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Le palais des glaces
I'd give you my heart
La pluie bat son plein au-dehors, gorgeant le sol de torrents virulents et marquants les fenêtres d’une amertume certaine. Le gris habillant l’espoir, grignotant les silhouettes floutées gagnant leur berceau, maladives et pressées. La peur d’être trempé. Fragiles créatures claquant du talon sur le bitume, lavé de ses péchés par celle qui terrorise alors qu’elle s’évapore une fois l’accalmie venue. Les néons clignotent et tamisent l’ambiance vaporeuse.
A plusieurs mètres de là, appuyée contre la rambarde, drapée de noir, cheveux ramenés en une tresse sinueuse, la bordure piquetée par l’eau, Haven se tient. Regard mi-clos sur le monde qui s’active, silhouettes vides d’un sens qu’elle cherche parfois en certains. L’absence de réponses aux murmures qu’elle prononce annonce sa seule présence bien qu’il soit là, quelque part. Tangible, réel et sans appel. Tout comme elle. Irréelle, immatérielle mais à l’emprise sournoise, pernicieuse et maléfique. L’ombre d’un tableau qui n’admet qu’un duo. Le soupir revient et l’écho battant s’enfuit. S’estompe l’esquisse de la ville sous ses yeux clos, s’efface la foule mouvante et les bruits épars. Sa main ne tient plus le rebord d’un toit mais le vide, ses doigts capturent le néant. Pourtant, la sourdine ne se tait, d’abord plainte doucereuse puis grondement strident l’obligeant à porter ses mains à ses oreilles.
L’obscurité gêne son analyse de la situation mais, peu à peu, elle parvient à discerner des formes. IL est là, elle le sait, pourtant, il demeure invisible. Les battements de son cœur résonnent mais son être, entravé, semble sous verrous. Miniaturisé, renvoyé à l’innocence que l’on tue d’un coup de pied. Un rocher au milieu de la tempête où l’enfant chute sans cesse. Les pattes ensanglantées, le chemin doré de ses yeux traçant toujours et irrémédiablement l'avenir fermé sur le passé. Le présent statué lorsque la forme prend consistance. Hauteur vertigineuse, dentition carnassière, sabres à la place des griffes ordinairement représentées. La peau piquée de crevasses au milieu du crin rougeoyant semblant avoir été calciné et brûlé plus d’une fois. La neutralité guère lisible dans ce regard où sonne une seule réplique : « La mort t’attend. »
Le ruissellement de la pluie revient aux oreilles de l’humaine, mauvaise interprétation de la situation car une rivière semble s’écouler sous ses pieds, l’eau entoure ses pieds et prend bientôt ses genoux aussi. La terre autrefois meuble devient glissante, boueuse et tandis qu’elle tente d’avancer, ce sont ses deux mains dans la vase qui retiennent sa chute. L’air est absent, l’atmosphère sirupeuse contraste avec le froid qui glace jusqu’à ses os. Naufragée d’un rêve aux accents réels jusqu’au parfum nauséabond et âcre qui emplit ses narines, souffre battant tout autour. Le dégoût s’affirme sur son visage quand ses orbes capturent la seule âme viable de cet Enfer, celui enfermé dans cet éternel recommencement. Les larmes menacent car c’est la peur qui grandit. Malmenant, s’acharnant et levant des angoisses fertiles et certaines.
Au milieu de ce capharnaüm, un cri s’étire, déchirant l’azur déclinant depuis toujours dans cette alcôve qui n’a rien de rassurante. Sa main gagne son genou afin de se donner l’impulsion nécessaire pour tenir debout. Là, sous ce ciel sans fin à la voûte insondable se tient la Bête. Mirage que la brune tente de chasser d’un revers de la main, rencontre fortuite avec cette réalité cuisante. Longue de plusieurs mètres, croque-mitaine qui se cache sous les lits des adultes jamais endurcis inscrit dans la rétine féminine. Les mâchoires s’entrouvrent et le sol parait trembler. L’écho est inhumain, venu d’un ailleurs jamais permis et pourtant présent dans cette illusion criante de vérité.
- Il est à moi. Je ne partirai pas. Bientôt, je dévorerai son corps et me ferai maîtresse de ses mots, annihilant jusqu’à sa dernière tentative de lutte.
L’aboiement est clair, sans appel. Le sang bat aux tempes de la peu rassurée, créant des nervures visibles sur son front. Sa main cherche l’arme qui ne se matérialise dans cette alternative dont elle n’est pas la garante. Jurant aux portes de ses lèvres qui s’arquent pour répondre :
- Tu n’es rien, une hypothèse parmi toutes les réalités envisageables et dans celle-ci, tu es soufflée, balayée et écartée. Réduite au néant.
Le minois crispé, les mains serrées, accrochées à ses vêtements trempés, cherchant du réconfort dans l’immensité gelée comme figée dans cet entre-deux malaisant. L’étendard de l’obscure ondulante qui se meut autour d’elle et, griffe sortie, pointe la silhouette noiraude d’innocence formée. La cage à l’étau fermement ancré n’admet aucune issue. Pourtant, délaissant du regard la terreur sans nom, Haven s’avance. Ses premiers pas sont fragiles et elle manque de trébucher à maintes reprises mais la raison prend le pas sur la peur. Le courage fait chuter l’angoisse et le besoin rejette le malsain. Vibrante et massive qui s’interrompt sur ce chemin pavé d’ombres la menant à Lui. L’Hassentiel. L’Hascensionnel. Le talon martèle le sol afin que se stoppe sa course frénétique. Ses bras devant elle comme pour repousser l’assaut. Les crocs s’avancent, la caudale frappe le sol d’un séisme béant lorsque à ses côtés brille le reflet argenté de la Hallebarde qui d’ordinaire à Ses côtés siège. Embardée afin de s’en emparer et sectionner cet univers de couleurs à retrouver.
- Je me battrai.
Et l'arme trouve meneuse.
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Informations sur l'article
Récits portés sur le monde
20 Septembre 2023
363√
16☆
9◊
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Personnages cités
-
Hatton (83☆)
Streng Geheim
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◊ Commentaires
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Hatton (83☆) Le 20 Septembre 2023
Le son est perfect. Le texte est très aéré, la prose est céleste. ♥
"L’Hassentiel. L’Hascensionnel" ♥
"Je me battrai." Nous nous battrons.
Un plaisir de te lire. N'arrête pas. ♥ -
Gavïn (58☆) Le 21 Septembre 2023
HOOOO ! suffit les zimps d'étoiler nos pépites rebz ! 😠 -
Haven (62☆) Le 21 Septembre 2023
@Hatton rendez-vous au prochain épisode baby ♥
@Gavïn c'est de la jalousie déguisée, je fais de la pub pour des rerolls chez nous. -
Phyrris~75184 (42☆) Le 24 Septembre 2023
Magnifique prose, comme toujours, un délice de te lire. -
Haven (62☆) Le 25 Septembre 2023
Merci toi pour tes mots -
Haven (62☆) Le 25 Septembre 2023
…toujours un plaisir à lire ! Et à notre future capture. -
Phyrris~75184 (42☆) Le 26 Septembre 2023
Merci beaucoup.
Haha oui, à nos plumes liées, un jour peut-être ♥