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EDC de Hellguapo~17781

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Réveil difficile

...
Le caisson, un modèle de l'ancienne génération, suintant et couvert de moisissure, était situé au treizième sous sol et portait par un curieux hasard le numéro 666.
Un curieux hasard? Non. Non, non, une telle coïncidence, ça ne se pouvait pas.
Il y avait sans doute une explication, et la voici:
L'IA qui gérait les cryogénisés devait avoir un putain de sens de l'humour exacerbé, et avait collé le vieux Hellguapo précisément dans ce caisson là, en rapport au préfixe de son nom.
En effet, dans une autre langue, Hell signifie enfer, et il se trouve que dans un caisson cryogénique, ya pas mieux pour être enfer-mé. Et il se trouve de manière fortuite, que le chiffre 666, selon d'anciennes légendes, est associé à l'enfer, au diable, à la bête. (la bête est un espèce de gros écureuil mythique à 9 têtes, ou un truc dans le genre.) Quand au numéro 13, selon de vieilles traditions, il porte malheur. Parfois il porte chance, selon les personnes et les croyances.
Hahaha. très drôle...
Drôle? Depuis quand les IA sont-elles drôles?
Non. Soyons sérieux, voyons.
Non, ça ne s'était sans doute pas passé comme ça. En réalité, ce qui était beaucoup plus plausible, c'est que l'IA n'avait en définitive aucun sens de l'humour, et que tel, un dieu aveugle, elle gérait juste les caissons au hasard des besoins, au gré des sorties et des arrivées dans le centre automatisé.
Parfois, le hasard fait de drôles de trucs.
En réalité, il arrive tous les jours des trucs qui, si on prend le temps d'y réfléchir, ne devraient jamais se produire.
Les probabilités pour que ces évènements arrivent sont quasi nulles, et pourtant, ils arrivent.
Et même beaucoup plus souvent qu'on ne le pense.
Mais ces événements sont perçus différemment selon qui les perçoit.
Il y a trois catégories de personnes face à ces phénomènes:
Les premiers passent à coté sans même les remarquer. C'est il va sans dire la catégorie la plus nombreuse.
Ils passent à coté car ces évènements se cachent souvent sous des faux aspects de banalité.
Ces personnes là ne remarquent pas ces choses, ces signes, car ils semblent anodins.
Et quand bien même, prenez par exemple les gens dans une rue très fréquentée. Ils marchent le plus souvent sans jamais relever les yeux vers le smog.
Il pourrait sortir du smog une soucoupe volante de la taille d'un gratte ciel qu'ils ne le remarqueraient pas, trop occupés qu'ils sont à ruminer leur propre petite existence.
Puis il y a ceux qui possèdent la foi. Ceux là, lorsqu'ils remarquent un de ces phénomènes qui ne devraient pas arriver, se prosternent et appellent ça des miracles, ou la volonté de l'empereur, ou le destin, ou des conneries du genre. Ils sont tellement "éveillés", tellement givrés et illuminés qu'ils voient des signes ou des miracles même là ou il n'y a rien.
Ils sont l'antithèse des premiers.
Et enfin, la troisième catégorie de personnes, dont faisait peut-être bien partie Hellguapo, est constituée de personnes qui appellent ça un gros coup de bol, ou bien la poisse, selon que ce qui arrive est une bonne chose ou pas. Ces gens là font partie du lot grandissant des désabusés.
Ce sont des blasés, qui finissent par ne plus rien tenter dans leur vie merdique, parce qu'ils savent qu'au final le résultat sera identique.
Rien ne changera, ou si ça change, ça sera en pire.
Mais le bien, le mal...
Tout ça n'est-il pas juste une question que de point de vue, en fin de compte?
Mais revenons à nos petits caissons cryogéniques.
Ce qui importe, c'est que le caisson numéro 666, qui n'avait pas bougé depuis une éternité, venait d'avoir un signe d'activité. Quelqu'un ou quelque chose était en train de tirer Hellguapo de son sommeil cryogénique.
Pourquoi?
Peut-être qu'il n'y avait pas de pourquoi, et qu'il ne s'agissait que d'une avarie, comme une panne du système de refroidissement. Un hasard de plus?
Peut-être. Peut-être pas..
