EDC de Elea~1433

Celui qui a peur de l'inconnu, de l’extérieur cherche toujours à se réfugier dans l’imaginaire anonyme. Il fonde des espoirs dans ces univers infinis aux histoires fantaisistes, afin d'oublier le véritable sens, la réalité de la vie. Que cela soit dans les livres, ou dans la matrice, ces êtres en marge de la société cultivent la passion de ce qui n'existent pas, et s'en contentent, si bien que dans l’imaginaire dit "réel", ces idoles dont l'histoire est narrée ne sont que perte de temps.

Alan Fleet était de ces innombrables qui ne croyaient plus aux histoires de super-héros.

Il croyait simplement en son salaire qu'il percevait chaque soir, et qui lui permettait d'aller oublier sa journée insipide de médiocre employé de bureau en se noyant sous l'alcool, ou en allant tromper sa femme dans les bars à putes de la basse ville. Au début, presque coupable, il se disait qu'il fermerait les yeux, et penserait à sa femme quand il culbuterait sa prostituée pour 15 minutes, mais c'était surtout au début. Quand il revenait le soir, puant l'alcool et la baise, sa femelle n'osait plus s'approcher ni lui parler, et la chambre qui abritait autrefois un nuage d'amour n'était plus qu'une pièce austère avec deux lits séparés de trois bons mètres.

Ne subsistait du couple qu'un contrat de mariage qu'Alan refusait de résilier. Car malgré sa débauche de sexe et l'alcool, des sentiments unilatérales subsistaient. Hélène, c'était le prénom de sa femme.
Elle pleurait chaque soir de ne pouvoir prouver l'infidélité de son mari, qui chaque soir rentrait de plus en plus tard.
S'enfuir ? Pour voir la police la mettre à l'amende ? Pour la voir se faire battre par son propre mari ?
La loi elle même empêchait l'union de se défaire, car il fallait l'accord des deux conjoints. La loi disait que les conjoints se "doivent mutuellement respect, fidélité et assistance", mais qu'est-ce que quelques bleus pourraient bien prouver ?

Lorsqu'il rentrait, il n'y avait pas le couvert qui l'attendait, simplement un taudis froid et humide, que fuyait même les rats mutants. Puis il allait directement se vautrer dans le canapé boursouflé par le temps, prenait sa dose de kronotium béta et s'endormait, saupoudrant cette parade ridicule de ronflements rocailleux.

L'homme qu'il fut n'était plus. Il est loin le temps où le nid conjugal venait de se faire. Alan rencontrait Helène lors d'un passage au CIPE. Cette dernière travaillait alors comme conseillère, et c'est elle qui fut en charge de son dossier. Ils firent plus ample connaissance, le courant passait. Flint venait de trouver un travail dans une banque, et était follement amoureux. Une idylle qui prit fin par son propre amour, quand aveuglé par ce sentiment, il s'endetta pour faire plaisir à sa douce. Il prétendait multiples promotions et primes afin de justifier son train de vie luxueux.

Peu importe, rien n'était trop cher ou trop beau pour le plaisir de sa dulcinée.
Faute de multiplier les crédits pour pouvoir payer d'autres crédits, il s’endettait, et son salaire n'était plus capable d'assumer seul le fardeau qui commençait à peser sur lui. Il proposa alors à ses créanciers quelques services, et en échange de quoi, ils lui accorderaient un temps supplémentaire.

Une longue descente aux enfers qui le mena alors vers la décadence sentimentale et financière.
L'homme qu'il était n'est plus. Il ne restait qu'une loque qui, au gré de l'immortalité, pire supplice qui incombe l'Homme, n'aura d'autre rôle que de n'avoir aucun rôle.

Il était à peu prêt le deuxième cycle de la journée, quand un tintamarre vint réveiller Alan.
Ses paupières lourdes, et ses yeux rouges accusaient un manque, si bien qu'il prit le temps de s'administrer sa dose avant de se lever, encore tremblant. La kronotium est une substance anabolisante, semblable à l'adrénaline mais beaucoup plus forte. Ses effets secondaires le sont aussi beaucoup plus. Tachycardie, crise de panique, vomissement voir évanouissement, tels sont les lots gagnants de la rechute.
Quelques secondes passaient, et son cœur battait alors au rythme du vacarme derrière la porte.

Ses yeux arrivèrent au judas optique, laissant alors son visage se pétrifiait de peur.