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Je suis, c'est tout.

Ils sont là. Je me souviens d'eux. Je les vois devant les portes du camp militaire.
Je vois mon père dans son uniforme de l'armée. Fier, droit. Beau.
Je vois ma mère dans sa blouse d'infirmière. Douce, souriante. Belle.
Derrière eux le camp, ses baraques de briques rouges, ses allées propres pavées, ses quelques arbustes trop bien taillés.

Elle est infirmière dans l'armée. C'est là qu'ils se sont rencontrés. Y'a pas de miracle, mais parfois, y'a de belles choses.
Ils en font partis... Ils sont beaux.

Je vois des souvenirs dont je ne peux avoir la mémoire.
Je vois mon père gagner en galons. Il est nommé Général. Ma mère est tellement fière, tellement heureuse !

Ils s'aiment. Parfois Il va la voir à l'hôpital militaire. Quand il passe dans les couloirs, c'est une armée entière qui le salue, des hommes et des femmes alignés et immobiles, une main raide contre leur tempe. Et au milieu de ces statues de respect, ma mère qui court à pas pressés, petit bout de femme brun qui se jette dans les bras de son Chef de mari.

Une nouvelle bientôt. Elle est enceinte. Joie. Un garçon. Fierté. Moi.
Je me vois grandir, je me sens prendre vie, quelques cellules qui deviennent un amas vivant qui devient un corps. Minuscule, fragile, mais tellement enthousiaste de la vie qui l'attend !

La naissance.
Je me vois aimé et choyé.
Je me vois entouré.

Je me réveille.
Je pleure.

J'suis né dans une putain de cuve. J'ai pas de parents, j'aurai jamais de gamin.
De toute manière j'ai personne pour les faire, les gosses.
Un idiot de cyborg, manchot par fainéantise, pas foutu de dire deux mots sans s'emmêler les pinceaux, ni -quand il est vraiment en forme- vexer les quelques rares personnes pour qui il a, sinon des sentiments, au moins du respect. C'est ce que je suis.

Je sèche pas mes larmes. J'suis pas viril, j'assume. J'ai personne à impressionner, moi.
Sauf peut-être celle qui me traite déjà de lâche, donc j'ai pas grand chose à perdre.

Je suis en vie. C'est tout. Rien avant, rien après.
Je suis.

Je les vois devant les portes de leurs universités respectives.
Je vois mon père passer nonchalamment sous l'arche de grès ocre, les tuiles rouges étincelants derrière sa tête comme des flaques de sang.
Je vois ma mère, quelques livres contre la hanche, devant la colonne de briques rouges, le portail en fer forgé encore ouvert derrière elle, avec ses pointes noires en forme d'épée.

Ils s'apprêtent à recevoir leur diplôme.
Ils s'apprêtent à se marier.
Ce ne sont que des enfants, ils sont ignorants. Tout ce qu'ils savent, c'est qu'ils sont innocents, ils ne feraient pas de mal à une mouche.
J'voudrais courir vers eux et leur dire : "Arrêtez, ne faites pas ça. C'est pas la femme qu'il te faut, c'est pas l'homme qu'il te faut. Vous allez faire des choses que vous pouvez même pas imaginer. Vous allez faire du mal à des enfants. Vous allez souffrir comme vous pouvez même pas l'imaginer. Vous allez vouloir mourir."
Je voudrais courir vers eux dans la lumière de cette fin de mois de mai. Mais je le fais pas.
Je veux vivre. (Into the Wild)

Informations sur l'article

Pensées Passantes
07 Juillet 2013
1137√ 6☆ 5◊

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◊ Commentaires

Electron~41435 (156☆) Le 08 Juillet 2013
o/ Merci !!
Astaa~40027 (268☆) Le 08 Juillet 2013
"Famille" ? Z'aviez qu'a avoir un créateur comme tout androïde qui se respecte, bande d'organiques sentimentaux ! *
Scarlett~39190 (293☆) Le 08 Juillet 2013
"Aujourd'hui, je vis. Je pense et je suis. Enfin. " Autoquote
Un thème récurrent pour nous autres micro-ondes intelligents ?
Astaa~40027 (268☆) Le 08 Juillet 2013
"Ego Sum, Ego Existo" Faut croire que les questions existentielles sont un dénominateur commun des synthétiques partiels ou intégraux.
...
Mais sinon j'ai aussi un mode cafetière très au point.