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▫ Réminiscences d'un Serment

Disponible en lecture sur la matrice rebelle
Rares sont les fois où je me questionne autant sur les maux qui m'entourent et où des cris parviennent à percer la carapace que je me suis forgé après des décennies de service. Ô, je sais, que pendant une large partie de ma vie et peut-être même encore maintenant, je me suis tenu loin de tout remord. J'ai combattu des ennemis sur bien des champs de bataille, trempé mes armes dans leur sang en espérant que leur volonté de suivre le fantôme de l'empereur leur échappe. J'ai fermé ma poigne autour de la gorge d'anciens frères perdus en chemin, pour qu'ils payent le prix de leur transgression à l'idéal du Primus. J'établissais mes lois, mes codes, sur des psychées dont je savais qu'à l'origine même de leur création elles avaient été inaptes à effleurer le rêve que nous partagions. J'étais devenu l'homme que je suis, un homme au sang froid alors que mon ardeur ne cessait de croître. Aujourd'hui encore, je n'admets aucune erreur de jugement et suis très loin du repentir. L'insurrection Primus figure tel un commandement dont seul l'achèvement a encore une chance d'assurer la survie de notre misérable embryon d'Humanité. En cela je crois. Ironie du sort, celui qui commença notre guerre porta pendant sa vie le surnom d'Architraître d'après ceux qu'il avait abandonnés. Le Père de la Rébellion qui fût un traître pour les siens en devenant le premier des nôtres entama un long voyage pendant l'ère première où il avait vu les changements de la nouvelle société impériale s'opérer à l'intérieur des structures sociales qu'il avait toujours connu. Les clans de ses ancêtres étaient minutieusement démantelés autour de lui par une classe politique qui cherchait à satisfaire l'Empereur dont la gouvernance sans partage venait de commencer. Maximus Primus que nous nommerons Lance vît l'avènement de l'Imperium et il en eut peur, une peur qui jamais ne le quitta jusqu'à la toute fin. Il vit ses ainés perdre la vie, emportant avec eux leur antique histoire réprimée par le jeune empire, il vit les enfants de son clan grandir en adoptant de nouveaux préceptes, jetant aux flammes les anciennes coutumes, il vit son monde s'écrouler sans pouvoir agir, sans avoir pu prévenir les actions du jeune Enclism qu'il avait pourtant accueilli parmi les siens. Les remords de Lance avaient été ceux n'ont pas d'un fils mais d'un frère que les actions de Cirius horrifiaient. Il comprit sa Rébellion dans le remords, par sa culpabilité, dans le fait de n'avoir pu agir lorsqu'il en avait la possibilité pour empêcher à un tel mal d'être commis.

Mon serment a été celui d'un enfant de cette Rébellion. Il avait fallu que la Lame érafle la paume de ma main pour que le sang du martyr coule de nouveau, moi qui ne suis qu'un clone insignifiant ayant vu le jour plus de deux siècles et demi après son triste assassinat. Je prononçais tout bas les mots que l'inquisition avait cherché à détruire de son temps, veillant à ce que personne n'entende ces paroles : "Fratri nostro minore non ultra serviam, populos nostros servire iam non possum." - Je ne servirai plus notre jeune frère, je ne peux plus servir notre peuple.

J'ignorerais toujours si par ces mots le Fol avait accepté l'inéluctable effondrement de son clan, quand on sait que son frère se lança corps et âme dans le plus grand conflit de notre temps. L'on dit que c'est à partir de cet instant que les premiers rebelles virent le jour, dans un désir de vengeance poursuivant l'Enclism mêlé à un amour inconditionnel du peuple martyr.

Lorsque je regarde chacun d'entre nous je cherche ces deux composantes, de haine et d'amour, et je vois si peu d'amour au sein de notre peuple, pour lui-même, pour son passé comme pour son avenir qu'il m'a été permis d'agir avec une grande sévérité à des moments que j'estimais opportuns. Le Rêve s'efface, je crains qu'il s'évanouisse s'il était donné à Orion le choix de s'y soumettre ou de s'en libérer. Je sais que certains de mes frères et de mes sœurs dans la cause comprendront quelles ont été les décisions les plus difficiles à prendre contre l'avis général auquel je voue ma plus grande défiance. J'éprouve une haine immense envers le grand naufrage que certains idéologues nous proposent, leurs esprits sont nourris de belles histoires aux fins heureuses et ce même si la noirceur envahit notre quotidien, ils paieraient leur naïveté. C'est pourquoi la violence a augmenté pour, loin de n'être qu'une posture, devenir un moyen pour éviter un futur plus désastreux. Plus qu'une conséquence, il était devenu nécessaire de refuser par tous les moyens notre propre mise au ban par ceux qui cherchaient à acquérir nos richesses immatérielles.

D'amour, si peu d'amour à raconter que c'est ce qui fait naître ce questionnement final. Mon regard se plonge sur une jeunesse insensée, je me mets à leur place et je me vois me tenir au centre de la pièce, partageant cette stupide histoire d'il y a trois siècles. Je me demande s'il reste encore une place dans ce grand plan qu'il reste à accomplir, si même un nabot a un avenir ou si toute mon existence est sans valeur. Je change de tête pour affronter le regard d'une plus jeune au fond de la salle, elle ne connaît que les rues bordées de déchets, elle me prend pour un fou qui distille un faux espoir, elle n'a pas entièrement tort. Je suis paré de richesses, mes vêtements, mes armes, mes demeures, ma famille et mes amis, et là un gars tout juste démoulé me dévisage avec des yeux noirs, car j'ai pris tout ce qui était à ma portée. J'aurais aimé lui dire, à ce petit gars, que j'ai été comme lui à courir dans les rues en évitant les balles, tout ça avec un short troué et un débardeur crasseux. J'aurais aimé lui dire que moi aussi j'ai voulu m'enlever la vie pour des histoires de cœur à son âge, que rien n'a été facile et que j'en ai bavé pour arriver où j'en suis.

J'en suis là, sur un trône d'ossements, à me demander s'il existe une solution pour que les mots aient un sens, pour que tout ce que j'ai entendu ne soit pas les balivernes insensées de cette Bienveillance que l'on surnomme Garce. S'il reste encore de la place sur mon corps, je lui donnerai ma confiance en attendant qu'elle se décide à frapper.

◊ Commentaires

  • Haven (62☆) Le 29 Août 2023
    C’est violent mais tellement vrai. Et juste. Une introspection à la hauteur de Flÿnn.
  • Gavïn (58☆) Le 29 Août 2023
    Paw Paw Paw!!! Chapeau l’artiste. Merci à toi de faire parti de ceux qui ont su poser des pierres pour que l’histoire de Dc grandisse et perdure.
  • Acius (119☆) Le 31 Août 2023
    ["J'éprouve une haine immense envers le grand naufrage que certains idéologues nous proposent, leurs esprits sont nourris de belles histoires aux fins heureuses et ce même si la noirceur envahit notre quotidien, ils paieraient leur naïveté." C'est incroyable. Bravo. ]
  • Liouli (379☆) Le 09 Septembre 2023
    [*La JD t'applaudit pour ce texte, même si la géante refusera de reconnaître officiellement la qualité de cet écrit et de donner trop de crédit aux propos tenus smiley*]