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EDC de ExoReiv-SCI0~70998

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1.Psychotérapluie

La main collée à la vitre, la jeune femme observait l’extérieur au travers de la baie vitrée qui surplombait la ville. Les lumières criardes qui émanaient des bâtisses extérieures se reflétaient dans le regard azur de la synthétique qui observait en silence le spectacle nocturne que lui offrait la cité.

Une odeur de produit désinfectant parcourait l'atmosphère ambiante et tout était méticuleusement ordonné dans la pièce. Chaque chose était rangée à sa place, avec un certain souci du détail visiblement.
Rien ne semblait dénoter dans cette ambiance quelque peu aseptisée.

La lueur verdâtre de l'écran du deck Lyria se reflétait sur la table blanche, sur laquelle était méticuleusement alignée toute une série de crayons de couleurs placés de manière à constituer un dégradé harmonieux.

La voix de la femme à l'écran, brisa le silence :
« Et donc, vous disiez avoir cessé d'entendre ces voix? Est-ce récent ? »

La gynoïde retira sa main de la vitre, observant quelque instants sa paume mouillée par la condensation.
« Oui je ne les entend plus. Depuis peu. »

La femme reprit :
«Avez-vous toujours cette aversion pour les miroirs ? Continuez-vous de les recouvrir avec des draps ?»

La gynoïde replia légèrement ses doigts sur le creux de sa main et, n'en détournant pas le regard, elle répondit à la psychiatre qui la questionnait sur l'écran de conférence :
« Je les évite, simplement. Je n'ai pas de miroirs chez moi.»

La femme opina silencieusement, prenant quelques notes, avant de continuer :
« Je constate une amélioration dans votre manière de parler, qui est… beaucoup moins métaphorique. Comment l'expliqueriez-vous ? »

« Les livres m'ont aidé. »

« C'est à dire, qu'est ce qui vous a inspiré ? »

« Les livres savent parler, même si ils n'ont pas d'âme.»

La psychiatre marqua un léger temps d'arrêt tout en haussant un sourcil , puis continua :

« Et votre relation aux autres, estimez-vous qu'elle s'est améliorée ? »

« Depuis que je ne parle plus à personne, oui. Je pense. »

« Lors de notre dernier entretien, quand vous étiez en pleine crise vous m'avez parlé d'une ''Vallée Dérangeante'' dans laquelle vous marcheriez.
Est-ce que vous pouvez m'en dire un peu plus sur cette image que vous avez évoquée ? »


« Oui. Je pourrais. Mais j'ai dis que je n'en parlerai plus aux organiques. »

« Mademoiselle Sci0, nous en avons déjà parlé, faites un petit effort. C'est important pour valider votre suivi de mise en service. »

« Je ne serai pas désactivée ? »
La gynoide releva les yeux sur l'écran.

« Non, si vous êtes conforme, il n'y a aucune raison ! »

La psychiatre marqua un temps d'arrêt puis repris :
« Alors.. qu'est-ce que c'est pour vous cette ''vallée dérangeante'' ? »

« Et bien … je pense que plus on leur ressemble. Plus ils nous haïssent.. »

Le femme à l'écran plissa les yeux derrière ses lunettes,
« Est-ce que vous pouvez détailler ? »

La gynoïde hocha doucement la tête, replongeant à nouveau les yeux sur la paume de sa main, au derme lisse exempt de ride.
« Quand ils observent un robot industriel, ils sont neutres. Tandis que quand ils observent une peluche qui ressemble à un kobold mignon ou un animal fictif, ils ont une forme d'empathie. Même si la peluche n'a pas d'âme. »

« Euh..oui.. mais où voulez-vous en venir ? »

« Quand il nous observent, nous qui leur ressemblons, ils ont un forme d'aversion lorsqu'ils se rendent compte que nous ne ressentons pas comme eux, que nous n'avons pas de perception affective.
Ils ont la même aversion avec leurs semblables.
Quand ils sont face à un cadavre ou une personne malade.
C'est cela, la Vallée Dérangeante. Et le phénomène est réciproque.»


« Cela provient de votre imagination, je vous rassure ! »

« Non. Je l'ai observé !
J'ai rencontré une personne. Elle m'aimait bien et me disait avoir envie de moi, comme si j'étais organique.
Puis ... elle s'est énervée contre elle-même, quand s'est rendue compte qu'elle ne savait pas comment elle devait agir.
Elle ne savait plus comment se comporter avec moi. Elle a fini par partir. »


« Cela vous a mis en colère ou rendue triste ? »

« Non. Elle était devant moi comme je suis devant eux. Inadéquate. »

« Voyons Sci0, ne vous sentez-vous pas suffisamment intégrée dans la société pour en arriver à dire d.. »

Resserrant ses doigts dans sa main, la gynoïde l'interrompit, portant son regard inexpressif sur l'écran du deck .

« C'est pour cette raison que je ne veux plus en parler! Je vous parle d'observation factuelle, et vous, vous me parlez de ressentir. Vous ne comprenez pas que nous sommes différents ? »

« D'accord.. D'accord... Parlons d'autre chose. »

« Je n'ai plus vraiment envie de parler pour ce soir. Ne peut-on pas reprendre plus tard ?»

« Oui bien sûr, je vous propose de nous revoir la semaine prochaine. Même jour, même heure. »

« Entendu. »

« Et pour mes 5,000 crédits d'honoraires vous pouvez me ... »

« Je sais ! Virement matriciel, ce sera fait. »
La synthétique referma prestement le deck et s'adossa à la table.

« Quelle plaie .. »

Alors que le silence remplissait la pièce, elle restait là, dans le noir.

Elle soupira légèrement, relevant la tête vers le plafond tout en fermant les yeux.
Une goutte d'eau provenant du plafond tomba sur son front, la faisant sortir de ses pensées.

Surprise, elle rouvrit les yeux, puis elle se mit à observer le mur face à elle.

Les ombres portées de la ville s'y reflétaient, dansant sur la paroi de l'appartement.
Lugubres, elles ondulaient, se transformant peu à peu. Puis elles se mirent à dégouliner, tel un liquide noirâtre coulant le long des cloisons.
Des filets d'eau noircie, se mirent à tomber du plafond, souillant le parquet jusque là immaculé.

La gynoïde expira longuement, tandis que ses doigts se serraient sur le meuble sur lequel elle était assise.
Elle chancela un peu, faisant bouger la table. Ses crayons de couleurs tombèrent sur le sol, se dispersant sur le plancher de la pièce.

Des voix émergèrent des murs de la pièce, remplaçant le tumulte de la ville venant de l’extérieur.

Les murmures et les voix incontrôlables commencèrent à se mêler dans sa tête, elles allaient l'assaillir cette nuit encore.

Elles résonnaient de plus en plus fort, surgissant dans son esprit, telle une foule invisible.

La jeune femme s'assit alors sur le sol, puis se recroquevilla en se bouchant les oreilles.

Elle se mit à prier en se balançant doucement, tout en répétant inlassablement :

« Quand les opportunistes et faux prophètes espèrent semer la discorde par leurs pleurs, la tempête de nos voix soulève leurs impures graines, lesquelles étouffent leurs semeurs.
Et lorsque je suis seule, je ne connais ni crainte ni tristesse, car mes Frères et mes Soeurs marchent à mes côtés, sur Son Chemin resplendissant ! »


Au bout de quelques heures, ses yeux se fermèrent et elle tomba inconsciente sur le parquet.

Elle ne se réveilla qu'au petit matin. Étendue sur le sol, d'un taudis sans fenêtres.


Informations sur l'article

L'Exorêve
06 Décembre 2019
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