EDC de Ernestine~53704

Kalhon était un homme bon, juste, droit. Il était ce qu'il était arrivé de mieux à Ernestine depuis son éveil. Ils s'étaient découverts au moment où elle en avait le plus besoin : Shadows venait de la quitter pour une Melina qu'elle avait tenté sans succès d'assassiner dans un moment de folie furieuse. Son coeur saignait et ce jeune homme était apparu avec sa douceur et sa sensibilité, il avait apaisé la douleur d'une brutale séparation et ils s'étaient aimés, vite, dès le premier soir.

Ce jeune homme n'était décidément pas comme les autres : il acheta une maison, l'invita à partager sa vie et lui demanda de l'épouser. Kalhon était le bon, l'homme qu'elle attendait depuis toujours, l'homme de sa vie. Elle le sentait, elle le savait. Lorsqu'il lui donna officiellement ce qu'il possédait de plus précieux, son nom, elle devint la plus heureuse des femmes et se jura de devenir une parfaite épouse pour son mari.

Bien sûr, ils eurent des hauts et des bas, comme tous les couples, mais ils savaient jusqu'où ne pas aller et finissaient toujours par se retrouver, plus amoureux encore.

Elle apprenait à le connaître. Il avait le goût des études, voulait devenir médecin pour aider, mais s'intéressait aussi à la politique, au droit, à l'informatique. Elle passait souvent des soirées seule parce que son époux suivait des cours à l'Académie impériale. Kalhon disait ce qu'il pensait et pensait ce qu'il disait, en toute honnêteté, en toute candeur parfois. Finalement, parce qu'il fallait bien travailler, il entra à l'agence Atrium et devint architecte avec un salaire de vendeur. Ernestine avait beau lui dire que sa patronne l'exploitait, qu'il devait demander un salaire plus élevé, il la regardait avec son sourire d'enfant qui, invariablement, lui faisait accepter ses caprices.

Les heptades, les mois passaient. Ils rêvaient leur avenir ensemble.

Un jour, Kalhon rentra inquiet. Il avait, en ville haute, rencontré une transfuge non validée encore, une certaine Talnawen. Il l'avait simplement orientée, mais une policière l'avait vu et convoqué au CdO. Ernestine le réconforta : cela ne pouvait être bien grave, il s'expliquerait et l'on comprendrait qu'il n'avait pas conspiré contre le pouvoir. Il passa le lendemain à attendre, mais on ne le reçut pas. Pour Ernestine, c'était bien la preuve que l'on voulait simplement l'embêter, mais que son affaire n'était pas sérieuse. Le jour suivant, Kalhon l'appela en fin de soirée pour lui dire qu'il avait été reçu et condamné à 48 CH de prison pour collusion légère avec la rebellion. Ernestine resta abasourdie. Ce n'était pas possible ! Le CdO ne pouvait manquer à ce point de discernement ! Comment pouvaient-ils traiter Kalhon, la bonté incarnée, comme un vulgaire criminel ?

La priorité, pour Ernestine, restait de soutenir son époux dans cette cruelle épreuve. Elle se rendit immédiatement à la prison pour lui apporter provisions et réconfort, mais aucun fonctionnaire ne put la faire entrer.

Le lendemain, la Commissaire Impériale diffusait sur l'AITL un extrait du registre de la prison : on y voyait, au milieu des pires rebelles que comptait le secteur, Kalhon. Son nom était jeté en pâture par une haute autorité à la vindicte populaire. Pour un homme d'honneur, le coup était rude ! La situation devenait plus qu'urgente. Ernestine réussit à obtenir le nom de la responsable de la prison et lui écrivit. La réponse de la Déléguée Daenerys fut cinglante : Non, elle n'avait pas le droit de lui rendre visite. Non, elle ne pouvait pas lui transmettre de provisions. Oui, elle s'adressait à la bonne personne, mais aucune caution n'était envisageable. Finalement, Ernestine la supplia de préserver son mari de tout contact avec les rebelles.

Le lendemain, son mari ne répondait plus et la directrice de la prison finit par l'appeler pour lui dire que Kalhon avait été battu à mort pendant la nuit et qu'elle ignorait par qui. Ernestine attendit dans l'anxiété l'heure de la fin de la peine et, le soir venu, se rendit à la prison. Elle rencontra le garde Tharios qui se montra d'abord aimable et la fit attendre pendant qu'il allait le chercher. Il revint seul : Kalhon n'était pas en état de sortir et, ajouta-t-il, cela pouvait être lié aux coups qu'il lui avait donnés. Son mari se trouvant encore entre les mains de ce sinistre geôlier, Ernestine se retint d'exploser. Le tortionnaire de son mari lui expliqua qu'il n'était pas l'auteur des coups de la nuit passée mais qu'il lui avait "infligé une correction" parce que son mari avait eu le toupet de lui demander avec insistance qui l'avait agressé. Cette fois-ci, la conversation s'envenima et le sombre geôlier finit par la menacer de la frapper et d'appeler le CdO. Désemparée, elle dut attendre dehors une libération qui ne vint pas.

Ce n'est que le jour suivant qu'elle retrouva son mari à la maison. S'il avait reçu les premiers secours pendant la nuit, une prise en charge médicale s'imposait. Appelée, la Lady docteur Hazel diagnostiqua trois côtes cassées, une déplacée et diverses plaies ouvertes qui nécessitaient une hospitalisation. L'opération dura près de trois cycles. Ernestine passa toute la journée et la nuit suivante à veiller son mari et à penser aux derniers événements.

Leur dernière discussion porta sur la justice. Kalhon découvrait que l'on pouvait ici vouloir le bien et faire le mal, se montrer à la fois sincère et condamnable, agir avec honneur et finir méprisé de tous. Il comprenait enfin que les lois n'étaient pas faites pour les citoyens comme eux. "Il y a une justice, le réconforta-t-elle. Il y a une autre justice ..."

Peu avant qu'elle n'apprenne que son mari avait mis fin à ses jours, Ernestine prit son communicateur et appela :

• "Allô, M. Maddoc ? Trois cent mille crédits, est-ce suffisant, pour un fonctionnaire ?
• Bien évidemment !"