EDC de Elea~1433

Sous son drap de plastique, le jeune outrillien s'agitait. Il abordait les passants si brusquement qu'ils n'eurent pas autre chose qu'un regard méprisant à lui accorder. Le reptile ne perdait pas le sourire, ni l'espoir, il touchera son millier de crédit pour cet ingrat travail de sous-fifre, quoi qu'il advienne. Il déambulait dans la rue, espérant ainsi se délivrer de la charge qu'on lui avait confié. Il portait à bout de bras une pile de magazine solidement attacher par deux élastiques. A mesure qu'il parvenait à distribuer quelques exemplaires, la ficelle devenait ample, sitôt qu'il n'eut pas d'autres choix que de coincer les derniers ouvrages sous son bras.
La pluie battait, mais qu'importe, car ni le reptile ni le journal ne craignaient l'eau. Mais ce n'était pas le cas de la peuplade de prolétaires qui désertaient l'avenue au profit des cafés couverts et des restaurants mal-famés. Et il criait, encore et encore.

« Demandez la nouvelle édition du Dreadcast news ! »

Et inlassablement, il poursuivait, comme convaincu qu'une foule se jetterait sur lui, pour lui arracher son édition. Mollement, un vieil homme se leva de son tabouret, canne à la main récupérer ce qu'on lui proposait. L'outrillien sourit, l'homme ne sourit pas, arracha l'édition des mains de l’humanoïde à queue et se dirigea vers sa place, non sans un vague merci presque craché. Ses paupières se clignèrent, il se sentit mal à l'aise vis à vis du comportement de l'ancien, mais n'insista pas, tira une inclinaison de la tête à tout les clients qu'il avait dérangé, et s'enfuit en courant.
La véritable nuit ne tarda pas, et un épais brouillard se profilait à l'horizon. Il fallait rentrer le plus vite possible, auquel cas, il se perdrait dans l'étendu de la ville lumière. Coupant à travers les terrains vagues, il traversait les rues imprudemment.

Quant à Elle, elle regardait par la vitre de son véhicule. Épuisée, elle avait posé la tête contre la portière, laissant ses yeux libres d'observer le paysage urbain défiler. Le bleu de ses iris luisait devant chaque panneau, chaque lumière, chaque néon, comme envoûté devant un magnifique spectacle pyrotechnique. Et tel un film muet, les images s’enchaînaient sans un bruit, comme enclavées dans un véhicule insonorisé. Le conducteur ne songea pas à prendre la parole, cultivant cette impression d'apaisement. Comme la flamme d'une bougie, elle était prête à s'éteindre, à fermer les yeux, à se reposer, à ne plus penser, à oublier..

Surprise, elle rouvrit les yeux, la voiture s'était arrêtée brusquement. La ceinture lui avait légèrement lacéré le cou. Elle apposa sa main sur l'hématome, non sans une sensation désagréable, mais rien de bien grave.
Le conducteur était apeurée, une fine coulée de sueur parcourant sa tempe. Son regard était vif, il regardait devant lui ce qu'il s'était passé, ses mains maintenues fermement sur le volant. Sans se retourner, il bégaya quelques mots, comme si son souffle fut coupé.

« Lady, je..je crois.. qu'on a percuté quelque chose.. »

Massant doucement sa rougeur de la main droite, son attention était toujours porté vers l’extérieur, vers la masse informe qui gisait à deux mètres du véhicule. La chose ne donnait visiblement aucun signe de vie. Après quelques secondes à chercher devant lui ce qu'il avait pu percuter, il lança un regard nonchalant vers la droite du véhicule, et jura de sa bêtise.

« Hunter, allez relever cet outrillien, et donnez lui ça, puis partons. »

Inattentif, il fut surpris de réceptionner le colis en pleine tête.
Il inclina la tête, en signe d'approbation, prit le parapactum sur le siège passager à sa droite, la donation de la dame, et ouvrit sa portière avant de quitter le véhicule. Témoin muette d'une scène coquasse, le valet courbait l'échine, multipliant les révérences et les excuses. Le reptile dépoussiéra son pagne en le tapotant de la main. In fine, l'humain se sublima d'une nouvelle inclinaison du corps, les deux mains en avant, tenant quelque chose que l'outrillien finit par rapidement reconnaître. Alors que l' homme burlesque se contentait de constater les dégâts sur le pare-chocs du véhicule, le reptile décrivait du regard la fenêtre arrière du véhicule, où apparaissait un visage au teint pale et aux lèvres de sang.
Il se sentit mal, et détourna rapidement le regard.

La véhicule redémarra, et ils s'en allèrent. Ne restait plus que le lezard qui regardait les phares arrières du véhicule disparaître dans la pénombre, un magazine dans sa main. Désabusé, et à la fois curieux, il feuilleta l'offrande qu'on lui avait fait : C'était l'édition particulière de la jeune femme, un écureuil dessiné main au coté de l'édito.

Il sourit.