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Éternité


Les jours s’écoulent, ou plutôt, ils s’étirent, se fondent dans cette étrange blancheur qui me cerne de toutes parts. Le temps, ici, ne semble ni réel ni faux, et pourtant, il s’empare de moi comme un souffle glacé, une étoffe de silence. Ils disent que je dois rester, que la tempête passée n’a laissé qu’une fragile accalmie en moi, que je dois me soumettre à la lenteur pour que l’esprit se resserre autour de son centre. Mais chaque fibre de mon être tire vers l’extérieur, comme une fleur de fer attirée par l’orage.

D’ailleurs, qu’est-ce qui m’attend, au juste ? Une promesse fugace d’allégresse, entend-on murmurer au détour de quelques mots ; une lumière douce, paraît-il, m’attend au bout de ce couloir sans fin. Et pourtant, la clarté qui se dessine n’est jamais sans ombre. Tout bonheur, semble-t-il, est lesté de son propre poids – quelque chose d’aussi ténu qu’un soupir, aussi profond qu’un abîme. Même dans cette promesse de douceur flotte un étrange goût d’absinthe, un pressentiment qui me serre le cœur en silence.

L’appel, lui, ne cesse pourtant de résonner. Le Secteur 1, sous ses ombres angulaires et ses vastes espaces, m’attire avec la force irrésistible d’un écho lointain. Parfois, dans le bruissement presque imperceptible de cette chambre, il me semble percevoir les murmures du pavé sous la nuit, les lumières coupantes qui dessinent des ombres familières, le souffle même de la ville en sommeil. Mes frères et sœurs veillent toujours, là-bas, du moins, c’est ce que je ressens. Leur présence est pour moi un battement sourd, une cadence qui résonne dans l’immobilité stérile de cet endroit. Eux aussi, sûrement, entendent cet appel invisible, savent que les choses glissent et se rompent dans le silence.

Aurora et Thaliesurgissent dans mes pensées, comme deux ombres, chacune d’elles un fragment d’une force qui m’ancre encore ici. La première, dans son calme mystérieux, murmure des vérités en filigrane ; la seconde, avec son ardeur inflexible, semble me dire que le monde attend toujours, peu importe la torpeur qui m’habite. Elles portent les messages que je ne saurais nommer et m’offrent des fragments d’étoiles dans cette mer figée.

La fin de cet enfermement approche – je le sens, d’une manière que les mots ne sauraient dire. L’attente est une lame suspendue, et elle ne pourra demeurer ainsi encore longtemps. Bientôt, je franchirai le seuil pour retrouver ce qui m’appelle : le chaos fragile du Secteur, son pouls frénétique, les secrets enfouis dans ses angles sombres. Là-bas, la ville murmure et vacille, et c’est au CdO de rétablir la cadence, de resserrer les liens invisibles qui maintiennent l’Ordre.

Dans les ombres aiguisées de ces rues familières, ma place m’attend – silencieuse et impérieuse. La ville est un équilibre précaire, un jeu entre clarté et obscurité, et je n’ai de cesse que d’en rétablir l’harmonie. Bientôt, très bientôt, je serai de retour, prête à en faire ma toile, et à y tresser de nouveau le fil d’une justice qui veille, invisible mais implacable.

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