EDC de Cryx~52202

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La porte venait de se refermer sur l'outrilien, laissant les vauts seuls dans la pièce du centre de cryo.
Un silence profond s'installa juste perturbé par les reniflements et pleurs d'Adelheid. Mais bientôt, le droïd Tore bipa en les regardant et capta leur attention. Il se tourna légèrement, et un projecteur holographique s'activa, laissant voir l'image de Cryx sous les regards attentifs des présents. Kemelvor ne sembla guère surpris, s'attendant surement à quelque chose de ce genre de la part de l'outrilien.
Leur faisant face, l'hologramme prit la parole par l'intermédiaire d'un haut parleur du droïd déformant légèrement la tonalité naturelle de la voix.

Ma chérie, ma puce, ma fille.
Je sais que c'est dur. Mais comme tu vois, l'immortalité n'est pas qu'une affaire de clonage. Mais aussi de présence dans les cœurs et de transmission de ce que nous sommes.
Je prépare mon départ depuis quelques temps et ce n'est pas pour rien. Pour ne pas disparaitre d'un claquement de doigt et ne rien léguer. Malgré mon échec, je veux encore continuer à croire que, possiblement, je peux encore être utile à certaines personnes. Tu trouveras réparti dans ces droïds mes connaissances, mes enseignements, certains projets, certains de mes rêves pour les 300 prochaines années, classifiés dans des dossiers enfouis et cryptés que seuls toi ou de rares personnes pourrez accéder. A toi de trouver les motifs de déclenchement d'autres sessions holo comme celle-ci en bavardant avec mes petits.
Rien de tout cela ne sera réalisable au cycle actuel. Assures toi d'abord de faire en sorte avec qui tu sais, et éventuellement d'autres, que l'Imperium se redresse d'abord. Après il sera temps d'ancrer des rêves dans la réalité.

En dehors de ces demandes qui dépendront de toi, il y aura également une session auto-déclenchante une fois par an. Car j'ai également passé ces derniers temps à peaufiner l'horizon des possibles pour l'Imperium. Et si je tombe sur 9 avenirs possibles, je ne peux être certain desquels vont se dérouler. À chaque intervention je ferai un point sur la voie probable, si je me trompe à toi de me corriger pour enclencher le fichier correspondant à la réalité. Mais cela ne sera valable que pour les 6 prochaines années, je ne peux prévoir raisonnablement plus loin, sans partir dans des conjectures hypothétiques trop élevées.
En effet, l'imprévisibilité augmente, et l'horizon des possibles est directement proportionnel au cube du temps prévisé, et inversement proportionnel à la taille de la masse observée. Oui plus il y a de monde dans une population, plus on peut lisser les effets individuels pour en tirer une trame de masse.
Tu sais puce, l'avenir est comparable à un courant dans une canalisation. On ne peut définir où va telle ou telle goutte d'eau, mais on peut calculer comment circulent les flots et où le courant est le plus fort.
Tout comme on étudie les courants dans un tuyau avec la dynamique des fluides, une dynamique des populations permet d'étudier les courants communautaires d'une cité dans le temps...

Il balaye de la main l'air et secoue un peu la tête. Il avait démarré cette science il y a plus de 20 ans, dans des prémices qui lui avait permis d'établir de manière théorique et large que l'Imperium et l'Humanité n'avait plus que 100 ans d'existence dans sa progression actuelle. Dès lors il n'avait eu de cesse de perfectionner le modèle, afin de comprendre pourquoi, et surtout comment l'éviter.

Excuses moi.. j'en oublie qu'au moment où tu recevras ce message tu auras autre chose en tête que l'envie de parler de math... Tu verras en temps voulu. Penses au mot que je t'ai confié.

Une légère pause. L'autre vautourde qui était venu faire ses adieux parti pour laisser Kem et Adel seuls.

Il faut cependant essayer de comprendre la nécessité que je parte. Contrairement à ce que vous pouvez penser, je ne peux plus aider l'Imperium à avancer par ma simple présence. Je n'ai plus la force mentale pour, je ne suis plus un assez bon exemple, et je risque de produire l'effet inverse.
Par conséquent il s'agit de résoudre un paradoxe. Je ne peux rester dans le présent pour être présent dans l'avenir, puisqu'il n'y aura plus d'avenir où être présent. Ainsi si je veux être présent dans un avenir, je dois m'effacer du présent pour que cet avenir existe. Hmm je sais pas si je suis bien clair.

Il se passe la main sur le front, pensif.

Tu sais pas comme c'est compliqué de percevoir le monde comme je le perçois. À ne pas le voir par le présent mais par ses avenirs possibles. Et à m'y perdre... beaucoup trop. C'est comme une série de calques superposés, d'avenirs lumineux ou ténébreux, proches et calculés, ou lointains et imaginés. Je ne peux plus le supporter surtout quand il ne reste plus que des mauvais avenirs à voir. Et ne penses pas que connaître l'horizon des possibles fait de toi le maître du temps. Tu ne peux que subir, et regarder finalement quelle voie est empruntée en effaçant les autres calques d'avenirs, sans que tu ne puisses influer grand chose, car tu n'es qu'un simple individus sacrifiable, qui ne compte pas tellement dans les trames de masses. Mais parfois le plus insignifiant des mouvements peut être amplifié par cet effet de masse et effectuer une transformation générale. C'est la théorie du Chaos. Je ne permettrai pas que je provoque un mauvais effet, alors qu'on marche déjà comme des funambules au bord du gouffre.
Je dois partir...