Pour le moment, il était difficile à Hellguapo de se poser ce genre de questions, car il s'était éveillé, et il se trouve qu'il commençait à se noyer dans son propre liquide cryogénique, une sorte de placenta de synthèse prévu pour supporter de très basses températures.
...
Le vieux rebelle se trouvait donc dans un état peu propice à la moindre réflexion.
Il se réveillait d'un beau et doux rêve pour se retrouver projeté au milieu d'une sorte de cauchemar éveillé.
Il était enfermé, et se noyait, car la machine avait cessé de l'alimenter par une sorte de cordon ombilical qui d'ailleurs s'était déjà détaché.
Hellguapo se mit à gesticuler dans le liquide cryogénique, les yeux grands ouverts.
Il parvint à bouger ses jambes, et commença à donner des coups de pied dans les parois transparentes du caisson.
Mais les caissons, quoi, vous croyez quoi? c'est du matos militaire, ça bouge pas. C'est du costaud, du solide, et c'est pas un cyborg même avec des pieds en acier trempé qui va pouvoir dézinguer ça en gesticulant comme un pantin.
Hellguapo allait abandonner, et donc se noyer, et... probablement finir téléporté au centre de clonage, lorsque contre toute attente, dans un dernier sursaut d'instinc de survie, il donna un dernier coup de pied.
La vitre qui d'ailleurs n'était pas en verre mais faite d'une sorte de plexigass normalement incassable, et bien comment dire, la vitre cassa.
elle vola même en éclats, et tout le contenu du caisson tomba sur le sol dur et froid. "SPLATCH".
C'était comme si on venait de renverser une sorte de grande marmite de soupe sur le sol. le liquide s'écoula rapidement par les grilles d'évacuation dont la salle était pourvue. Hellguapo se retrouva donc, tel un nouveau né de 190 kg de ferraille et de barbaque, gisant et gesticulant, incapable de se mettre debout, ni même de ramper d'un centimètre.
Combien de temps resta-t-il ainsi, étalé au pied de son caisson fracturé?
Impossible à dire.
Trois jours?Un jour? Une heure?
Jusqu'au moment ou il fut saisi sans ménagement par des pinces mécaniques, trainé à même le sol sur une certaine distance, puis jeté et solidement fixé sur une sorte de table d'opération.
Le cyborg, encore groggy, était cependant assez réveillé pour entendre des scies électriques se mettre en route.
Il semble qu'on allait l'opérer ou lui resserrer quelques vis. Mais... Mais... mais...
N'aurait-il pas du être sous anesthésie, normalement? Oh putain...Bordel?????!!!??
Puis la douleur, les cris, les hurlements, les supplications entremêlées de bruits d'os sciés, de visseuses pneumatiques s'affairant, guidées par quelque monstrueuse IA aveugle et sans pitié, car dénuée de sentiments. (ainsi que d'humour, rappelez vous.)
Puis enfin vint le vide. Le néant bénéfique et salvateur.
Lorsqu'il revint à lui, Hell se trouvait dans une sorte de salle de repos.
Sa tête le faisait souffrir terriblement. On aurait dit que des putain de nano-gobelins jouaient au Dreadball à l'intérieur.
La lumière était insupportable, et le moindre bruit lui vrillait les tympans.
Même le pire des lendemains de cuite c'était un moment agréable en comparaison.
Quelques brides de vagues souvenirs lui revenaient en mémoire, comme cette unité chirurgicale triturant son cerveau pour y brancher des connectiques diverses.
Le cyborg réfléchit, et finit par se dire que tout ça n'était qu'un mauvais rêve. Tout ça n'était probablement arrivé que dans sa tête.
Parfois, le contre coup d'une cryogénisation pouvait être imprévisible. C'était surement des flash dus à une mauvaise décryo.
Ouais. C'était ça.
C'était surement ça, bordel. Il fallait s'en persuader. C'était surement ça...
Hellguapo abaissa les yeux sur son corps, et remarqua quelque chose.
Putain.. On dirait bien qu'on lui avait bien greffé des pièces neuves...
Le latino rebelle se ressaisit, évitant de penser de nouveau à ça, et fouilla la pièce ou il se trouvait seul. Il trouva rapidement deux sacs dans une armoire métallique.
