épunkerisme, tu me pardonneras de céder à mes pulsions les plus basses pour la peine :

    "Preum's!"
  • Archimède~46401 (131☆) Le 05 Avril 2014
    Très bel article, donc ☆, donc 1000 étoiles... Je suis déçu, je m'attendais à un bug de la matrice à 1K, un truc du genre... Mais non.
    Félicitations!
  • Dhomochevsky~5237 (110☆) Le 05 Avril 2014
    "les gens heureux n'ont pas d'histoire", disait-elle

    Les autres peut-être pas plus au fond, mais c'est tellement plaisant à lire ou raconter smiley
  • L-X (1536☆) Le 05 Avril 2014
    Le bonheur, c'est une vue de l'esprit qu'on achète avec son corps... et pour quelques crédits de plus, tu te paieras le paradis.
  • Chloe~36681 (22☆) Le 05 Avril 2014
    *
  • Climax~44583 (105☆) Le 05 Avril 2014
    Elle oublie de préciser qu'elle a une équipe de cuistots au top.. Bel article sinon, étonnant à la lecture que j'y retrouve un peu des réflexions de mon Lucius alors qu'il est loin d'avoir une telle expérience. Bon ap' et bon gavage d'étoiles donc. *
  • Manerina~6356 (1552☆) Le 05 Avril 2014
    Ca faisait longtemps. Que du bonheur. (HRP du moins, l'IRP a bien été décrit!)
  • Rei (397☆) Le 06 Avril 2014
    Ce cerveau...
  • L-X (1536☆) Le 06 Avril 2014
    J'pensais pas que c'est ce qu'elle avait de plus attirant...!
  • Rei (397☆) Le 06 Avril 2014
    Je peux te le confirmer, pour ma part, que c'est bien ce qu'elle a de plus attirant ..♥