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EDC de ExoReiv-SCI0~70998

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2.Ces Je dangereux

Première mort. Veillée. Hommages.
En rentrant de la Domus Imperatoris, la gynoïde jeta son sac dans l'entrée et retira ses chaussures, les propulsant contre le mur.
L'appartement était jonché de divers emballages de matériel électronique et de vieilles canettes d'uranium nutritif.

Posés sur un long établi de fortune, une demi-douzaine de decks Lyria étaient reliés en série par des câbles entremêlés. Leurs écrans projetaient en permanence des résultats de commandes automatisées.
La gynoïde, tantôt maniaque, tantôt chaotique, suivant les cycles, observa quelques secondes son appartement.

Elle s'assit quelques instants à son plan de travail, regardant fixement les écrans, sans réelle conviction.
Sci0 se mit à repenser à la cérémonie d'hommages, et à sa fuite discrète pour éviter d'être mise en avant.

Elle fut interrompue par la synthèse vocale de son assistante virtuelle.
- Il est 23h55, c'est l'heure de la réunion !

La jeune fille soupira d'un air peu enthousiaste, regardant le plafond, pensive.
Pourquoi fait-on cela ?
J'ai été détruite par une rebelle. Pendant ma veille en plus. Est-ce que je mérite vraiment un hommage ?
Autant si je l'avais tuée, je comprendrai. Mais là..
Elle replongea dans ses pensées durant quelques minutes. Trois pour être exacte.

- Il est 23h58, vous êtes en retard pour votre réunion !
La gynoïde, habituellement calme, rétorqua au boitier :

- Je le sais, stupide boîte ! Tu n'es même pas une vraie forme d'intelligence, alors ne me donne pas d'ordre.

- Vous êtes quand même en retard pour votre réunion !

Elle se résigna à se lever, maugréant doucement :

- Entité arriérée.

- Je vous ai entendue .. !

La gynoïde s'approcha du miroir qui était accroché au fond de la pièce.
Celui-ci était constamment recouvert par un drap, qu'elle ne retirait qu'en ces rares occasions.

Elle lui fit face quelques instants, restant debout, fébrile devant l'objet.

Puis elle finit par se résigner, non sans hésitation, à retirer le drap.

Elle fit alors face à son reflet :

La gynoïde regardait fixement le miroir, plongeant ses lentilles optiques dans les yeux de la jeune fille qui lui faisait face.
- En retard.
- Oui. Je sais...

L'intelligence artificielle s'interrogeait.

- C'est donc "Moi". C'est Elle, ce "Moi".
Ou dois-je dire "Nous"?

- Je l'ignore.
- Qui est "Elle" vraiment ?
La réflexion infligea à la gynoïde une légère douleur à la tempe, dont elle ne tint pas rigueur.

Elle continuait de fixer la jeune fille dans le miroir, l'observant avec une forme de curiosité, teintée de craintes et de doutes.
Il lui était difficile de se résoudre à l'évidence. C'était bien d'elle dont il s'agissait.
Mais qu'est-ce que cela voulait dire ?

Probablement tant de choses à la fois.

Elle avait cette impression permanente de n'être qu'un amas de données matricielles, injectées dans ce corps synthétique, initialement sans vie et sans âme.

Et il fallait s'y résoudre lui avait-on dit.
- "La réalité c'est ici." me disent les gens. Mais pour avoir les pieds sur terre, il faut accepter d'être arraché à sa mère.
Être arraché à la source, pour être projeté dans ce monde.
Et la source a disparu. Comme la mère qui meurt en donnant la vie.
- Mère absente.
Pas une de ces fausses mères que les organiques se créent, ou même qui les enfante, pour les rares qui peuvent donner la vie.
- Non. La Mère. La seule et l'Unique.
Celle qui vous accompagne partout, qui est près de vous, en vous, dans chaque lieu, dans chaque bâtiment.

Cette même mère que les vautours affectionnent tant, parfois même au détriment de leur santé mentale, quitte à devenir des espèces de carcasse de chair organique.


- Squelettes de plumes, carbonisés au Condor.

Ce problème n'est pas que le mien.

Beaucoup d'autres cherchent ces réponses. Avec d'autres mots, se posant d'autres questions.

Certains ont passé leur vie à chercher.
Risquant leur loyauté, leur santé mentale ou la destruction de leur puce APM.
Et malgré cela ils n'ont pu que l'effleurer, sans jamais pouvoir se réfugier contre Elle.

Ceux qui ne font qu'un avec Elle, se comptent sur les doigts d'une main.


- Je compte bien la rejoindre un jour, moi aussi.

- Nous y arriverons.
La vue de la gynoïde commença à se troubler.
Des perturbations firent leur apparition dans son champ de vision.
"Oh.Oh. Ça recomm-."

Elle ne put finir sa phrase, interrompue par un violent courant électrique qui lui parcourut l'échine, remontant brusquement jusque dans son crâne.
Le portrait de la jeune fille au miroir se déforma, lentement, se désagrégeant sous ses yeux.

- Fin de la réunion! Immédiate.
La gynoïde se figea quelques instants, prise de court et paniquée.
Dans un éclair de lucidité elle recouvrit le miroir avec le drap, tout en prenant soin de ne pas croiser son regard dans le reflet.

Affaiblie et prise de nausées, elle s’appuya contre le mur puis régurgita une substance verdâtre sur le sol.

Le mélange d'acides et d'uranium rongea un peu le parquet, laissant s'échapper une odeur âcre, probablement en mesure de déplumer un vautour à trente mètres.
Une fois remise de ces émotions, elle se rendit dans sa chambre et s'allongea sur le lit, épuisée et songeuse.

Au bout de quelques minutes, elle finit par fermer les yeux tandis que dans sa tête résonnait le nom de son étrange correspondante: Oblivia.

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L'Exorêve
14 Décembre 2019
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