A l'intérieur, il découvrit quelques affaires: un vieux blouson élimé, un chapeau, une vieille paire de bottes. Il les enfila. C'était sa taille. Il ramassa les sacs qui, même s'il avait du mal à s'en souvenir pour le moment, devaient certainement lui appartenir.
Hell retrouva l'air frais et vicié de la Cité de Dreadcast, le smog qui le prit à la gorge.
Dehors,personne ne l'attendait. Pourquoi en aurait-il été autrement?
Le latino rebelle marchait péniblement, d'un pas lourd. Chaque pas faisait trembler sa carcasse de 190 kg de chair et de ferraille technologiquement dépassée.
Chaque pas était un supplice, et lui vrillait le cerveau. Mais il fallait avancer. Il marcha, au hasard, et finit par arriver devant un bar miteux à la façade décrépite, dans une ruelle sombre qui puait la pisse et le vomi.
Il avait la gorge sèche. Il lui fallait un verre. Alors il entra.
A l'intérieur du bar, c'était encore plus pourri que ce pouvait laisser présager la devanture.
L'endroit était une ruine, et pas une ruine très touristique au vu du peu de monde présent.
Le cyborg latino s'approcha du bar. Il semble que la seule autre personne présente était un outrilien avec de la bave qui s'écoulait de la comissure de ses lèvres.
Cet outrilien semblait bien être le serveur.
Il regarda à peine Hellguapo, sans même lui dire bonjour, avec les yeux injectés de sang d'un type qui en est à son quatrième shoot de Kronatium de la matinée.
Hellguapo, la gorge désséchée, parvint à demander un Skiwi.
L'outrilien défoncé lui servit un liquide ambré dans un verre douteux, que le cyborg descendit cul sec pour réaliser presque instantanément qu'on lui avait peut-être servi de la pisse. Bien sur, il avait du payer d'avance.
Hellguapo posa son verre sur le comptoir en faisant la grimace.
Ce liquide était en train de lui ravager la gorge et les boyaux.
Le cœur au bord des lèvres, presque plié en deux, il s'empressa de sortir le plus dignement possible, c'est à dire en évitant de marcher à quatre pattes, et se retrouva rapidement dehors, au bord du trottoir, en train de dégobiller tripes et boyaux dans le caniveau.
Personne ne lui tenait de bassine.
Personne n'était venu l'attendre a sa sortie de cryo, pas même ce vieux Brotox.
Peut-être que plus personne de vivant ne se souvenait de lui. C'était logique.
Même le serveur du bar, qui pourtant ne semblait pas tout fraichement débarqué en ville, ne devait même pas être né quand il avait cryo.
Hellguapo finit par terminer de vomir sa bile, ce qui était très douloureux.
Il releva son visage vers le smog, et fut pris d'un frisson. L'air était glacial.
Il s'essuya le coin de la bouche d'un revers de main et se remit péniblement à marcher.
Il regarda la rue qu'il ne reconnaissait pas.
Par ou était-il arrivé déjà?
Putain... Il allait encore en chier grave pour retrouver sa piaule...si toutefois l'immeuble ou elle se trouvait n'avait pas été rasé...
Plus loin, il entendit une fusillade. Des gens se tiraient dessus. Un gobelin passa devant lui en courant.
Dix secondes plus tard, un Orc très en pétard passa lui aussi par là en courant. Il braillait des injures en rapport avec la mère du gobelin, et brandissait une arme de taille conséquente, que Hellguapo ne reconnut pas. De la nouvelle technologie, sans doute.
L'orc ne s'arrêta pas et ne jeta même pas un coup d’œil à Hellguapo.
Il disparut au coin de la rue à la poursuite du gobelin.
Hellguapo remonta le col de son blouson pour tenter de s'abriter de la brise glaciale, et prit une direction au hasard, espérant qu'il finirait peut-être par reconnaitre quelque chose sur sa route, et retrouver son chemin.
Sinon... Il serait bon pour dormir sous une pile de cartons, comme un clodo...
Le cyborg se mit à réfléchir tout en marchant. Il se dit que si personne ne se souvenait de lui, c'était un peu comme s'il n'existait plus.
Il se dit aussi que si on regardait le bon coté des choses, ne plus exister pouvait avoir des avantages. Par exemple, personne ne le chercherait cette nuit pour le tuer.
Finalement, ce n'était peut-être pas si mal d'avoir été totalement oublié...

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