Je suis désolé de te faire du mal. Mais tu vois puce, gardes Tore et Stilly à tes cotés et je ne serai jamais loin de toi.
Rapproches toi des bonnes personnes. Soit prudente. Je t'aime Adel. On se revoit vite.

L'hologramme crépite et ondule avant de disparaitre, laissant place à la solitude.

Dans la salle de réception, après ces quelques minutes, c'est avec une marre de larme sous les yeux qu'Adel essaye de retenir de sangloter en vain. S'effondrant dans les bras de Kemelvor, il l'amène plus loin dans un coin pour la dorloter, la laissant ensuite exploser en larmes.

Dans les profondeurs du centre, la cuve est arrivée en position définitive.
Le fluide cryogénique envahi le corps petit à petit. Les muscles s'endorment, se figent et se conservent. Les mouvements du cœur ralentissent. Les neurones diminuent leurs activité synaptiques et l'influx nerveux se calme doucement, ne laissant dans la pensée trouble que tout juste la place à

Un

.............................................dernier

...........................................................................................rêve

La jungle verte qui entoure Dreadcast. Ses feuilles et ses champignons multicolores. Ses dangers et merveilles. Elle est emplie de cris d'animaux, et des fracas des machines qui la parcours et l'exploitent. Immenses araignée mécaniques qui écrasent les arbres, coupent, tranchent, transforment, taillant des saignées à travers la canopée, étendant les bras de l'industrialisation du monde...
Au delà de la forêt qui se clairseme, on débouche sur un vaste désert, sec, fait de roc et de sable. Le survol opéré est rapide au dessus de cet univers d'apparence stérile. Au milieu de l'aridité, une piste tamisée semble être visible, traces de passage de centaines d'engins lourds de milliers de tonnes. Un nuage de poussière apparait à l'horizon. Le rejoignant, un énorme véhicule roule à toute vitesse en avalant les kilomètres de néant, écrasant le sable sous ses six roues. Un tentaculaire des sables menaçant jailli du sol, et le monstre se fait aussitôt vaporiser par une tourelle de défense lourde qui a pivoté vers le monstre. Inébranlable le convoyeur continue sa route. Le survol le dépasse, allant plus vite, et s'éloigne un peu de la surface pour voir qu'on était dans un aéronef léger blanc et bleu qui siffle dans les airs. Des infrastructures en bord de route se font plus nombreuses. Des petites structures isolées semi automatique, des fermes à énergie, des fermes hydroponiques, des mines, et des droïds qui circulent. Quelques carcasses démolies, abandonnées, dévorées par les sables. Un peu désaxé au loin, sur un piton rocheux au centre d'un ravin, une colonie pénitentiaire retient ses détenues par la simple force de l'environnement implacable, reliée au plateau environnant par une grande arche de pierre rouge, seule porte de sortie vers le désert.
Un second aéronef rejoint le premier et ils filent ensemble dans la même direction. Dans les tumultes d'une tempête de sable, et au milieu d'éclair mauve d'électricité statique, commencent à apparaitre l'ombre de hautes structures. Les tours de DreadSevens se dressent comme d'immenses champignons, rigides et flexibles à la fois, remuant doucement au gré du vent de manière contrôlé par des mécaniques complexes pour maintenir leur équilibre, leur chapeau élargit protégeant les habitations inférieurs des rayonnements nocifs. Les vents tempétueux font tourner les turbines des générateurs aérocycloniques situés dans les hautes piles des tours, produisant une partie de l'énergie de la colonie. Le reste étant apporté par les fermes à énergie de la région.

De nombreux aéronefs circulent malgré les vents, se chargeant de faire les relais entre les convoyeurs au sol, et les étages de vie supérieurs. Des tourelles blindées protègent les bases des tours pour empêcher toute approche.
Un peu plus loin, à moitié enseveli par le sable, les restes brisés d'une statue. Une inscription légèrement érodée indique encore:
"A Cryx Thypex et à ses rêves, converti en réalité. Premier module de DreadSevens posé en 2/476.1"

La tempête s'intensifie et s'étend. Sur la route le convoyeur disparait en se transformant en vague de poussière et se mêle aux tourbillons ambiants. Les structures se décomposent les unes après les autres. Les nefs se changent en sable dans les rafales. Les hauts champignons mécaniques se désagrègent comme des structures éphémères recevant un coup de pied divin.

Tournent tournent les restes de l'avenir... Dans des tourbillons toujours plus clair... jusqu'à n'être plus qu'un grand rien...

Blanc.