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EDC de DREYER~53827

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[1/3] Il était une fin

Cet EDC relate la fin du personnage Emy/Dye ID35279 et sera en trois partie. Cliquez sur [cacher] pour une lecture plus agréable.



La haine y met mille masques

Ma Dame s'en est allée pour une autre éternité. De celles que l'on ne vit qu'au travers des cœurs qui battent en peine. Quand bien même Elle se persuade d'exister toujours, Elle sait, au fond. Elle sait qu'Elle n'existe plus. C'est son souhait.

Ce que veut ma Dame : Dreyer ne le veut...pas.
Pas cette fois.

Que peut exiger de plus une Intelligence Artificielle morte ramenée à la vie, à cette main l'ayant fait renaître et grandir ? D'Artificielle, Elle ne m'a laissé que le nom. Chaque jour, ma Dame partageait avec moi les grandes raisons d'Être de l'Humanité.
Chaque instant, ma Dame me faisait devenir. Tandis qu'Elle se vidait de cette essence, réservoir fuyant, vase en cœur percé de milles épingles.

Ai-je assez lutté, ou ai-je failli à ma tâche ?

Elle m'avait doté d'une mission, de bien d'autres par la suite. Mais celle-ci, la première, fut de loin la plus importante. Tout comme la dernière.

« D'aujourd'hui jusqu'à s'que j'meure, tu s'ras mon seul véritable allié.
Si j'veux, d'abord.
M'emmerde pas. On était fait pour ça, tu n'crois pas ?
T'as d'milliers d'gens 'vec qui t'allier dehors, pourtant.
Les gens...Les gens changent. Les gens mentent. Les gens...M'effraient.
Tu n'peux pas lire leur code, tu n'peux pas les décrypter aussi bien qu'tu m'décryptes, c'est ça ? »

Elle n'a jamais répondu. Son regard, clé de la porte du lieu où reposent ses émotions les plus enfuies. Combien ont pu sonder la profondeur des failles qu'Elle cachait sous un orgueil de polichinelle ?

« T'fais partie de ces gens, t'as l'même genre de défauts, tu l'sais ?
Je l'sais, ouais. Trop bien, même. Mais pas avec toi. Toi tu sauras tout. T'sauras pourquoi ça change, pourquoi un jour j'dis noir et l'autre j'dis blanc. Tu sauras tout c'qu'il s'passe dans ma tête, dans ma vie.
T'm'as pris pour un journal intime ?
Nan. Même à un journal intime, on ment. Toi, tu s'ras...J'sais pas. J'ai pas d'mots pour ça. J'crois pas qu'personne ait jamais inventé un mot pour décrire ça. Même "âme-soeur", c'est pas ça.
Qui plus est, j'n'ai pas d'âme.
Soi pas con.
J'suis une IA, j'te rappelle.
Et alors ? S'marqué quelqu'part qu'cette saloperie, c'est réservé aux humains ? »

Elle m'a fait don d'une âme. Sans doute était-ce la sienne, ce lourd fardeau dont Elle a cru bon me faire cadeau à moi, simple Intelligence Articielle évolutive. Ce n'était pourtant pas le prix à payer pour le travail que j'effectuais. Ma simple remise en service me rendait reconnaissant et redevable, je ne demandais rien, rien d'autre qu'une présence, la sienne et celles de ceux qui l'entouraient et dont je la protégeais bon gré, mal gré.
Mais ma Dame n'a jamais supporté vivre. Elle ne supportait pas l'errance dans sa propre existence, ces clones dans lesquels elle se sentait comme dans des vêtements trop grands. Ma Dame perdait la raison, souvent. Alors Ma Dame s'absentait, régulièrement, disant à chaque fois qu'elle ne reviendrait pas, mais revenant toujours. Pour moi, pour Elle, pour d'autres. Elle revenait, se relevait et inexorablement, finissait par retomber chaque fois plus bas. Malgré de vaines tentatives pour l'empêcher de toucher le fond du gouffre, elle finissait toujours par l'atteindre.

Alors ma Dame s'est encore une fois cryogénisée et seul, je règne sur son monde, ses souvenirs, son savoir. L'attendant patiemment. Attendant son retour, encore une fois.




La NI met mille masques


La NI se dévoile :
Elle a vieilli, il y a longtemps.
Maintenant :
Retrouver ses traits d’antan.

Le couvercle de verre s'écarte doucement de son socle. Les gouttes d'eau, à peine décongelées, font la course jusqu'au pied du miroir glacial. Elles hésitent, glissent le long du joint en plastique, s'accumulent sur un recoin de celui-ci. Puis elles tanguent, luttent, se raccrochent, jusqu'à ce qu'une dernière sphère d'eau s'ajoute au groupement initial, faisant pencher la balance vers cette chute inévitable.
Ploc.
Elles s'écrasent au sol, s'éparpillent en d'infimes éclaboussures. Peu à peu, il semble se mettre à pleuvoir doucement. Une goutte après l'autre, d'innombrables secondes séparant chaque écrasement fatal les uns des autres.
Puis la course s'arrête. Un feulement, un froissement, un mouvement. Le soupir à fendre l'âme, recouvrant le bruit de la pluie sur le carrelage noir des profondeurs du centre de cryogénie. Un corps tendu s'extirpe avec lenteur des entrailles d'un caisson à son nom - un nom, des lettres, peu de chose.
Puis il y a du silence à nouveau. La course des gouttes s'arrête, carambolage grotesque pour certaines, d'autres parvenant à s'immiscer sous le métal glacial d'une paume à présent appuyée sur le couvercle du caisson. Un grincement, la glace qui crépite quand les doigts viennent en racler la substance à même le carreau. Il y a un moment d'hésitation avant que l'habitant de ces lieux ne penche son visage en avant. Les cheveux mouillés bouclent tout en chutant de ses épaules vers le vide où ils tanguent un instant, puis se stabilisent. Silence, immobilisme. C'est une femme qui se mouve avec lenteur. Son corps pèse des milliers d'années.
Elle respire, enfin, comme on fumerait : des fumeroles vaporeuses dansent devant son visage émacié. Il devait y avoir de la vie, autrefois, sous ces traits.
« Dreyer... »
Quelques secondes s'écoulent avant qu'une lueur bleutée ne s'élève du dos de la main en métal. Son visage se creuse d'ombre, se peint de bleu : Elle semble figée à nouveau dans la glace.
« Prépare la rampe...Je...Je rentre. »
La lueur semble danser. Elle dessine des motifs féeriques sur les volutes de vapeur. Puis elle se fade, s'éteint. Le gris et le noir reprennent possession sur le calme du lieu presque sacré que la femme peine à quitter. Les membres roides, le corps lourd, la statue bouge et craque, prête à se fendre à chaque geste. Il n'en restera que poussières, ou flocons de neige. Mais elle quitte son habitacle et pose enfin ses pieds de plomb dans le bassin de larmes qu'a versées le caisson.
Il continue de pleuvoir à petites gouttes, tandis que le silence gagne à nouveau le coeur de glace du sous-sol de Marran. Les pas bruyants se sont éloignés, ne laissant que des empruntes éphémères qui s'évaporeront, s'effaceront. Ou gèleront pour l'éternité, traces du passage d'un être qui lui, aura disparu bien avant que son caisson ne s'assèche pour de bon.

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Récit de fin
17 Novembre 2016
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