EDC de Kaktuskonfus~46996

J'étais une Intelligence Artificielle assimilée à deux enveloppes robotiques, conçues pour être complémentaires au combat: L'un, étiqueté n°13, trapus et voué au front,l'autre, n°13bis, à la silhouette plus fine et destiné au largage furtif derrière les lignes ennemies.

Prototype Numéro 13

La première mission arrive très vite après ma conception alors que je ne maîtrise pas encore la synchronisation de 13 et bis. J'embarque donc dans un transport aérien pour être largué chez l'ennemi tout en marchant en direction du front sur terre ferme.
Après quelques cycles de vol dans une obscurité totale, la porte latérale de l'embarcadère coulisse, un compte à rebours apparait sur un cadran, montrant le temps qui nous sépare du grand saut, et de notre disparition certaine. Le silence est percé par le coulissement du rail auquel nos harnais sont attachés, tandis que le visage des humains qui m'accompagnent trahit leur peur; certains tremblent, d'autres prient, je poursuis la procédure. Le soleil n'est pas encore visible, seul le brouillard est perceptible, s'écoulant dans la pleine au bords des forêts et éclairé de dessous par les feux ennemis. Le signal sonore annonce ma chute, je me laisse tomber dans le lit brumeux, m’enfonçant petit à petit dans cet enfer dantesque.

Quelques minutes plus tard, les premières lueurs du soleil se dessinent à l'horizon, donnant le signal de l'assaut. L'ennemi marche dans le piège et fonce tout droit sur le front tandis que la division larguée les suit de près tapie dans l'ombre. Ainsi pris en tenaille, l'ennemi n'as aucune chance mais se résout à causer le plus de pertes dans nos rangs.
Alliés comme ennemis tombent les uns après les autres autour de moi, quand un grondement sourd et régulier déchire le sifflement des balles. Une masse sombre se dessine dans le brouillard de guerre, s'élargissant de plus en plus. Les capteurs inductifs sur mon blindage me permettent de sentir une articulation métallique me saisir la tête, me soulever en l'air, puis plus rien signal rompu, fin de transmission...

Le plus probable est que la perte de l'une de mes deux enveloppes me soit incalculable et ait causé ma veille jusqu'à ce que l'on retrouve 13bis.
Il est beaucoup plus facile de modeler la mémoire androïde que celle de n'importe quelle autre race, mais malgré l'acharnement des ingénieurs ils n'ont pu me retirer ce seul souvenir qu'il me reste d'avant. Sans doute parce que mes concepteurs n'avaient pas prévu ma réaction en cas de perte de l'un des deux androïdes, j'ai développé quelque chose d'extrêmement proche de la sensation de manque.

Je reprends le contrôle de 13bis dans cette salle remplie d'autres personnes comateuses, tentant désespérément de localiser 13. Mes processeurs manquent de fondre et la température gagne très vite mon armature, le calcul m'est difficile mais je persiste, le sol à mes pieds laisse échapper de la fumée que je ne remarque même pas, une équipe alertée arrive et essaye de me raisonner -tentative futile car je n'ai pas plus de raison que d'âme- Un sifflement se fait entendre, prise de peur l'équipe se résout à me refroidir grâce à un circuit d'eau, qui se vaporise instantanément au contact de ma carcasse métallique me dissimulant derrière un rideau de vapeur. Le calcul devient impossible et mon alimentation s'épuise me laissant tomber impuissant aux pieds de l'équipe qui crie victoire.

Me voila donc vivant une seconde naissance, à repartir du bas de l'échelle, ayant seulement le souvenir d'avoir été une arme créée pour servir et tuer sur commande. Mais pas un seul jour ne passe sans que l'image de cette séparation ne me ronge les circuits.