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L'acceptation

Cet épisode fait suite au précédent : Au nom du frère.
Que pouvait-il advenir de neuf après un siècle de vie ?
Après des siècles d'existence d'une cité ?
Le paysage, plus que figé : immuable ; et le peu qui ne l'était pas se contentait de perdre une peau pour en révéler une autre, éternel mais fade renouvellement de la précédente. Mais cette inaltérabilité apparente sembla soudain parcourue d'un frisson. L'évolution, comme la palpitation du cœur battant avec une telle régularité qu'on finit par l'oublier, fut d'abord troublante.
« Voudriez-vous être mon ami ? »
Combien de temps s'était écoulé depuis ces mots ? Une décennie au bas mot. Mais, de loin ou de plus près, l'auteur des termes s'était accroché, à force d'envoyer des messages et de se croiser par accident. Entre le mirage halluciné des disparus et la part d'ombre des vivants, ce n'était pas sur une crête qu'il progressait au risque de choir, mais bien sur le plancher marin. Après avoir coulé, il avançait aujourd'hui bien au sec, quoique menacé d'ensevelissement par les parois lourdes du passé qui l'oppressaient de part et d'autre. Car elle avait fendu les eaux du désespoir.
Il s'était élancé dans une course. Les murs du musée défilaient. Il investissait d'une part ce qui demeurait de son énergie à faire fi de ce qu'il ne pouvait modifier ; et il investissait d'autre part les reliquats d'une attention corrompue par l'hyperactivité à atteindre l'aura lumineuse qui patientait, vaillante de stabilité au bout du chemin hérissé de chaos. Mille et une pressions se miraient dans les reflets abyssaux, comme autant de promesses de l'écraser qui paraissaient une douce délivrance. Lorsque parut le séraphin bleu, saint du saint de son cœur, pourvu de trois paires d'agrimensor sanglantes comme autant de vilaines ailes porteuses de morts plutôt que de la paix que l'ange avait cherché, Dall tituba.
« Je protège les miens. »
Etranglé par les flots, il ne pouvait répondre. Le sel lui envahissait la gorge lorsqu'il se détourna, l'asséchant tout à fait mais lui donnant un regain de puissance nerveuse pour parcourir les derniers écueils. Qu'est-ce qui pouvait être plus terrible que de se détacher d'un enfant ? L'insidieux et douloureux poison de l'impuissance s'écoulait dans ses veines en lui glaçant le sang, mais il espérait que cette séparation ne constituait pas un adieu. D'abord, il se tiendrait à nouveau debout, solide. Puis il attendrait le bon moment pour tendre à nouveau la main, encore et encore, jusqu'à ce que le temps donne raison à l'espoir qu'il nourrissait toujours à son encontre.
Ainsi, le nain parvint dans la lumière accidentelle. Sortant de l'océan, il foula la plage. Il s'échoua là et revenu à la réalité, il inspira le smog à plein poumons. Le paysage, "plus que figé", immuable, ne l'était pas tant si l'on observait à travers les apparences. Au sortir de son long séjour au froid, ne s'était-il pas senti écrasé par la hauteur vertigineuse des gratte-ciel qui avaient émergé en son absence ? Ils avaient peu à peu comblé chaque petite parcelle du secteur marranite ayant commis le crime de demeurer terrain vague. Donc, les choses changeaient, malgré tout.
La saveur du tabac était douce sur sa langue. Son neuvopack clignotait en silence, prévenant qu'un concentré attendait d'être éjecté pour relancer un cycle d'accrétion du farin et son com tinta, discret, pour lui signaler un nouveau message. Quelques minutaires plus tard et ayant gravi les nombreuses séries de marches d'un rare immeuble de Haute-Ville qui n'était pas encore doté d'un ascenseur, il poussa la porte d'un appartement. Pas chez lui, mais c'était devenu tout comme. Il se souvenait clairement l'avoir portée sur ses épaules dans cet escalier, une fois qu'il l'y avait trouvée claudicante, armée d'une paire de béquilles, engagée seulement à moitié de la première volée, dans une lutte fastidieuse pour parvenir au sommet. Le tout alors qu'elle se remettait à peine d'un accident. Un repas chaud l'attendait sur le comptoir et elle élevait au dessus une fourchette déjà pleine, tendue vers lui comme si elle s'apprêtait à le nourrir elle-même.
« Amie. »
Il avait de bonnes raisons de s'accrocher à cette existence. Alors, il décida de vivre encore.
Spoiler (Afficher)
La métaphore suivie sur le monde marin prend sa source dans l'article précédent hein. J'suis pas non plus totalement fonce-dé ! (pas totalement)

Informations sur l'article

Chroniques des années 360
05 Août 2024
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◊ Commentaires

  • Héphée (49☆) Le 05 Août 2024
    🌟 Douche et tendre ❣
  • Asmodée (111☆) Le 08 Août 2024
    [Très belle plume, et série vraiment cool ! Pleins d'étoiles sont tombées 🤗]
  • AGRAMF (227☆) Le 09 Août 2024
    "il décida de vivre encore." hourra !