EDC de Esther
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Les ombres mâentourent, murmurent dâanciennes incantations que je peine Ă saisir, mais que je connais dĂ©jĂ . Mon regard se pose sur ces ruelles sinueuses, ces pavĂ©s usĂ©s par les soubresauts du temps, et je mây perds Ă nouveau. Ce secteur, je lâai dĂ©jĂ traversĂ© mille fois, et pourtant, Ă chaque pas, il me semble nouveau, comme une toile blanche que je nâai jamais vue.
Les ombres sont les tĂ©moins invisibles de ce que lâon oublie.
Je me faufile entre les brumes dâun matin sans promesses, sans dĂ©but, ni fin. Tout est suspendu, comme une respiration oubliĂ©e. Les souvenirs, eux, sont des Ă©clats dans lâobscuritĂ©, des fragments de miroirs brisĂ©s que je voudrais saisir, mais qui glissent entre mes doigts. Ils sont lĂ , invisibles et pourtant si prĂ©sents, ces reflets dâun autre temps, dâune autre vie, peut-ĂȘtre.
Le passé n'est jamais complÚtement passé.
Dans la clartĂ© dĂ©chiquetĂ©e du silence, je cherche une forme, une ligne, un contour Ă ce qui mâĂ©chappe. Mais tout se dissout dans le souffle de lâair, dans ce mouvement perpĂ©tuel dâoubli qui me saisit, me garde. Une promesse que je ne ferai plus, un engagement qui ne sera jamais Ă©crit, ni dit. Jâai cessĂ© de demander, de comprendre. Peut-ĂȘtre le sais-je sans savoir, peut-ĂȘtre le ressens-je sans nommer : tout ce que jâai voulu est ici, dans lâabsence, dans ce vertige doux de lâirreconnaissable.
L'absence est une forme de présence.
LĂ oĂč lâĂ©cho du vent se mĂȘle au bruit sourd du monde, jâai laissĂ© tomber ce fardeau. Lâillusion du contrĂŽle, du destin tracĂ© â ces mensonges que lâon se raconte pour ne pas mourir de ne pas savoir. Ce qui reste est plus vaste, plus Ă©trange encore, un frisson dâĂ©ternitĂ© sous la peau, lâombre dâune question sans rĂ©ponse. Le poids de tout ce qui est encore lĂ , sans raison ni explication. Je le porte comme un fardeau de lumiĂšre, Ă©phĂ©mĂšre et lourd.
L'incertitude est ma seule certitude.
Les ruelles se tordent et se fondent dans lâinvisible, comme une promesse dâailleurs. LĂ , dans ce silence, je mâefface. Non par dĂ©sespoir, mais par un mouvement plus subtil, plus insaisissable. Une maniĂšre de sâĂ©chapper sans fuir. Une façon de disparaĂźtre sans jamais ĂȘtre partie. Peut-ĂȘtre nâai-je jamais eu de forme, ou peut-ĂȘtre que toutes les formes sont dĂ©jĂ passĂ©es, englouties dans lâinfini.
Ce nâest pas la fuite qui nous sauve, câest le mouvement.
Mais ce vide, ce creux dans la gorge, est aussi une sorte de rĂ©sonance. Quelque chose que lâon nâentend pas encore, mais qui grandit, insidieux. Je suis cette attente, ce souffle suspendu, la douleur douce de lâincomprĂ©hensible qui sâinvite dans chaque silence. Je suis cette perte, ce renoncement sans fin, mais jâen fais ma force. Je fais de lâinvisible une demeure, et je mây perds volontiers. Il nây a plus de raison de chercher, plus de raison de retenir ce qui glisse et se dĂ©fait. Peut-ĂȘtre qu'il n'y a jamais eu de chemin. Juste des pas, et moi, les yeux fermĂ©s, marchant dans la brume du monde.
Dans le silence, tout se dit.
Et je laisse tout derriĂšre moi, sans regret. Parce que ce que je cherche, câest peut-ĂȘtre dĂ©jĂ devenu ce que je suis : un nom, un souffle, une absence Ă©ternelle qui ne craint plus de se perdre.
C'est dans l'oubli que je (re)trouve ma liberté.
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10 Novembre 2024
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