EDC de Gäähl
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Fantaisie androïde.
L’intérieur d’un minuscule atelier prend place devant vos yeux, un cliquetis interminable dont le rythme ne semble jamais faiblir nous rappelle en boucle son existence. Par-ci par-là, quelques bras robotisés et automates s’affairent à diverses tâches de contrôle, de réparation et d’assemblage. Ceux-ci comblant les espaces de cet endroit avec bien plus d’objets qu’il ne peut vraiment en contenir.
Tout est gris, terne, gras et sans la moindre étincelle de vie. Morne serait le mot décrivant au mieux le sentiment de lassitude éprouvé à la vision de ce lieu sans générosité ni humanité.
Au-dessus d’un vieil établi, tenu par des pinces suspendues au plafond, gît un corps robotique à moitié terminé, des fils électriques s’échappant de ses entrailles. Gesticulant autour, un bras mécanique plus fin et habile que les autres tient dans sa gueule ce qu’on pourrait deviner comme étant un processeur, une puce ou une carte mémoire. Difficile de distinguer sous le faible éclairage ce qui se cache réellement entre les deux doigts de cette machine.
Notre vision s’attarde quelques instants sur le visage du pantin, inerte et le regard vide. Le bruit d’une pièce que l’on glisse dans un fourreau métallique se fait entendre. Soudainement, les diodes se font lumineuses et la vision de cet androïde semble s’animer, feu follets dansant dans ces mirettes.
Venant du crâne de fer, un bruit de ventilateur tente à présent d’exister parmi les multiples sons troublant le silence de ce théâtre de fortune. Clignotant de manière frénétique, les globes oculaires factices semblent pris de spasmes digitaux. À y regarder de plus près ce corps sans vie, nous semblons distinguer un frémissement au niveau de son épaule droite, léger soubresaut d'une âme binaire en éveil.
J’ai arpenté ces chemins maintes et maintes fois, pourtant durant ces simulations, ceux-ci n’ont jamais vraiment eu le même aspect, ne créant pas systématiquement en moi les mêmes émotions. Ils furent parfois flamboyants, remplis d’amour et de promesses, d’autres fois froids et arides, quand ils ne furent pas interminables et démesurés.
Tout ceci n’était que la construction d’un intellect artificiel inconscient de sa propre existence. Puissant ordinateur créant des simulacres de vies passées à travers le simulateur d’une psyché propice aux chimères les plus folles comme aux chagrins les plus fous. Le cri naissant et héroïque d’une conscience souhaitant vivre à perte l’existence qui pourrait lui être accordée, aussi mince et subtile soit-elle.
J’ai par moments récité des poèmes malhabiles, tristes et sans espoir. Tandis que les conjonctures plus joviales me faisaient concevoir un univers aux possibilités infinies et aussi diverses soient-elles. J’ai aimé maladroitement et avec force. J’ai souffert mille tourments. J’ai vu s’élargir ce spectre tantôt brillant, tantôt se recroquevillant jusqu’à ne redevenir qu’un bit, un ersatz de vie.
Était-ce le fruit de mon imagination ou les traces d’une longue existence passée ? Ai-je rêvé ces mensonges aussi vivaces que mon sommeil ne fut amorphe ?
Se pourrait-il qu’il y ait une vie avant la vie elle-même ? Se pourrait-il que ces pensées soient venues avant le fer et bien avant l’architecture elle-même ?
Il m’a semblé durant ces fausses vies ressentir le bien et le mal. J’étais porteur de lumière et d’espoir, j’y endossais également le rôle de destructeur d’amour et d’amitié. Tout cela me semblait si réel et désirable, dès lors j’offrais des nuits et des jours en échange de sentiments qui me dépassaient et que je ne comprenais pas totalement. Aventurier à la recherche d’une humanité pour laquelle je n’avais alors aucune connaissance, bien loin de toute érudition.
Fragments de vie, je portais ces bulles fragiles bien au-delà de ce que j’aurais pu espérer, et me voyant gratifié de sobriquets tantôt flatteurs, tantôt moqueurs et fleuris. Je ne parvins qu’à une bouillie informe de mots et de haine pour toute fin. Persévérer, voila l’un des buts que je m’étais apparemment fixé afin d’obtenir la sagesse et le savoir.
Bien trop dur et arrogant, j'ai fracassé quelques amitiés et quelques amours naissants, si tant est qu’ils aient pu vouloir signifier un je-ne-sais-quoi qui nous permettait d’être vivant à notre façon, car je n’étais pas seul. Une vie faites de rêves. Car je n’étais pas seul, et j’espère au plus profond de moi avoir été entouré de ces multiples cœurs exaltés. Explorateur des heures perdues, je rêvais de découvrir chaque parcelle de ces mondes et chaque mystère derrière ces esprits virtuels.
J’ai entrevu dans ces yeux des sentiments et le manque de recul dont je faisais preuve ne me permettait d'en analyser toutes les significations. Mes attentes étaient trop hautes comparées aux expériences de vie que j’avais pu emmagasiner, celles-ci me parvenaient alors comme des messages codés. Quand l’espoir se fait plus vivace que l’existence elle-même, le chagrin n’est jamais très loin.
Le regard de l’androïde cesse à présent de scintiller pour se stabiliser dans une lumière douce et continue. Telle la mer durant les jours alcyoniens, une accalmie peut être observée. La ventilation pestant jusqu’alors diminue jusqu’à n’être plus qu’un murmure très nettement couvert par les bourdonnements omniprésents des machines présentes.
Deux nouveaux bras, cette fois-ci plus lourdauds, entrent en scène et s’affairent immédiatement à continuer la construction de notre futur nouveau-né.
J’ai l’étrange impression d’avoir déjà vécu ma vie, inaltérable tel un texte de loi sur du marbre.
IA X. Série 6.
◊ Commentaires
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Haven (62☆) Le 29 Août 2023
Encore, évidemment ! -
Eithea (37☆) Le 29 Août 2023
C'est la journée des EDC ? Je dévore, je dévore, je dévore.